Front de gauche : il est encore temps (C. Autain, R. Martelli)

mardi 24 décembre 2013.
 

La tension interne au Front de gauche vient de franchir un nouveau seuil. C’est préoccupant, mais il est encore temps de redresser la barre.

Après des années de dispersion amère à la gauche du Parti socialiste, la création du Front de gauche, à la fin de 2008, fut un salvateur ballon d’oxygène. L’espoir était de retour et la dynamique de l’élection présidentielle en a montré la fécondité. Il n’est pas question de revenir en arrière. Une gauche de gauche a toute sa place dans le paysage politique français, mais cette place ne peut être réellement occupée sans une condition, non suffisante mais cardinale : l’unité.

La décennie écoulée l’a amplement démontré. Chaque fois que la gauche de gauche est rassemblée, autour d’un objectif clair (par exemple le Non au Traité constitutionnel européen), elle change la donne. Chaque fois qu’elle est divisée (par exemple l’élection présidentielle de 2007), elle laisse à d’autres forces le devant de la scène. Pendant longtemps, la gauche de transformation sociale a trouvé son expression politique la plus forte dans un vote communiste élargi. Ce n’est plus le cas et ce ne sera plus le cas. Mais nul ne peut penser qu’il va occuper à lui seul l’espace politique ainsi libéré. Si le PCF actuel pensait qu’il n’a qu’à attendre patiemment le retour du balancier, il se risquerait aux désillusions cuisantes de 2002 et 2007. Mais si, en revanche, telle ou telle force, tel ou tel courant se laissaient aller à tourner le dos au Parti communiste, ils se voueraient à l’échec et, avec lui, à l’échec de toute la gauche transformatrice.

Les élections de 2014 ne peuvent pas se traduire par des scores du Front de gauche en-deçà de ceux de 2012. « Les » élections… Les municipales comme les européennes. Le choix du PCF dans plusieurs grandes villes complique la situation ? Sans nul doute. Mais il y a suffisamment de communes, grandes, moyennes ou petites, où le Front de gauche est en lice pour porter les couleurs d’une politique locale ambitieuse, à rebours des logiques d’austérité. Ces listes doivent recueillir en mars le score le plus élevé possible. Elles n’y parviendront pas dans un climat national de rancœur et de suspicion réciproque. Et, lors des européennes du printemps, le Front de gauche doit porter une espérance plus large encore, à l’échelle de tout le continent. Il ne le pourra pas si ses acteurs ne retrouvent pas l’enthousiasme militant unitaire de 2012.

Il n’est pas trop tard. Le Front de gauche s’est accordé sur une visée stratégique assurée : énoncer une critique radicale de l’option sociale-libérale pour déblayer la voie d’une gauche rassemblée autour de ses valeurs émancipatrices, sociales et écologiques. Critique et rassembleur, à toutes les échelles, de la commune à l’Europe : c’est notre marque de fabrique. Elle ne vivra, elle ne se verra que si nous sommes ensemble, résolument ensemble, quelles que soient les difficultés. La nécessaire clarté ne passe pas avant l’unité, tout simplement parce que, sur le fond stratégique, nous avons déjà bâti notre communauté essentielle.

Retrouvons donc sans tarder l’allant de notre unité. Nous réfléchirons ensuite à notre avenir. Sans doute nos tensions disent-elles aussi, malgré nous, une limite de ce que nous avons construit. Nous sommes un espace militant : c’est notre force. Mais nous n’avons pas réussi à fonctionner autrement que comme un cartel : c’est notre faiblesse. Ne plus être un cartel, inclure – et pas seulement pour coller les affiches – tous les militants et sympathisants qui, par dizaines de milliers, ont donné de la force à notre candidat en 2012 : ce défi est devant nous. Il faudra scrupuleusement respecter le désir de ceux qui veulent conserver leur autonomie organisationnelle. Mais le Front de gauche a le devoir d’ouvrir ses portes et ses fenêtres s’il veut être à la hauteur de la responsabilité qui est la sienne : être un outil au service du peuple pour construire une alternative politique.

Ce sera notre tâche après les échéances électorales. D’ici-là, un impératif unique : le souffle irrépressible de l’unité.


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