La loi Florange est aussi froide que les hauts fourneaux abandonnés

vendredi 28 février 2014.
 

L’Assemblée a adopté la proposition de loi PS dite "loi Florange". Je crois utile de revenir sur ce sujet très instructif. En effet d’aucuns pleurnichent que ce serait « mieux que rien ». Une fois de plus est mise en cause notre « opposition systématique ». Elle nous conduirait à sous-estimer les « petits pas » qu’un de tel texte comporterait ! Mauvaise plaisanterie ! L’intitulé emphatique du texte gouvernemental souligne Manifestation contre la privatisation du railbien l’ampleur de la fumisterie dont il est question ! En effet, il s’agirait ni plus ni moins que d’une "loi pour reconquérir l’économie réelle". Pauvre vestige verbeux du temps où Hollande prétendait faire la « guerre à la finance » et parodiait mes discours sur la nécessité de « définanciariser l’économie ». En réalité, c’est une « loi prétexte », un simple affichage. Faute de pouvoir l’amender, le groupe Front de Gauche au Sénat avait déjà fait rejeter le texte en s’abstenant à chacune des deux lectures. Peine perdue : le gouvernement est resté fidèle à sa méthode du passage en force.

Il est vrai que c’est au Sénat que s’est joué la volteface solférinienne sur ce sujet. Au Sénat notre groupe avait déposé une proposition de loi contre les licenciements boursiers. Les socialistes dans l’opposition l’avaient votée. Puis, de retour de Florange, touchés par la grâce, Hollande et Ayrault avaient pris la pose. Ils avaient déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi bien avancée. C’était le 28 février 2012. Hollande en était le premier signataire, Ayrault le second. Mais tout était bidon ! Ce texte ne sera jamais discuté. En effet c’est un tout autre document qui est arrivé à l’ordre du jour des assemblées. Il a été déposé le 15 mai 2013. Son seul dépôt est déjà un enfumage. Car, le PS, dorénavant, gouverne. Et, pas de chance pour lui, il se trouve mis au pied du mur par le Front de Gauche. En effet le 16 mai arrivait en débat à l’Assemblée notre texte déjà adopté par les sénateurs socialistes. « Comment se sortir de là ? », se sont demandé les hiérarques menteurs. Un d’entre eux, plus cynique que les autres, trouve la parade : déposer un nouveau texte. De cette façon, les solfériniens se sont donné le moyen d’exiger des députés de la majorité gouvernementale qu’ils ne confirment pas le vote de leurs camarades du Sénat. Il suffisait de leur promettre un « riche débat » sur la nouvelle proposition. Bien sûr, personne n’était dupe. Mais tous ont pu faire semblant. La gauche du PS a tout avalé comme d’habitude et avec le même cynisme que lors du renvoi en commission de la loi sur l’amnistie sociale. Après avoir passé cet obstacle, il ne restait plus qu’à finir de diluer le projet dans l’eau tiède.

Hollande promettait « l’obligation » pour un industriel de céder un site rentable qu’il souhaite fermer si un repreneur se manifeste. Montebourg avait ensuite évoqué une loi qui serait "parfaitement applicable aux deux hauts-fourneaux du site de Florange" et parlait de "procéder à la transmission forcée [du site] par la voie de justice". Tout cela, c’est fini. La loi qui vient d’être votée ne prévoit pas « d’obliger » à céder un site rentable. Elle prévoit seulement : l’obligation de « rechercher » un repreneur pendant 3 mois et de transmettre les éventuelles offres de reprise au Comité d’Entreprise. Si le CE estime les recherches insuffisantes, il peut saisir le Tribunal de commerce. La belle affaire ! La peine maximale est à disposition du tribunal de Commerce. Mais est-ce là un vrai organe de justice ? En toute hypothèse, c’est une condamnation bien vénielle. Le tribunal peut condamner le propriétaire du site à une pénalité de 20 SMIC par emploi supprimé (28 000 euros). Mais, dans le débat parlementaire, les zélés ont pu encore restreindre la peine. Le total des pénalités a été plafonné à 2% du chiffre d’affaires. Où sont passés les zélés socialistes qui affirment « c’est de l’intérieur qu’on est le plus utile et efficace » ? Puisqu’il n’y a aucune obligation de céder un site rentable, il suffira de payer pour contourner l’esprit de la loi. Comme la loi ne s’applique qu’aux groupes de plus de 1 000 salariés, on peut dire sans exagérer que cette loi vient d’instaurer une nouvelle taxe sur les licenciements, un point c’est tout.

Le meilleur réquisitoire prononcé contre ce texte prétendument « anti fermeture de site » a été prononcé par Edouard Martin. Il était alors responsable CFDT de Florange. Le nouveau texte venait d’être déposé. « Elle a été pas mal vidée de sa substance », avait-t-il déclaré. Or, depuis lors, elle a encore été édulcorée. Qu’en dit-il ? A l’époque il était plus bavard : « C’est bien de voter une loi, mais servira-t-elle à quelque chose ? Je ne sais même pas si elle conserve encore un peu de l’esprit de l’origine. (…) On ne parle même plus de sites rentables ni d’obligation de céder au repreneur. Je sais que des pénalités financières sont prévues mais, compte tenu de la puissance des groupes en question, ils s’adapteront et provisionneront l’argent nécessaire. Exemple : avant même la fermeture de Gandrange, Mittal avait provisionné les 35 M€ dont il avait besoin pour le plan social. Ces sommes-là, 20 fois le Smic, ne les feront pas reculer. » Nous faisons la même analyse. Et j’ose dire que nous en tirons les mêmes conclusions que celles d’Edouard Martin lui-même à l’époque : « Si c’est seulement la traduction de ce qu’est Hollande, je me dis que la démocratie permet d’en changer aux prochaines élections. » Ces fortes paroles ont été prononcées par Edouard Martin, le 18 septembre 2013. Depuis, il est devenu la tête de liste du PS dans la circonscription européenne du grand est. Il prétend aller défendre au Parlement européen des idées que son parti abandonne au même instant au niveau national ! Il ferait mieux de suivre son propre conseil électoral. Mais ira-t-il jusqu’à voter contre lui-même ?


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