Le visage des « solfériniens » de Lille

dimanche 30 mars 2014.
 

Nous voilà 48 heures après le premier tour des élections, les listes du second tour viennent d’être déposées. La tension de ces deux jours retombe à peine au moment où j’écris ces lignes amères. Avant de faire un bilan plus large des municipales dans la région Nord-Pas-de-Calais, il faut que j’évoque ici à chaud la situation lilloise.

La liste Front de gauche de Lille emmenée par une jeune tête de liste communiste de 34 ans, Hugo Vandamme, a réuni 3437 voix, soit 6,17% des suffrages. Sur cette liste, le PG était représenté par 10 candidat-e-s dont notre tête de file Sébastien Polvèche. Pour que le tableau soit complet, rappelons que la liste de Martine Aubry (Parti « socialiste ») a réuni 34,86% et celle de Lise Daleux (EELV) 11,08%.

Après le premier tour et en urgence, les listes de gauche se rassemblent traditionnellement pour ne pas faire le jeu de la droite ou du FN, en tout cas limiter au maximum l’élection de conseillers de droite ou d’extrême-droite.

Ainsi, dès hier matin, des représentants du Parti « socialiste » de Lille ont reçu une délégation du Front de gauche venu discuter du programme et leur éventuelle fusion en vue du deuxième tour. Avec un résultat de 6,17%, en rapport avec le total des voix de gauche à Lille, nous étions en droit de prétendre à 5 ou 6 élus au conseil municipal. Après une entrée en matière plutôt positive sur les aspects programmatiques qui pouvaient être mis en commun, les émissaires solfériniens annoncent aux nôtres qu’ils leur proposent UNE place au conseil municipal, UNE place pour 3437 électeurs.

Je vous passe les tractations dans le détail car entre temps nous apprenons que EELV vient de signer l’accord avec le PS, logique vu de loin, mais étonnant lorsque l’on sait que Martine Aubry a littéralement viré la délégation écologiste de son bureau lors de leur première entrevue lundi matin… Nous verrons bien ce que EELV a concrètement obtenu du P « S » lillois.

Après moult allers et retours, les solfériniens proposent au final trois sièges pour le Front de gauche mais, comble de la mesquinerie, demandent de sacrifier la tête de liste Hugo Vandamme qui serait relégué en place non éligible (sans doute pour crime de lèse-tsarine ? « Qu’on lui coupe la tête ! » dirait la Reine de cœur dans Alice au Pays des Merveille). Devant une exigence aussi extravagante et choquante, les négociations sont définitivement rompues. Le Front de gauche ne sera donc pas au second tour de l’élection municipale de Lille.

Quelles conclusions tirer de ces événements ?

D’abord, il faut souligner l’arrogance inouïe des barons solfériniens face à la délégation du Front de gauche, le souci de punir et d’humilier qui transpiraient d’eux. Lorsqu’on propose sans rire UN siège à une liste qui en représente 5 ou 6, on est dans le règlement de compte et pas dans la volonté de conclure un accord honnête. En particulier, il y a là le souci de punir durement les communistes lillois d’avoir osé former une liste du Front de gauche.

Ensuite, il faut parler du mépris témoigné par les solfériniens à l’égard des 3437 électeurs de gauche qui se sont déplacés au premier tour pour élire des représentants du Front de gauche, anticipant la réunion des listes au second tour. Ces électeurs n’ont pas voté pour des listes « inutiles » mais pour créer un rapport de force entre les forces de gauche qui gouvernent. Au final, ils ne seront pas représentés à cause de l’arrogance des représentants du P « S ».

Enfin, le Front de gauche a fait face de manière unitaire à cette adversité. Nous ne nous vendons pas contre l’abandon d’un camarade qui a tant donné à la campagne. Sachez que Hugo Vandamme est un salarié qui retournera au boulot dès ce mercredi matin, lui, quand les barons solfériniens prendront sans doute quelques jours de repos bien mérités de préférence loin de Lille.

L’attitude méprisante des solfériniens de Lille montre leur vrai visage. Que nos électeurs du premier tour sachent bien que leur cynisme leur fait considérer ouvertement la présence du FN au second tour comme leur assurance-vie. Le PG ne cesse de dénoncer le FN comme le « diable de confort » du système, en voilà un exemple assumé. La présence du FN tient lieu de serre-file pour empêcher toute alternative à gauche d’exister face au PS, elle arrange bien les solfériniens : c’est le FN qui garde le système en bon ordre.

Que l’on se le dise : Martine Aubry n’est pas la femme de gauche, rassembleuse et respectueuse de la diversité dont elle cultive l’image. La majorité qu’elle souhaite donner à Lille doit être soumise et tant pis si elle est amputée d’un secteur trop en phase avec le mouvement social. Aucune voix dissonante n’est plus supportable à la Cour. C’est un signe parmi tant d’autres de la panique qui saisit le parti « socialiste » devant le réel agité qui lui échappe de plus en plus, un signe de plus de son ralliement aux hautes sphères dirigeantes pour qui l’intérêt général n’a plus de sens. Le signe final que le parti solférinien a largué les amarres d’avec les couches populaires.

Pour ma part, je répondrai dimanche prochain au choix impossible qui m’est proposé à Lille par un bulletin blanc : ni FN, ni UMP, ni solfériniens.

Laurent Matejko


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