L’infernale alliance des municipales (conte de printemps)

jeudi 22 juin 2017.
 

La dérision et l’humour sont des moyens de distanciation.

L’attitude récente du PCF concernant sa décision de présenter des listes communes avec le PS au premier tour dans les grandes villes est apparue comme totalement incompréhensible pour bon nombre d’observateurs et de militants.

En effet, le virage ultralibéral pris par le PS et sa politique droitière ont rendu beaucoup moins crédible la justification officielle et traditionnelle du PCF consistant à dire qu’il est possible d’obtenir des avancées sociales au niveau des municipalités grâce à cette alliance. Le contexte a bien changé depuis les années 1990.

D’autre part, le brouillage des frontières entre les familles politiques comme le montre une étude de janvier 2013 du CEVIPOFrend plus que jamais nécessaire l’affirmation d’une grande clarté politique pour un électorat désorienté.

Le texte ci-dessous est une pure fiction même si elle peut s’appuyer ici ou là sur certains éléments de réalité. Les comportements sont purement imaginaires et caricaturaux.

Il s’agit d’une simple satire sociale et politique qui ne prétend en aucune manière être une analyse objective de la réalité.

Rappelons que nous avons déjà précisé nos positions dans des articles plus sérieux de ce site concernant l’alliance du PCF et du PS au premier tour, de l’usage du logo Front de gauche et du remboursement de la dette concernant le journal l’Humanité. On peut ainsi se reporter à mes deux articles : Le confusionnisme politique de la direction du PCF met en péril le Front de Gauche

Les aides financières de l’État à la presse et le pluralisme

Mes positions politiques n’ont rien d’original : ce sont celles développées par le PG ou par des communistes qui sont partisans d’une autonomisation totale par rapport au PS. Un magazine comme Regards que l’on ne peut certainement pas taxer d’anticommunisme a écrit, par exemple, un article plus virulent que les miens tel que : "Fusion, quand le PCF dézingue le Front de gauche".

Cette fiction reflète l’air du temps : celui où les partis politiques sont de plus en plus considérés comme des clans servant plus leurs intérêts de caste ou de boutique que l’intérêt général Ainsi, une étude récente 2014 du CEVIPOFmontre que 87 % de la population considère que les hommes politiques ne se préoccupent pas de ce que les gens pensent ou souhaitent Seulement 11 % font confiance aux partis politiques Comme en témoigne cet article sur un blog de Mediapart : ."Edifiant Pierre Laurent, dis-nous, et le Front de Gauche dans tout ça ? " certains électeurs FdG n’échappent pas à ce rejet.

Mais je le répète encore : il s’agit ici d’une simple fiction humoristique dont l’objectif est plus de faire rire que de faire pleurer !

Je l’ai écrite bien avant les élections municipales et le remaniement gouvernemental. Mais elle garde néanmoins encore une inattendue actualité lorsqu’on lit la lettre de réponse de Danielle Simonetà la direction du groupe communiste de Paris qui lui proposait de le rejoindre au conseil municipal de Paris. "…Vous faites le choix d’intituler votre groupe “Groupe Communiste – Front de Gauche”. Au vu des choix que vous avez faits durant la compagne des municipales, cela me semble très contestable : vous avez été élu-e-s sur les mêmes listes que le PS dès le premier tour, en défendant de fait dans la campagne le programme municipal socialiste et en y assumant même un porte-parolat. Lors de la précédente mandature, avec Alexis Corbière, nous n’avons pas « rejoint » le groupe communiste, mais refondé un groupe commun, intitulé à l’époque « Groupe communiste et élu-e-s du Parti de Gauche ». Pour mémoire, certains adjoints attachés déjà à l’époque à une stratégie électorale liée au PS avaient refusé que le groupe se nomme Front de Gauche. Votre choix aujourd’hui semble bien paradoxal (ou cynique !).…"

D’autre part la nouvelle affaire révélée par Mediapart concernant Aquilino Morelle ,conseiller de François Hollande, fait apparaître un personnage très attaché aux chaussures de luxe. Or il se trouve que ce goût du luxe est bien présent dans le texte qui va suivre !

Conte de printemps2014 : L’infernale alliance

Il est 20h30. Dans un parking souterrain d’une grande ville de France va avoir lieu, loin de tous les regards une rencontre dont l’importance politique s’avérera considérable.

