Firmi - 42 Pour un service public de l’eau

dimanche 18 février 2007.
 

Nicolas Voisin, membre du Bureau national de PRS, a rencontré Michel Partage, le fondateur de l’association EAU pour la gestion publique de l’eau au Forum Social Mondial de Nairobi en janvier 2007. Dès son lancement fin 2005, PRS avait déjà relayé l’Appel lancé à Varage pour le service public de l’eau potable en France, à l’image d’un nombre important d’élus, de responsables politiques et d’ONG comme la Fondation France Libertés et l’ACME (l’Association pour le Contrat Mondial de l’Eau). A peine plus d’un an après son lancement, cet Appel a été signé par des milliers d’élus et de citoyens partout en France, et a même pris une dimension internationale. Nicolas Voisin revient sur les enjeux de l’eau et les prochaines étapes de cette mobilisation.

Dans le Monde, un enjeu fondamental pour l’Humanité

Bien commun de l’Humanité, aussi vitale que l’air que l’on respire, l’eau n’en est pas moins soumise aux pressions de la marchandisation. L’eau est à l’échelon international un enjeu économique majeur, soumise à son exploitation désordonnée de certains Etats irresponsables et surtout à la prédation des groupes industriels et financiers qui se sont spécialisés dans la spoliation de ce bien public.

Du fait de son exploitation irrationnelle, l’eau est une ressource en train de se raréfier et de subir des pollutions parfois irréversibles. Ainsi, d’après des rapports récents du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) plus d’un milliard d’individus n’ont pas accès à l’eau potable, et 2,6 milliards ne disposent pas d’installations sanitaires de base. La conséquence de cette situation est tragique, puisque près de 1,8 millions d’enfants meurent chaque année des maladies liées à l’absence d’eau potable.

Les rapports du PNUD soulignent également les conséquences sociales de cette crise, au delà des effets directs sur la santé, avec par exemple le renforcement des inégalités pour les femmes spécialisées de force dans la quête permanente des quelques litres assurant la survie des familles.

Le réchauffement climatique qui fait la Une des journaux lorsqu’une tempête provoque certains dégâts dans les pays développés a des conséquences catastrophiques sur les populations du Sud déjà fragilisées sur cette question de l’accès à l’eau. Mais cette hécatombe, elle, se produit en silence, et rares sont les médias qui s’intéressent à ces millions de victimes quotidiennes de la gestion inégalitaire de l’eau.

C’est Danielle Mitterrand - présente au FSM de Nairobi - qui résume le mieux la situation en déclarant que « ce qui est en jeu avec la question de l’eau, c’est la disparition de l’espèce humaine ». Malheureusement, elle n’exagère pas.

Dès lors, il faut agir vite et à tous les niveaux.

Le FSM de Nairobi a révélé le mouvement mondial qui est en train de se structurer pour la gestion publique de l’eau. Des dizaines d’ateliers et de réunions ont été consacrés pendant les 5 jours du forum à cette question en présence notamment de nombreuses ONG. Situation paradoxale, les ONG françaises investies sur le terrain de la gestion publique de l’eau font autorité dans les discussions internationales, alors que ce sont les entreprises transnationales à capitaux français, Veolia-Général des eaux et Suez-Lyonnaise des eaux, qui se partagent l’essentiel du marché mondial de l’eau...

Face à la marchandisation de ce bien public, beaucoup de terrain a déjà été perdu, mais le mouvement pour la gestion publique de l’eau se structure. Ainsi, c’est à l’occasion de ce FSM qu’un réseau africain pour une gestion publique de l’eau potable a vu le jour, mercredi 24 janvier 2007, sous le titre d’African Water Network, regroupant les ONG de 40 pays africains. Un rendez-vous a par ailleurs été pris par la plupart des organisations présentes au Kenya pour participer à l’événement de Bruxelles du 18 au 20 mars 2007 organisé par ACME Italie.

Dans certains pays comme en Bolivie, certaines batailles ont d’ores et déjà été remportées grâce à la mobilisation des usagers, conduisant en 2006 le gouvernement bolivien à résilier le contrat de concession à un groupe privé.

En France aussi, une bataille urgente pour le bien public En France aussi la bataille doit être menée pour inverser une tendance à la marchandisation déjà très avancée. Depuis la Révolution Française, la gestion de l’eau est sous la responsabilité des communes. Mais il faut savoir que 20.576 communes ont choisi de déléguer ce service public (notamment la distribution) aux entreprises privées, contre 15.841 communes seulement qui sont en régie publique. En nombre d’habitants concernés par ce choix, le déséquilibre est encore plus marqué au profit du privé, puisque ce sont les communes urbaines qui ont majoritairement renoncé à assumer la gestion de l’eau.

Le journal UFC Que Choisir a récemment révélé au grand public les incroyables disparités des tarifs sur le territoire national. Le prix moyen de l’eau au m3 est de 2,12 euros en régie publique, contre 2,90 euros en délégation aux entreprises privées. A cela s’ajoute le caractère occulte des politiques tarifaires (des factures, en moyenne, une fois et demie supérieure au coût réel et des taux de marge nette qui varient entre 26 et 42 %).

Mais au delà de ces questions tarifaires concernant tous les consommateurs soumis à la domination des groupes financiers, c’est une question encore plus fondamentale qui est posée à chaque citoyen de la République : celle de la gestion républicaine du bien public.

On explique souvent que la question de l’eau est trop compliquée et trop technique pour être aujourd’hui confiée à la gestion présumée lourde et archaïque du secteur public. A fortiori dans les grandes zones urbaines, et dans le cadre des intercommunalités notamment.

C’est une erreur à laquelle se résignent trop facilement la plupart des élus, y compris des élus républicains et progressistes. De nombreux exemples existent dans des villes et des agglomérations de toutes les tailles pour démontrer la capacité d’une régie publique à gérer efficacement, à moindre prix, et dans le cadre d’une politique de développement durable, la production, l’assainissement et la distribution de l’eau.

La prise de conscience de cette question est en train de prendre de l’ampleur, notamment parmi les élus locaux. L’Appel de Varage a considérablement fait progresser cette conscience, et à l’occasion du grand débat national des élections présidentielles et législatives, mais aussi dans la perspective des municipales en 2008, l’occasion est offerte aux citoyens de s’emparer de cette question fondamentale.

Aujourd’hui, sur la base de l’Appel de Varage, une association est en train d’être constituée en France, sous le nom de E.A.U. (Elus, Association, Usagers) et dont l’une des principales activités sera d’encourager les élus des villes qui ont délégué au secteur privé la gestion de l’eau (de la production à la distribution) à revenir à une gestion publique, afin de garantir aux usagers le droit d’avoir accès à l’eau en tant que bien public. L’association agit également pour faire inscrire ce principe dans la Constitution.

L’objectif pour cette association E.A.U. dans l’année qui vient, jusqu’aux élections municipales de 2008, est d’organiser 36.000 débats citoyens sur la question de la gestion publique de l’eau dans les 36.000 communes de la République Française.

PRS soutient cette initiative et dans toutes les communes où les militants de PRS interviennent, ils aideront à l’organisation de ces débats citoyens.

Pour obtenir tous les renseignements utiles pour participer à la campagne pour la gestion publique de l’eau, écrivez-nous.


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