Les années 1930 reviennent et la gauche est dans le brouillard

mardi 7 octobre 2014.
 

Philippe Corcuff a donné trois séances de cours dans le cadre de l’Université Populaire de Lyon sur :

"Les années 1930 reviennent et la gauche est dans le brouillard" (février 2014)

1) "Retours du national et diabolisations du mondial"

2) "Quatre figures intellectuelles du brouillage idéologique : Laurent Bouvet, Jean-Claude Michéa, Eric Zemmour, Alain Soral"

3) "Quelles réponses de gauche face au Front national de Marine Le Pen ?"

L’ouvrage de référence pour bâtir la problématique générale de ce cours en trois volets est le livre de Pierre Bourdieu, L’ontologie politique de Martin Heidegger (Paris, Minuit, 1988), et plus particulièrement son chapitre 1. Bourdieu s’y intéresse à l’émergence de ce qu’il appelle « une humeur idéologique » dite « révolutionnaire conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar, entre 1918 et 1933. Une de mes hypothèses principales explore dans la France d’aujourd’hui des logiques analogues à celles analysées par Bourdieu. Ainsi une humeur néoconservatrice à tonalités xénophobes-sexistes-homophobes-nationalistes se consoliderait aujourd’hui dans les espaces publics. Cette humeur idéologique néoconservatrice pourrait être le terreau intellectuel facilitant le développement et la consolidation d’un « postfascisme », notamment sous la forme partisane du FN. Si je parle de « postfascisme », en référence à une notion avancée par le géographe libertaire Philippe Pelletier, c’est pour pointer des analogies, mais pas une identité, entre les années 1930 et la situation actuelle. L’émergence de ce néoconservatisme est à mettre en rapport avec le brouillard intellectuel, éthique et politique qui règne largement au sein des gauches aujourd’hui.

Lors de la première séance, sont analysées une série de figures critiques (Arnaud Montebourg, Emmanuel Todd, Frédéric Lordon, Cédric Durand et François Ruffin) qui tendent, par des chemins différents, à fétichiser le "national" et à dévaloriser le "mondial" (et l’"européen"). Ces figures critiques sont interprétées comme des "désarmeurs" des résistances internationalistes à gauche, dans un contexte favorable à la montée de nationalismes xénophobes en Europe, dans un rapport de forces idéologiques qui leur est alors favorable par rapport aux visions démocratiques de la nation portées par les figures critiques analysées.

Lors de la deuxième séance, sont abordés deux des bricoleurs principaux de ce néoconservatisme à tonalités xénophobes, qui en constituent, on pourrait dire, deux pôles : Alain Soral, pour le pôle antisémite à l’aura de "rebelle" dans l’underground d’internet, inspirateur de Dieudonné, et Eric Zemmour, pour le pôle à dérapages islamophobes et négrophobes à l’aura de "rebelle" cette fois-ci dans les médias dominants. Ensuite, sont analysées certaines contributions de deux auteurs n’ayant rien à voir avec cette xénophobie : Laurent Bouvet, pour la galaxie autour du Parti socialiste, et Jean-Claude Michéa, pour la galaxie des gauches critiques et radicales (même si Michéa récuse l’expression "gauche"). Ils sont alors aussi traités comme des "désameurs" à gauche par rapport à ce néoconservatisme, contribuant d’une certaine façon à brouiller les repères par certaines de leurs analyses. Il n’y a donc pas d’amalgame entre Soral et Zemmour, d’une part, et Bouvet et Michéa, d’autre part.

Lors de la troisième et dernière séance, le FN est mis en perspective socio-politique, à partir d’outils de sociologie critique empruntés à Pierre Bourdieu (autour de l’hypothèse d’une compétition entre un clivage national-racial porté par le FN et la question sociale). Ensuite, sont envisagées quelques réponses erronées face à la progression du FN, puis des pistes alternatives.

Pour en savoir plus, on peut trouver les versions audio (à écouter en ligne), avec une présentation et les plans des trois séances sur le site de l’Université Populaire de Lyon :

http://unipoplyon.fr/enregistrement...

- 11 février Retours du national et diabolisations du mondial

- 18 février Quatre figures intellectuelles du brouillage idéologique : Laurent Bouvet, Jean-Claude Michéa, Eric Zemmour, Alain Soral

- 25 février Quelles réponses de gauche face au Front national de Marine Le Pen ?


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