La nuit est tombée et la pluie battante est aussi au rendez-vous. Quelques piétons errent sous la faible lumière des lampadaires qui se reflète sur des trottoirs quasi-déserts.

Il est 20h35 : Un premier véhicule – une Bentley Flying Spur– pénètre en trombe dans le parking et s’immobilise entre deux piliers de béton semblables à des gardiens.

Il est 20h36 : Un deuxième véhicule – une Porsche Cayman S– de style nettement plus prolétarien, s’engage doucement dans le parking, semblant chercher son chemin . À ce moment, le conducteur du premier véhicule fait deux appels de phare pour signaler sa présence. Le conducteur de la Porsche a compris : il se gare à proximité de la Bentley.

Trois hommes vêtus d’un chapeau et d’un imperméable sortent alors du premier véhicule et deux autres quittent la Porsche. L’un porte une paire de lunettes, une casquette et une veste en tweed, l’autre est vêtu d’un complet veston gris clair Chanel et d’une paire de chaussures Church Grafton.

Ils se saluent rapidement et un membre du premier groupe, que nous appellerons pour l’instant A, regarde sa montre (une Rolex) : « C’est parfait, nous sommes à l’heure, il est 20h40".

Alors, après avoir parcouru quelques mètres, A sort une télécommande de sa poche et la dirige vers une porte blindée à code, discrètement dissimulée dans l’encoignure d’un mur du parking souterrain. Une lourde porte coulissante s’ouvre laissant apparaître un sas donnant accès à une deuxième porte, elle aussi munie d’un code mais manuel, celui-là. Après avoir tapé le code, A s’écarte et dit : « Vous pouvez entrer".

Apparaît alors une vaste pièce, avec une longue table ovale au centre entourée d’une douzaine de confortables fauteuils en cuir. À gauche un petit vestibule et à droite deux tables avec des ordinateurs, espace prolongé par un petit bar en bois massif. Au fond de la pièce, un écran mural de projection et une porte probablement en merisier.

À côté du vestibule, une bibliothèque décorative, garnie de magnifiques livres reliés cuir et lettres en or : on distingue 0,50 m de Diderot, 1,20 m de Voltaire, 0,25 m de Jaurès

Le sol est constitué de dalles de marbre séparées par des encadrements de chêne adoucissant ainsi la froideur du minéral.

Sur le mur de gauche est accroché un tableau, probablement la reproduction d’un Vasarely.

La pièce est agréablement éclairée par des appliques murales de luminosité variable, à commande vocale, diffusant une douce lumière orangée.

Les 5 hommes accrochent leurs vêtements dans le vestibule et prennent place autour de la table. L’un d’eux, assis à la droite de A pose sur la table un attaché-case vintage vraisemblablement de marque Louis Vuitton.

À peine étaient-ils assis, que la porte du sas s’ouvre et qu’une jeune femme vêtue d’une tenue de motard pénètre dans la pièce d’un pas souple et rapide. Après avoir ôté sa tenue de route, elle parait maintenant élancée et athlétique avec son justaucorps turquoise, son pantalon moulant vert émeraude et ses bottes de cuir Gerda High Barrage Wash. D’une voix cristalline elle salue poliment les cinq membres de la petite assemblée.

- « Tu es un peu en retard Lara » fait remarquer d’un ton indulgent A.

- « Oui c’est vrai veuillez m’excuser mais il y avait beaucoup de circulation et ma conduite en scooter par ce temps pluvieux a été moins rapide. » En réalité, A fait cette remarque pour la forme. Il est fasciné par cette jeune femme qu’il appelle Lara car elle lui rappelle Lara Croft , http://fr.wikipedia.org/wiki/Lara_Crofthéroïne de jeux vidéo et sex-symbole d’un certain cinéma des années 90, âge rose de la gauche plurielle dont il garde un souvenir ému.

« Pourrais-tu nous servir du champagne bien frais, Lara ? Notre ami Pierrot va en avoir besoin ! » La jeune femme se dirige vers le réfrigérateur situé derrière le bar et demande : « Vous désirez un Brut Armand de Brignac ou un Clos d’Ambonnay 1998 ? » « Rien n’est trop beau pour notre Pierrot : apporte deux bouteilles de Clos d’Ambonnay »

Il est vrai que d’aucuns peuvent éprouver un ineffable plaisir à boire en quelques instants un excellent breuvage dont le prix équivaut à trois SMIC mensuels nets.

