Kurdes assassinées à Paris : un tueur d’extrême droite ou lié à l’Etat turc ?

samedi 28 décembre 2013.
 

Près d’un an après l’assassinat de trois militantes du PKK, à Paris, l’enquête connaît un brusque coup d’accélérateur. La veille des crimes, le meurtrier présumé avait photographié le fichier des adhérents d’une association kurde. Ses appels vers la Turquie intriguent les policiers.

Les derniers développements de l’enquête sur l’assassinat de trois militantes kurdes proches du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), le 9 janvier 2013, à Paris, renforcent les soupçons contre Ömer Güney, l’unique suspect des meurtres. Ils accréditent désormais l’hypothèse d’un assassinat politique sur fond d’espionnage.

Incarcéré, Ömer Güney, réfute toujours toute implication dénonçant un "complot de la France" contre lui. Le jeune homme se présente comme un Turc sympathisant "à 10.000%" de la cause autonomiste kurde. Mais cette ligne de défense se trouve désormais très fragilisée après la brusque accélération des investigations il y a quelques semaines et que L’Express est en mesure de révéler.

Des photos compromettantes

Le laboratoire de police technique et scientifique situé à Ecully, près de Lyon (Rhône) vient de réussir à restaurer des fichiers photos effacés de la mémoire d’un téléphone mobile de marque Nokia utilisé par Ömer Güney. Elles prouvent que, la veille des meurtres, celui-ci pénétrait en pleine nuit dans les locaux d’une association kurde, à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) pour photographier le listing des adhérents. Entre 4h30 et 5h30 environ, il a ainsi soigneusement photographié, une à une, 329 fiches d’adhérents, sur lesquelles figurent noms, adresses, numéros de téléphones de ces opposants à l’Etat turc... Il avait pu pénétrer à l’intérieur grâce au double des clefs dont il disposait.

Interrogé par la juge d’instruction Jeanne Duyé, en novembre, Ömer Güney a reconnu avoir pris ces photos compromettantes. Mais il affirme avoir agi sur ordre d’un cadre du PKK (dont il refuse de donner le nom) qui lui demandait de "transférer (ce fichier) à l’extérieur". Au petit matin, il aurait apporté cette liste à un sympathisant du mouvement en région parisienne (dont il ne connaît pas l’identité et dont il a oublié l’adresse). Il aurait effacé le tout pour ne pas encombrer "la mémoire pour rien". Un sympathisant de l’extrême-droite turque ?

Ce n’est pas le seul élément nouveau de l’enquête. Les convictions politiques dont Ömer Güney se prévaut ont été sérieusement remises en cause par le retour de la commission rogatoire lancée en Allemagne, pays où il vécut entre 2003 et 2011 avant de gagner la France et de se rapprocher de la communauté kurde de Villiers-le-Bel.

Certes ses amis et collègues de travail, interrogés dans la région de Munich par les policiers allemands, le décrivent comme un homme calme, "incapable de tuer un oiseau". Mais selon eux, Ömer était bien éloigné des thèses autonomistes. Il serait, au contraire, un sympathisant de "l’extrême droite" turque, s’affichant proche du parti nationaliste MHP et fréquentant un stand de tir. Deux témoins affirment en outre qu’il portait une chevalière aux "trois demi-lunes", prisée par les "loups gris", ces activistes d’extrême droite. L’un d’eux se souvient d’un grand drapeau turc affiché dans sa chambre et de sa passion pour Galatasaray, l’un des clubs de foot d’Istanbul... Cinq téléphones

Les enquêteurs s’interrogeaient déjà sur les nombreux allers et retours d’ömer Güney en Turquie. Le dernier eut lieu entre la mi-décembre et la fin décembre 2012, peu avant les assassinats. Ils sont encore plus intrigués par les appels d’Ömer Güney vers ce pays. Ils ont découvert que le suspect utilisait cinq téléphones, avec des cartes françaises ou turques. Deux d’entre eux n’ont pas été retrouvés.

ömer Güney aurait envoyé des dizaines de textos en Turquie en direction de numéros "atypiques pouvant s’apparenter à des numéros techniques", selon les enquêteurs français. Ceux-ci devraient maintenant demander l’appui de leurs homologues d’Ankara pour savoir à qui Güney téléphonait si souvent. Et si discrètement.

Eric Pelletier


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