Manuel Valls la bidouille

lundi 17 mars 2014.
 

Selon le bien informé journal VSD, il est le prochain Premier ministre. C’est Manuel Valls. Il est vrai que ce serait alors le Premier ministre le plus emblématique de ce qu’est dorénavant le PS. Il incarne de manière exemplaire le post-socialisme français. C’est un solférinien brillant. Il n’a aucun scrupule, aucune ligne idéologique, aucune limite. C’est un vrai professionnel du carriérisme à mort, là où vagissent des rangées de nauséeux nostalgiques et de jeunes bureaucrates affolés par l’odeur des successions. Valls les tuera tous politiquement, sans exception et sans état d’âme, au premier mouvement de cil un peu hésitant. Son bulldozer médiatique privé fait déjà chauffer le moteur depuis un moment. Je parle ici de l’entreprise de communication Euro RSCG. Cette pieuvre communicante tricotera nuit et jour le récit dont Valls aura besoin. On verra bien vite la masse des journalistes « éthiques et indépendants », emboîter avec enthousiasme le nouveau cheval de bois tout fringant que ces artistes vont faire tourner dans le manège. Quelques-uns ont déjà leurs petites gamelles au chaud. Qui pourrait arrêter une boîte de com’ capable d’intoxiquer toute la presse pendant des mois sur la vérité à propos de Cahuzac et faire reporter la charge sur l’accusateur comme cela a été fait contre « Médiapart » ? Quoiqu’il en soit, avant son futur glorieux, Valls doit encore gagner sa vie le couteau à la main. Il est donc encore pour quelques temps le petit bonhomme des basses œuvres.

On l’a vu bidouiller les chiffres de manifestants de gauche (à la baisse) et de droite (à la hausse). On l’a vu réunir avec soin les conditions techniques d’émeutes utiles comme à Nantes. Avant ça, on l’a vu vouloir supprimer l’envoi des professions de foi par la poste pour les élections européennes. Son rêve serait que l’abstention rende le résultat illisible. Comme cela n’a pas marché, il a bien travaillé pour faire échouer la proposition de loi du PRG en vue de rétablir une circonscription unique pour cette élection. Gagné : il y aura donc sept circonscriptions qui rendent la lecture du résultat national moins claire. Mais la distribution des sièges reste bien plus favorable aux gros partis, même perdants. Puis on l’a vu charcuter le découpage des cantons pour les élections départementales de l’an prochain. Avec une invention ubuesque : l’élection de deux conseiller généraux par siège, de façon à permettre tous les tripatouillages locaux. Après quoi il a réédité ses exploits d’imagination en essayant de changer la date des élections régionale de 2015. C’est donc un manipulateur très avancé qui se prépare au ministère de l’Intérieur pour la fonction de remplaçant de ce pauvre navré d’Ayrault. En attendant, c’est encore à lui de faire la sale besogne du bidouillage du résultat des élections municipales.

Comment camoufler autant que possible la déroute électorale du PS aux municipales ? Il a fallu trouver, nom d’un chien ! Tout est dans le jeu d’étiquettes. En effet, les préfectures vont classer les listes aux élections municipales en fonction de "nuances" politiques. Elles vont les classer à leur sauce sans que personne ne puisse y redire. Le but est de pouvoir additionner des scores pour présenter un résultat national aussi favorable que possible au gouvernement. L’enjeu est donc majeur. Il en va de la lecture politique nationale du vote aux élections municipales.

