"Pourquoi la gauche fait elle ça et pas une politique de gauche, favorable à ses électeurs ?"

mardi 5 novembre 2013.
 

par Gérard Filoche, membre du bureau national du PS

D’abord j’approuve ce qui a été dit avant moi. Oui, il faut débattre dans le Parti socialiste, cela urge. Car le rôle du parti n’est pas d’entériner et défendre aveuglement la politique venue d’en haut, du gouvernement. Mais au contraire de faire remonter ce que nous voyons sur le terrain, ressentons, mesurons de l’état d’esprit de nos électeurs.

Or ça va mal, chacun peut s’en rendre compte quand il voyage, quand il milite, quand il distribue des tracts sur le marché. Nos électeurs sont déboussolés, mécontents, avec un mélange de colère découragée et de déception amère. Ils ne voient pas le changement, ils ne voient pas la rupture avec ceux qu’ils ont voulu chasser en mai juin 2012. Alors oui, discutons, l’idée d’un séminaire du Bureau national avec les membres du gouvernement est excellente. La réflexion poussée entre nous est vitale aujourd’hui. Car il y a un choix de cap à faire.

En attendant je veux vous parler de la question du jour. Aujourd’hui mardi 22 octobre, ce fut jour de grève et de manifestation nationale de toute l’inspection du travail. De Montparnasse au Ministère du travail. Et ici devant nos locaux du Parti socialiste. Oh les manifestants ne pouvaient pas occuper la place de la Concorde car les services de l’inspection sont minuscules hélas. Mais il y a eu 700 agents et on peut dire que toute l’inspection était là.

Il existe 770 sections d’inspections en tout et pour tout pour 1,2 million d’entreprises et 18 millions de salariés du privé, concernés. François Hollande m’avait dit une fois « tu as raison, il faudrait doubler les sections d’inspection, cela ferait du bien aux gens et ce n’est qu’une ligne budgétaire ». Je m’attendais donc à ce qu’on double les sections, pas à ce qu’on les détruise.

Or Michel Sapin fait passer en force un plan de casse de l’inspection du travail. Il supprime les sections. Il remet en cause l’indépendance des agents et de leurs missions. Il met fin à leurs interventions en opportunité sur une base sectorielle. Il supprime les secrétariats d’accueil du public. Il supprime nos liens les plus directs avec les salariés. Il nous met sous tutelle d’une hiérarchie de type armée mexicaine. Il restreint en tout le caractère indépendant, généraliste et territorial de l’inspection telle qu’elle existait depuis plus de 60 ans. À tel point que 100 % de l’inspection est contre ce plan de casse. Michel Sapin a eu zéro voix en CTPM en juillet. Aucun syndicat ne l’a soutenu, aucun. Zéro voix pour son projet. Il avait prôné la concertation, c’était une duperie puisqu’il passe en force.

Les agents de l’inspection sont des fonctionnaires indépendants qui ont pour charge de faire respecter le code du travail aux employeurs. Ils sont protégés par une convention de l’OIT « ils ont pour missions d’alerter LES gouvernements en place du sort qui est fait aux salariés". Ils sont indépendants mais pas « neutres », ils ont pour rôle d’imposer l’état de droit dans l’entreprise. C’est à eux de poursuivre les infractions des employeurs qui sont assujettis au code du travail.

Les agents, contrôleurs et inspecteurs, et secrétariats, ont une haute idée de leur mission. Il y a un esprit profond de dévouement et de vigilance, une fierté dans l’accomplissement de leurs fonctions. Et là le corps entier est bouleversé : c’est tout le métier qui est cassé, c’est un changement total.

Jamais la droite n’aurait osé faire ça. Elle en rêvait mais elle ne l’avait pas fait. Pourquoi est-ce la gauche qui fait ça ? Dans quel but ? Pourquoi ? Ce n’est même pas une question d’argent, de coût, d’économie, cela heurte tous les personnels qui ont été très nombreux à voter l’an dernier pour le changement à gauche, mais jamais ils n’auraient cru en être victimes à ce point. 80, 90 % du corps est outré, j’en ai vu qui pleuraient tellement ils se sentaient humiliés que la gauche fasse cela. Ils ne comprennent pas, n’admettent pas, ils sont scandalisés.

Les conséquences vont être graves. Le droit du travail va encore reculer. Des millions de salariés ont besoin d’une inspection mobilisée, motivée, et non pas muselée et démoralisée. La l’accès va leur être fermé. Les hiérarchies (Direccte et DUC) négocieront par dessus les agents avec les employeurs. Les inspecteurs/contrôleurs seront déplaçables, malléables, écartables. Bref, la dignité et l’efficacité de la mission va être détruite.

Je vous alerte, car cela viendra sous forme de loi en janvier au Parlement, les articles en L du code du travail, si on ne réussit pas à dissuader le ministère de commettre ce coup de force. Je vous le dis, ça s’ajoute a tous les griefs ressentis par nos électeurs. Pourquoi la gauche fait elle ça et pas une politique de gauche, favorables à ses électeurs ?

PS) Cette déclaration a été prononcée au bureau national du PS du 22 octobre


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