Métropolisation : La concurrence entre collectivités

samedi 2 novembre 2013.
 

Le Sénat a voté le 8 octobre 2013 la loi créant une nouvelle forme d’intercommunalité, la métropole, ainsi que des cas spécifiques pour les Métropoles de Paris, Lyon et Aix-Marseille. Cette loi détricote la République pour plusieurs raisons :

- elle remet en cause l’échelon communal,

- elle donne davantage de pouvoir à une intercommunalité a-démocratique,

- elle institutionnalise les inégalités entre territoires

- elle organise la concurrence entre les collectivités.

Négation de la démocratie communale

La loi votée par le Sénat et qui l’avait été auparavant par l’Assemblée met en place une nouvelle forme d’intercommunalité, la métropole. Ce statut permet aux groupements de communes de prendre davantage de compétences que celles que les communautés d’agglomérations ou urbaines avaient déjà : par exemple la compétence sur la voirie ou encore le champ social. Et toute intercommunalité qui regroupe 400 000 habitants pourra devenir métropole automatiquement, par décret. Ce nouveau statut réduit encore davantage le rôle des communes. De plus, sa mise en place pourra être automatique, il ne sera pas nécessaire de demander l’avis des citoyens sur cette transformation de statut. La loi confirme donc le statut « gestionnaire » et non démocratique des intercommunalités.

En effet, les décisions sont officiellement prises par le conseil communautaire, mais dans chaque communauté de commune, d’agglomération ou urbaine, et demain dans chaque métropole, les arrangements entre maires sont en réalité la base du processus de décision. Loin de rendre le fonctionnement politique clair pour les citoyens, les intercommunalités sont gouvernés sur le mode du consensus et du compromis permanents, illisible pour les électeurs, comme l’ont bien montré Fabien Desage et David Guéranger dans leur ouvrage La politique confisquée. C’est à une telle institution, oligarchique par essence, que le gouvernement a décidé de donner davantage de responsabilités.

Le règne des baronnies locales

Les futures métropoles sont aussi des futures baronnies locales, pour celles qui ne le sont pas déjà. Gérard Colomb à Lyon est l’exemple type de cet oligarque apparatchik, qui encourage la création de sa baronnie personnelle dans un texte de loi.

Car le gouvernement, non content de créer les métropoles de façon générale, prévoit, dans la loi, la distinction entre les territoires en proposant un statut spécifique pour Paris, Lyon et Aix-Marseille. Cette loi organise donc la rupture d’égalité entre les citoyens sur le territoire de la République, puisqu’un habitant de chacune de ces trois villes ne vivra pas sous le même régime local. C’est le paroxysme du PS local, qui n’existe depuis 10 ans que par la création à un niveau infra national de baronnies assurant le maintien en place des oligarques locaux. C’est aussi le symbole du conflit d’intérêt manifeste qui transpire du cumul des mandats : Gérard Colomb, sénateur du Rhône, a rédigé la majeure partie des articles de la loi relatifs à la métropole Lyonnaise, dont il est président, en même temps que maire de Lyon. La concentration des pouvoirs est à son comble, la démocratie et les citoyens bafoués.

Inégalités entre territoires urbains et ruraux

La loi créant les métropoles indique que chacune d’entre elles, en dehors des compétences qui lui sont automatiquement attribuées, pourra négocier avec les autres collectivités territoriales une délégation de compétences plus importante, et notamment auprès des conseils généraux. Ainsi, les métropoles pourront obtenir la gestion du RSA, de l’aide sociale à l’enfance ou des collèges sur leur territoire. Il resterait dans ce cas aux départements la responsabilité des services publics dans les territoires ruraux ou périurbains. C’est une source immédiate et claire de discrimination entre les territoires, et de creusement des inégalités. En effet, jusqu’à présent, une solidarité institutionnelle se mettait en place, permettant de répartir la richesse produite et les impôts levés pour la mise en place des mêmes services publics sur l’ensemble du département. Dans le futur schéma des métropoles, cela ne se fera plus. De fait, les métropoles, souvent plus riches par la concentration des activités économiques de l’ensemble d’un département qui s’y trouvent, ne participeront plus à l’égalité de traitement des habitants.

La concurrence locale institutionnalisée

Cette nouvelle conception de la répartition des compétences entre collectivités n’est pas un hasard. Elle institutionnalise la concurrence entre les territoires, la nécessité pour les métropoles de se distinguer les unes par rapport aux autres pour attirer des entreprises, des habitants et renforcer leur « compétitivité ». Ceci au détriment d’autres villes du territoire national et surtout au détriment des citoyens qui soit habitent une ville trop dense ou trop étendue où les temps de transports s’allongent et la qualité de vie diminue, soit habitent un territoire délaissé parce que considéré comme « non-compétitif » et donc dépourvu de services publics.

Cette compétition, jusqu’alors réservée aux « Unes » du Point ou de l’Express sur les classements des villes les plus étudiantes, fleuries, agréables, calmes, festives…devient la norme de la gestion des collectivités, validée par les représentants nationaux dans les deux chambres. C’est ainsi que fleurissent les politiques de rayonnement, d’attractivité, le marketing territorial et autres dépenses faramineuses pour seul but de faire croire que la collectivité x ou y est la meilleure, contrairement à ses voisines. Pour seul but également, d’entrer dans la danse européenne des « métropole à rayonnement européen », sur un modèle de la libre concurrence entre collectivités, au mépris de l’unité et de la solidarité du territoire national, héritées de la Révolution Française, tout comme les communes et les départements, collectivités aujourd’hui reléguées par l’Union européenne libérale, qui encourage les régions et les métropoles.

Le cas spécifique du Grand Paris

La loi telle que rédigée actuellement regroupe dans cette future métropole Paris et les communes des trois départements de petite couronne, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine. Cette super structure aura en charge les questions d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de logement.

Dans le même temps, les intercommunalités existantes seront dissoutes, pour que les communes soient directement membres de ce mastodonte, archi-dominé par Paris. Tout cela sans aucune consultation ni des élus des communes concernés ni des citoyens bien entendus. Alors que les territoires de petite couronne se développent depuis des années en cherchant leur propre cohérence, sans dépendance envers la capitale, ce schéma met à terre ces efforts en inféodant de fait ces communes à Paris, qui détiendra 40% des sièges dans la future assemblée métropolitaine.

Claire Mazin


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