A prend alors la parole :
- Je vous ai fait venir ici, en toute discrétion, pour que nous puissions aborder un certain nombre de litiges entre nos deux organisations.

J’ai appris, Pierrot, que plusieurs sections locales du Fonds de Gauche ont décidé de faire bande à part et de constituer une liste autonome qui nous fasse violente concurrence.

- Ce n’est pas totalement nouveau tout de même ! répond Pierrot.

- Ce qui est nouveau, c’est de vouloir à tout prix établir une liste autonome dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants voire même dans des agglomérations moins importantes Jusqu’à présent nos deux clans proposaient des programmes différents à nos clients, mais marchaient ensemble. Vous êtes en train d’abandonner la stratégie de notre entente cordiale. Votre petite performance au premier tour des présidentielles semble vous avoir tourné la tête.

- Tu ne crois pas que tu exagères un peu, Marco ? Il y a encore des accords locaux entre nos deux clans. De toute façon, au deuxième tour, les closmunistes voteront pour les slowcialistes !

– Je n’y crois pas ! Tu me fais de la peine, Pierrot ! Tu es de mauvaise foi ! Tu as laissé faire des listes autonomes et tu n’es pas intervenu avec ton premier cercle pour mettre en garde ces hurluberlus , dont des clownmunistes, qui veulent faire cavalier seul !! C’est impardonnable !

– Mais tu sais bien que nous avons abandonné le centralisme démocratique il y a maintenant bien longtemps !

– Je m’en fous ! Ça, c’est votre histoire ! Il faut faire cesser cette situation, Pierrot ! Et vite !

– Je ne vois pas comment ! En outre, nous ne sommes pas tout seuls au Fonds de gauche !

– Je vois ! Tu te laisses impressionner par l’Aboyeur ! Je ne comprends d’ailleurs pas encore pourquoi tu as préféré ce gauchiste aboyeur à Dédé beaucoup plus raisonnable ! Encore une faute inexcusable !

– Il nous a fait progresser : grâce à lui, notre butin électoral est passé à plus de 11 % alors que nous étions en dessous de 8-10 % depuis 1995 !

– Ce n’est quand même pas un triomphe : rappelle– toi, Jacques Duclos avait réalisé un score de plus de 21 % aux présidentielles de 1969 ! Cet hurleur va trop loin et il nous traite de Softfériniens ! Non seulement il aboie, mais il mord ! Il commence même à mordre sur notre territoire électoral !

– Mais qu’est-ce que tu attends de moi ?

– Je viens de te le dire : il faut que tu interviennes de tout ton poids pour imposer une liste commune avec notre clan au premier tour et surtout à Paris !

– Mais c’est pas possible, ça ferait trop "coup monté" !

– Pas possible ? Il me semble que ton journal l’Urbanité a une grosse dette de 4 millions d’euros à effacer !

Tu dis oui : on passe l’éponge, on s’arrange pour la faire rembourser par l’État ; tu dis non, alors tu signes l’arrêt de mort de ton canard boiteux ! T’as compris ? Couic, couic, le canard ! » termine A en imitant le mouvement d’une paire de ciseaux. L’homme à l’attaché-case manifeste alors sa satisfaction par un rire sardonique.

– Vous êtes vraiment des enfoirés ! C’est du chantage pur et simple !

– Pas de gros mot ! Tu es plus calme d’habitude Pierrot. Mais c’est aussi pour votre bien que je te fais cette gentille proposition ! Je ne comprends pas ton ingratitude ! Si tu dis oui, tu auras droit avec tes amis à 13 confortables sièges dans l’ombre de la tour Eiffel– et 13, ça porte bonheur ! –et toi, mon brave Pierrot, tu garderas ton siège au palais du Luxembourg ! C’est pas gentil tout ça ?

– Bon, c’est oui ! Je n’ai pas le choix ! Et je ne peux laisser mourir le journal fondé par Jaurès !

– Bravo ! Je reconnais bien là ta noblesse de cœur ! Allez, Lara, sers– nous une bonne coupe de champagne bien frais, et bien pleine pour Pierrot ! Pour faire passer la pilule, le chef du clan Hard Colfab avale d’un seul trait le divin champagne.

– Mais, il y a tout de même un petit problème Marco, le clan Sixbonnets de Paris veut, quoi qu’il arrive, présenter une liste autonome sous notre marque Fonds de gauche !

– Oui, je sais, on va s’en occuper, pardon, tu vas t’en occuper !

