Le programme antisocial de Steeve Briois FN à Hénin Beaumont

jeudi 3 avril 2014.
 

Le parti d’extrême droite promet une « bonne gestion » des villes où il serait élu. Derrière les mots rassurants, la dure réalité. Illustration à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, où Steeve Briois a prévu d’appliquer sa politique antisociale.

« Si Hénin-Beaumont doit être une vitrine, c’est uniquement en matière de bonne gestion.  » Steeve Briois, futur maire Front national de la cité minière du Pas-de-Calais, préfère ce terme à celui de «  laboratoire  ». Mais si la doctrine frontiste, changement d’image oblige, ne s’impose pas aussi brutalement qu’en 1995, lorsque le FN avait pris Toulon, Marignane, Vitrolles et Orange, le secrétaire général du parti a déjà annoncé un «  tour de vis  » sur la dépense publique. Mais derrière ce qui est présenté comme des «  mesures d’économies  » plane la menace d’une réduction drastique des services aux Héninois.

À longueur d’antenne, le Front national fustige les politiques néolibérales. Une posture nationale révisée au plan local  : la plupart des candidats frontistes se sont engagés à «  réduire les dépenses de fonctionnement  ». Steeve Briois n’est pas en reste, avançant l’idée de ne pas remplacer «  les fonctionnaires qui partent à la retraite  ». «  Beaucoup d’agents se posent des questions. Certains sont très inquiets  », notait une employée de mairie interrogée hier par la Voix du Nord. Durant la campagne municipale partielle de 2009, le FN héninois avait présenté un plan d’économies 2010-2014, détaillé année par année. Il prévoyait «  25,29 millions d’euros d’économies  » sur cinq ans, dont près de 15 millions sur le seul non-remplacement des départs à la retraite  ! «  On n’a pas que des projets fronto-frontistes  », assure-t-il dans Bienvenue à Hénin-Beaumont (1). Celui-ci est pire que la révision générale des politiques publiques (RGPP) de Nicolas Sarkozy, plus fort que la modernisation de l’action publique (MAP) de François Hollande…

Pour le FN, il y a trop de fonctionnaires

Dans ces conditions, difficile de promettre, comme Briois l’a fait, de continuer à assurer «  un service de qualité à la population  ». Mais il faut bien tenir la promesse, faite publiquement par Marine 
Le Pen, de «  baisser les impôts partout où (le Front national) sera élu  ». Dans le quotidien régional, Steeve Briois a prudemment fixé à 2015 cette baisse des impôts locaux, ajoutant, hier matin sur RTL, vouloir d’abord s’attaquer à «  l’excédent de fonctionnement, ce qui permettra de diminuer la taxe d’habitation dans un premier temps, et ensuite de pouvoir s’attaquer à la taxe foncière  ». Un programme incompatible avec la situation financière héritée de l’ancien maire (2001-2009) condamné pour détournement de fonds publics, Gérard Dalongeville  : 12,7 millions de déficit (fin 2013), 9 millions de factures impayées, et des dettes jugées «  toxiques  » par l’équipe municipale sortante, même ramenées de 78 % à 2009 à 49 % en 2013. Alors le FN s’en remet à de vieilles recettes.

Avec le FN aux affaires, les plus pauvres vont trinquer. Ainsi le candidat frontiste s’était déjà prononcé contre la rénovation urbaine «  dans des quartiers difficiles où la présence d’immigrés est très importante  »… comme s’ils avaient le choix, quand les loyers pèsent parfois pour plus de 50 % des dépenses du ménage… Pas de racisme là-dedans, assure le FN. D’ailleurs, la question de la préférence nationale doit être évacuée… pour l’instant. Steeve Briois l’appliquera «  quand, à l’Assemblée nationale, la loi aura changé  ».

La recherche de coupes claires va faire deux autres victimes, souvent ciblées par l’extrême droite  : le milieu associatif et la culture. Certaines associations se sentent déjà indésirables. La Ligue des droits de l’homme, qui s’était pleinement engagée contre le FN, appelant les électeurs à «  réfléchir  » aux conséquences de leur vote, devra rendre les clés du local. Quant au Secours populaire, auquel le FN n’a jamais voulu apporter le moindre soutien au motif qu’il est une association «  militante  », voire «  gauchiste  », son action est menacée. «  Maintenant, les gens vont devoir assumer leur choix, comme la fermeture d’associations caritatives comme la mienne, qui vient en aide à 400 familles  », se désolait sa présidente, Frédérique Vanderlekem, au soir du premier tour. Des bénéficiaires dont beaucoup auraient voté FN, entend-on.

«  En matière de culture, on va donner des leçons à la gauche  », lâche Steeve Briois. Il a toujours refusé de voter les subventions à la troupe de théâtre amateur d’Hénin-Beaumont, fustige régulièrement la gestion du cinéma d’art et essai de la ville. Mais les Héninois se rappelleront surtout ses critiques, lors d’un conseil municipal, début 2013, concernant la programmation «  indigente  » de L’Escapade, la salle de spectacles municipale. Il a prévenu  : «  Il faudra respecter les électeurs du Front national.  » En programmant Jean Roucas, «  l’humoriste  » et candidat frontiste à Avignon, Philippe Lottiaux, ou l’acteur Alain Delon, soutien affiché du FN  ?

Des adeptes des marches militaires…

En 2008, Briois avait recopié le projet culturel du candidat FN à Metz, selon le chercheur Djamel Mermat. En 2014, ses propositions personnelles fleurent la naphtaline  : recréer le corso fleuri, «  un beau projet d’insertion des jeunes, les anciens et les écoles peuvent participer  », s’enthousiasme Briois dans Bienvenue à Hénin-Beaumont. Le reste est à l’avenant  : rétablir les «  Médiévales  » et les «  Floralies  », grand marché aux plantes du centre-ville, créer un «  village des terroirs  » estival avec des producteurs locaux… Sans oublier «  les fêtes patriotiques (qui) prendraient de l’ampleur  », avec les «  militaires du commandement de Douai, comme avant  ». «  On pourrait associer l’école de musique, ils joueraient des marches militaires. Ils ont l’uniforme en plus, ça a plus de prestige qu’un simple CD. On peut faire un petit défilé  ». Steeve Briois se vante dans la Voix du Nord d’avoir «  un tempérament à (se) surpasser  ». Apparemment pas pour le meilleur.

La culture avignonnaise frémit «  Je ne me vois pas travaillant avec une mairie Front national. Cela me semble tout à fait inimaginable. Donc je pense qu’il faudrait partir. Il n’y aurait aucune autre solution.  » Le directeur du Festival d’Avignon, Olivier Py, craint que le bon score du FN ne se confirme au second tour. Et que le Festival, attraction touristique majeure, n’en pâtisse. Même si le candidat frontiste, Philippe Lottiaux, 
était élu, «  l’édition 2014 aurait lieu parce que tout est déjà engagé, mais, pour la suite (…), je prendrais mes responsabilités  ».

(1) Bienvenue à Hénin-Beaumont, reportage sur un laboratoire 
du Front national, d’Haydée Sabéran, Éditions La Découverte.

Grégory Marin


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