CFDT, CFTC, CGC, PS : les auxiliaires du patronat

dimanche 16 mars 2014.
 

Les textes du patronat signés sans contrepartie se suivent et se ressemblent. Signer des compromis fait partie de la vie syndicale lorsque cela améliore des conditions de travail ou de salaire. Mais depuis quelques années, les confédérations susnommées ne signent que des textes qui n’améliorent que la vie de l’oligarchie patronale. Y aurait-il des contreparties occultes ? On peut se poser la question. Ou alors, ces syndicats sont les idiots utiles du patronat.

Le pacte dit de responsabilité en apporte témoignage. « Il vaut mieux un accord a minima que rien », selon l’un de ces syndicats. Le premier secrétaire du Parti socialiste surenchérit en disant que c’est le plus grand accord depuis le programme du Conseil national de la Résistance. Là, il faut tirer l’échelle car aujourd’hui la parole médiatique des néolibéraux de gauche ne s’appuie que sur du vent, et ce texte n’engage à rien. Rien sur la sous-traitance, rien sur les personnels « détachés » selon la directive européenne de 1996, rien sur les CDD, sur la précarité, rien sur les stages sous-payés ou non payés, rien sur les salaires, rien sur l’augmentation des droits des salariés, etc.

La nouvelle stratégie patronale est de faire signer un texte vide prévoyant d’autres textes vides pour aller plus loin dans la décentralisation - arme du patronat et des néolibéraux - et notamment négocier entreprise par entreprise là où le rapport des forces est le plus défavorable aux salariés ! Que des syndicats acceptent d’entrer de cette façon dans la stratégie patronale en dit long sur le fait qu’ils en sont devenus des filiales, et espérons-le pour eux, appointés ! On parlait en d’autres temps de valets stipendiés.

L’accord PS-CFDT-CFTC-CGC-Medef fait un cadeau sans contrepartie au patronat qui passe des 20 milliards du CICE à 35 milliards ! Ce texte décide donc une augmentation du profit des entreprises, puisque toute diminution des cotisations sociales sans contrepartie est une augmentation pure et simple du profit.

Le profit des entreprises est partagé en 4 éléments : les impôts des entreprises, les dividendes aux actionnaires, l’investissement aux entreprises et le financement de l’économie parallèle via les paradis fiscaux. Comme depuis 30 ans, les impôts et l’investissement des entreprises a fortement baissé, un élève de 6e de collège est capable de comprendre ce qui a augmenté, contrairement aux bac +35 du néolibéralisme, qui semblent avoir du mal à le comprendre.

Certes le texte prévoit d’ « ouvrir des discussions en vue d’aboutir à un accord, précisant des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d’emploi »… Mais il ajoute que « La réalisation des objectifs dépendra dans ce domaine de l’engagement de l’État et des Régions… Une concertation pourra être ouverte à ce titre… ». Vous avez compris ? Le patronat et ses alliés (PS-CFDT-CFTC-CGC) écrivent que ce qu’ils écrivent ne dépend pas d’eux mais de la puissance publique !

Mais il ajoute que « la réalisation des objectifs dépendra dans ce domaine de l’engagement de l’État et des Régions… Une concertation pourra être ouverte à ce titre… ». Vous avez compris ? Le patronat et ses alliés (PS-CFDT-CFTC-CGC) écrivent que ce qu’ils écrivent ne dépend pas d’eux mais de la puissance publique !

Alors que ce gouvernement prépare un niveau de baisse des dépenses jamais réalisée, tant de la puissance publique que de la protection sociale et de l’ensemble des collectivités locales (baisse des dotations). Quel sommet de travail intellectuel de la part du patronat et de ses alliés !

Suit un florilège de vœux très pieux en dehors du projet de décentralisation des décisions et de l’application intégrale du programme patronal par la stratégie de la grenouille chauffée1 :

- « … il est demandé aux branches… dans un délai cohérent avec la trajectoire pluriannuelle du pacte de responsabilité… de prendre en compte la montée en compétences des salariés dans le cadre de leur négociation sur les classifications »,

- le dialogue social « est un des éléments de méthode pour réussir le pacte de responsabilité »,

- « la simplification et l’amélioration du fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP)… et notamment la mise en œuvre de la base de données uniques ». Derrière cette phrase alambiquée, nous voyons venir la diminution du nombre d’élections professionnelles, la fusion des délégués du personnel et du CE, l’élévation des seuils sociaux, la diminution des informations obligatoires aux syndicats ;

- « la prise en compte de l’exercice de responsabilités syndicales dans le parcours professionnel des salariés » pour les syndicalistes dociles avec le patronat,

- « une concertation paritaire sur le financement de la protection sociale » à condition d’accepter le processus de suppression par étapes des cotisations sociales et de la baisse des prestations,

- « un développement d’une fiscalité incitative sur l’intéressement et la participation », vieille antienne patronale qui semble ne pas lasser. Donc à la place de l’augmentation du salaire, direct ou socialisé, et de la socialisation progressive des entreprises, voilà des ersatz de salaire différé sur lesquels aucune cotisation n’est perçue et qui diminuent les impôts des entreprises. Demandez à un enfant de 6e qui gagne à ce jeu ?

- « Une concertation sur le logement » sans autre précision !

- « Une méthodologie » sur la compétitivité de la France… à l’intention des branches qui le souhaiteront » . Pipeau, pipeau, pipeau !

- l’attachement à « la politique familiale du pays »… quelle que soit l’évolution du mode de financement de la branche famille de la sécurité sociale ». On supprime 35 milliards de cotisations sociales sans savoir par quoi on les remplace, on prévoit de diminuer les prestations mais on reste attachés à la « branche famille de la Sécu… » !

- ce pacte est déclaré indissociable de la baisse des prélèvements sur les entreprises, du coût du travail et de la simplification. Etc.

Derrière l’hilarité que ce florilège provoquera chez les lecteurs de ReSpublica, apparaît l’urgence d’une alliance de responsabilité avec tous ceux qui ont envie de frapper cette fourmilière néolibéralo-politico-syndicale nauséabonde. Le syndicalisme revendicatif, les partis de la gauche de la gauche (même s’ils ne sont pas encore totalement de gauche), les associations contestataires, iraient dans ce sens s’ils prenaient des initiatives d’éducation populaire sur ce texte « historique », sous la forme de lectures-débats, par exemple.

La montée lente de la température de l’eau dans laquelle elle se trouve est acceptée par la grenouille jusqu’à sa mort, alors qu’elle n’accepterait pas une montée rapide de la température !

Par Bernard Teper, Co-animateur du Réseau Education Populaire.


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