La procédure prévue est spécialement opaque. Elle est rendue spécialement propice aux tripatouillages. Voyons cela. Chaque liste déclare à la préfecture son « étiquette politique ». La liste choisit librement cette étiquette. Encore heureux, non ? Non. Pas du tout. Valls veut décider lui-même qui vous êtes. Par conséquent la préfecture classe ensuite elle-même les listes en « nuances » dont elle est seule à décider. Et la préfecture peut tout à fait ignorer l’étiquette déclarée par la liste. Pour ce classement, le ministère de l’Intérieur a fourni aux préfectures un tableau présentant les « nuances » inventée par le bureau du ministre. Martine Billard, la coprésidente du Parti de Gauche, a officiellement demandé au ministère de l’Intérieur de lui communiquer le « nuancier » mystérieux. Il s’agissait pour nous de pouvoir adapter les déclarations d’étiquette de nos listes partout dans le pays. Surprise : le ministère a refusé de lui faire connaitre le document ! Ce n’est pas malin. Pas de meilleure façon de nous mettre en alerte. Comment peuvent-ils être assez stupides pour croire que nous ne parviendrions pas à en disposer ? Ce n’était pas simple en effet. Plusieurs préfectures ont refusé de communiquer le document. Mais nous avons fini par l’obtenir.

Comme il est intéressant ! Un condensé des petites combines destinées à mettre en scène le paysage rêvé par les solfériniens et François Hollande en préparation de ce deuxième tour idyllique face à l’extrême droite. Ça se voit au premier coup d’œil. Manuel Valls blanchit le Front National. Son nuancier prévoit ainsi une case « liste Front National » différente de la case « liste d’extrême droite ». Manuel Valls fait ainsi à madame Le Pen le cadeau qu’elle demandait : ne plus être classée à l’extrême droite.

Mais l’essentiel est ailleurs. Manuel Valls bidouille surtout pour rendre illisible le résultat et la situation interne réelle de la gauche. Son rôle essentiel est de remplumer le résultat national du PS et diluer celui de ses alternatives à gauche, à commencer par l’insupportable Front de Gauche. Ainsi a-t-il créé une catégorie « liste Union de la Gauche ». La résurrection ! « L’Union de la gauche », c’était l’alliance du PCF de Georges Marchais et du PS de François Mitterrand. Elle est morte en 1984 avec la sortie des ministres PCF du gouvernement Fabius. La formule suivante du rassemblement des gauches a été « la gauche plurielle ». Pourquoi Valls n’y a-t-il pas recours ? Ou bien n’aurait-il pu sinon inventer une autre expression ? Quel peut bien être le sens de cette trouvaille ? Reste que cette étiquette-là, cette « nuance » comme dirait l’homme aux chaussures à clou, est un drôle de fourre-tout !

Mais un fourre-tout organisé. Bien organisé : seule des listes soutenues par le PS peuvent prétendre à cette dénomination « Union de la gauche ». Sans le PS, pas d’union des gauches reconnue. Simple et sectaire comme une décision de solférinien. La formule choisie dit expressément que la condition pour qu’une liste soit dite d’union de la gauche est que le PS l’investisse et au moins un des partis mentionné dans une longue liste. Pourtant, dans bien des endroits, c’est le PS qui divise. Et alors la gauche se rassemble en dehors de lui. Ainsi, à Montauban, notre liste rassemble Europe Ecologie, le Front de Gauche et le NPA. Elle mériterait davantage de s’appeler « Union de la gauche » que bien des listes ne rassemblant que le PS et le PRG ! Le plus cocasse de cette histoire est que si le MODEM est avec la liste investie par le PS, alors la liste est « union de le gauche » ! Mais oui ! C’est possible. En effet, le nuancier de Valls prévoit que « pour être nuancée Liste Union de la gauche, une liste doit obtenir l’investiture du PS et d’au moins un autre parti de gauche (EELV, PRG, PCF, Parti de gauche). Elle peut néanmoins être plus large en intégrant par exemple le Modem ». Mitterrand et Marchais doivent se retourner dans leur tombe. Mais Valls a commencé sa trajectoire chez Rocard, n’est-ce pas ? La revanche est un plat qui se mange froid chez ces messieurs.

Sacré MoDem ! Grâce au magicien de la place Beauvau, il pourra figurer dans quelque quatre cases de « nuances », rien de moins ! En effet, il pourra être compté comme « liste du Mouvement Démocrate », « liste d’Union du centre » si la liste obtient aussi l’investiture de l’UDI de Jean-Louis Borloo, mais aussi comme « liste Union de la droite » si elle soutenue par l’UDI et l’UMP, comme celle François Bayrou à Pau. Bref, le MoDem est additionnable avec n’importe qui et n’importe quoi sauf le Front de Gauche, heureusement.