– Encore moi ?

– Oui, toi ! Tu as bien participé à la création du Fonds de gauche ? Et partout où il y a des closmunistes, tu as tout à fait le droit de brandir le logo de la marque !

Et même là, où il y a des slowcialistes !

– Mais normalement, on réserve le logo pour les listes autonomes ! Cela va créer de la confusion !

– Tu as tout compris ! Mais ici le "normalement" est à bannir ! L’Aboyeur n’est pas un chef normal contrairement à notre boss qui est normal, lui ! Il faut le réduire ! Et pour cela, il faut de la confusion, de la brume pour que notre vaisseau continue d’avancer ! (Voir notre épisode :le vaisseau fantôme de François Hollande

– Et c’est moi qui… ?

– Oui ! Tu fais pression pour que la marque FdG apparaisse même là où il y a des slowcialistes ! Pour les Clients–électeurs, notre échec, s’il doit y en avoir un, doit être aussi celui du FdG !

– Non ce n’est pas possible, je ne peux faire ça, d’autant qu’avec une telle stratégie, nous ferions le jeu de la châtelaine !

– On s’en fout de la Châtelaine ! Elle permet à nos clients hésitants et apeurés de s’en remettre à nous avec le vote utile !

– En tout cas, ne compte pas sur moi pour exercer cette pression !

– Voyez-vous ça ! Voilà maintenant que Pierrot se rebiffe ! Manu, fais voir à notre bon Pierrot les cartes de découpage – coloriage électoral que tu as confectionnées !

L’homme ainsi nommé Manu, un sourire amusé aux lèvres, sort de son attaché-case trois documents cartographiques. Il les donne à A

– Regarde, et ouvre bien tes oreilles Pierrot ! Tu as ici une carte en rouge : c’est le premier découpage : tu gardes ton influence avec plus de 10 000 élus locaux. Voici maintenant la deuxième carte, la bleue : vous perdez environ 50 % de votre portefeuille électoral. Et la troisième carte, la noire, vous n’existez quasiment plus : quelques points épars répartis sur le territoire. Un véritable champ de ruines et des caisses vides : ton clan est rayé de la carte ! Alors, il va falloir choisir : le succès ou la ruine ! Il va falloir brouiller les cartes, Pierrot !

– Vous êtes vraiment des salopards – vous voulez notre mort !

Nouveau rire sardonique du dénommé Manu. Puis, A embraye :

– Encore un gros mot ! Tu as de mauvaises fréquentations : l’influence de l’Aboyeur ne te réussit pas ! Et toi, Dédé, t’en penses quoi ?

Le numéro 2 du clan Hard Colfab tente alors de répondre :

– Moi, je…

– Mais oui, tu es d’accord ! Il n’y a pas à hésiter : la soupe ne peut être que bonne, surtout en temps de crise !

– Mais je n’ai pas dit ça, hein, Pierrot ?

Mais quand A tient une proie, il ne la lâche plus !

– Encore une fois, ne sois pas ingrat Pierrot ! Est-ce que tu t’es seulement rendu compte que, mine de rien, j’essayais de te sauver la mise ?

– Je suis pris au piège. C’est une alliance avec des fers aux pieds que tu m’imposes !

– Pense à tous ces Élus locauxfidèles et dévoués qui risquent de se retrouver sans revenus, sans emploi, abandonnés par la foi ! C’est vrai, tu as des chaînes, mais je te laisse un peu de mou. Tu as toujours la liberté de nous critiquer, mais ton aboyeur doit se calmer !

– Tu veux dire quoi ?

– Moi ? Rien. J’ai dit ce que j’avais à dire. Je ne veux plus d’aboiements, c’est tout, juste quelques gémissements, et encore… ! Bon, alors Pierrot, c’est OK pour le logo ?

– D’accord, Marco, t’as gagné ! Ça sera le logo de la discorde !

– Ah ! Je te préfère comme ça ! Souriant, reposé, détendu : naturel, quoi ! Le boss va être content ! Lara ! Lara, ma cocotte, ressers une bonne coupe de champagne à nos deux invités ! Oui, comme ça, comme ça, à moi aussi, vas-y, ne te retiens pas, à ras-bord. Ouais, c’est bien. Ah, qu’est-ce qu’il est bon ! T’es vraiment la plus belle, j’t’adore !

Fin du conte.

Hervé Debonrivage


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