De toute façon, l’objectif de Manuel Valls est d’escamoter le Front de Gauche. Comme il n’a pas réussi à nous faire disparaître dans la rue, il essaye de nier notre existence dans les urnes. Pour cela, tous les moyens sont bons. D’abord, les maires sortants du Front de Gauche soutenus par le PS sont immédiatement noyés dans les « liste d’Union de la gauche ». Leur appartenance au Front de Gauche est niée. Et notre score national sera ainsi diminué de la plupart de nos meilleurs résultats. Quant aux listes que nous faisons avec Europe Ecologie-Les Verts, elles risquent bien de se retrouver noyées au milieu des listes « divers gauche ». Ou bien ce seront des listes Europe-Ecologie quand la tête de liste est membre de de ce parti. Gageons que c’est ce qui se passera si les socialistes perdent Grenoble au profit de notre liste.

Ce n’est pas tout. Manuel Valls prétend aussi trier entre les listes se réclamant du Front de Gauche. Il exige que seules les listes investies à la fois par le PCF et par le PG puissent être étiquetées « listes Front de Gauche ». Les autres listes seront classées « liste du Parti de Gauche », « liste du Parti communiste français », à moins qu’elles ne soient comptées comme des « listes d’extrême-gauche » ou « divers gauche ». J’affirme ici qu’il n’y a aucune liste du Parti de Gauche aux élections municipales. Toutes nos listes sont des listes du Front de Gauche ou des listes autonomes rassemblant bien au-delà de notre parti. Ainsi, la liste de Jean-Christophe Selin à Toulouse risque d’être repeinte en « liste Parti de Gauche » alors que le numéro 2 de la liste, Myriam Martin, est membre d’un autre parti du Front de Gauche. Et à Paris, les listes de Danielle Simonnet seront aussi présentées comme des « listes Parti de Gauche » alors qu’elles rassemblent 6 des 9 partis du Front de gauche et que le PCF parisien lui-même a renoncé à revendiquer son appartenance au Front de Gauche sur les affiches officielles d’Anne Hidalgo !

Ce n’est pas tout encore. Pour la première fois, le ministère de l’Intérieur exige aussi que chaque candidat déclare son « étiquette politique ». Ce n’est pas une demande anodine. On comprend l’intérêt de la démarche. Il s’agit pour le ministère de l’Intérieur de disposer d’un moyen d’évaluer la situation avant les sénatoriales de l’automne prochain. Mais ce n’est pas sans conséquence pour nous. Des dizaines de candidats sur les listes Front de Gauche n’ont pas de carte de parti. C’est souvent leur participation qui rend possible le dépôt des listes. Valls n’a cure de la réalité du Front de Gauche. Ces personnes n’existent donc pas dans l’identité politique qu’ils ont choisie. Ils sont donc voués à la case « divers gauche ». Une solution serait de pouvoir se déclarer candidat « Front de Gauche ». Mais cette appellation leur est refusée. Oui, vous avez bien lu : refusée. Ils ne seront pas les seules victimes du recyclage de la place Beauvau. Les militants des Alternatifs ont droit à un traitement particulier. Ils sont classés candidats « d’extrême-gauche » avec les militants du NPA, du POI ou de Lutte Ouvrière. Ils sont pourtant membres du Front de Gauche ! En signe de résistance, nous avons donné la consigne à tous les adhérents du Parti de Gauche de se déclarer « candidat Front de Gauche ».

Gardons pour la fin la meilleure blague. La case « extrême-gauche » où Valls veut renvoyer les Alternatifs est cocasse ! Le premier parti classé dans cette nuance est un mystérieux « Parti anarchiste révolutionnaire » ! Quelqu’un a-t-il déjà vu un « anarchiste révolutionnaire » se présenter à une élection ? Ce parti n’a aucune existence. Le seul repéré sous ce nom dans les archives profondes est un faux-nez, depuis passé au FN. Sacré Valls !


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