Réponse à Onfray par un adhérent PCF (3)

mercredi 21 février 2007.
 

... Je crois que ce qui scandalise Onfray au point de le faire sortir de ses gonds, c’est l’existence même d’organisations regroupant des non-individualistes, qui ne partagent donc pas les illusions cultivées dans l’intelligentsia sur les pouvoirs de l’action politique individuelle autonome. Cela dit, il y a une grande différence entre prétendre servir « les pauvres » et jouer le rôle historique du PCF à son époque de plus grande influence : constituer l’organisation consciente du prolétariat. A ce titre le PCF était un parti authentiquement ouvrier. A son époque dite « stalinienne » les militants d’origine ouvrière ou populaire dirigeaient le parti et constituaient l’essentiel de ses cadres. Parfois d’ailleurs ils partageaient des préjugés conservateurs ou nationalistes fréquents dans la classe ouvrière réelle des années 20 à 70.

Les PC étaient bâtis sur une alliance entre intelligentsia et classe ouvrière, où la première pour transformer le monde faisait le deuil de ses prétentions à tout diriger. Bien plus, et bien avant qu’ils « persécutent, condamnent, emprisonnent » qui que ce soit, les communistes ont été eux même pourchassés et exterminé de part le monde, parce qu’ils défendaient la classe ouvrière, parce qu’ils étaient en France même sa principale expression, et cette histoire difficile ne les a sans doute pas éduqués à la tolérance envers les « hétérodoxes » gauchistes qui croyaient (et qui croient toujours) qu’ils pourraient tirer de leur chapeau la bonne théorie sans expérience concrète des luttes, ou que l’on pouvait faire une dictature du prolétariat bien gentille sans bousculer personne.

Dire comme Onfray que les communistes auraient pu bénéficier des subventions américaines pour leur rôle contrerévolutionnaire, c’est montrer qu’on vit dans un univers imaginaire. Bientôt on nous dira que la guerre froide n’a pas existé, que les Russes et les Américains étaient de mèche, on en viendra au délire ultragauchiste de « Socialisme et Barbarie ». Comme tous les mauvais historiens amateurs, Onfray raisonne en tirant arbitrairement de leur contexte les faits historiques qui arrangent sa démonstration. On ne peut pas comprendre le pacte germano-soviétique sans parler des accords de Munich d’octobre 38, qui montraient que les gouvernements français et anglais voulaient lancer l’Allemagne nazie contre l’URSS.

Ceux qui ne font jamais rien et qui croient participer à l’histoire parce que le journal Le Monde leur ouvre ses colonnes s’érigent facilement en juges, des dizaines d’années après les faits, bien confortablement assis dans leur fauteuil, alors que chacun sait que les communistes ont animé aux premières loges la résistance antifasciste sur la période 1933-1945, tandis que les gauchistes de l’époque s’imaginaient au dessus de la mêlée, et refusaient le Front populaire. Et chacun sait aussi que les militants communistes français ne se sont pas alignés, loin de là, sur la position soviétique de 39/41.

Onfray cherche comme un vulgaire éditorialiste de National Hebdo à amalgamer communistes et nazis, sur le thème particulièrement mal choisi de l’antisémitisme ; s’il lisait dans l’Humanité autre chose que ses propres interviews, il pourrait y voir presque quotidiennement les carnets annonçant la disparition de résistants communistes, et qui sont dans bien des cas, dans un proportion sans commune mesure à celle des autres partis et de la société française, des juifs. Il faudrait qu’ils aient été bien stupides pour s’engager dans un parti antisémite. Loin de l’être, ils se sont engagés dans un parti qui faisait la guerre à Hitler, et si on décide comme Onfray d’amalgamer le PCF à l’URSS, dans un parti de dimension mondiale qui a joué le rôle principal dans la victoire contre Hitler. Le jour où Onfray aura vaincu sa propre vanité, il pourra peut-être s’en rendre compte. Quant à dire « la haine marxiste des juifs confiscateurs du grand capital », on voit l’incompétence philosophique et historique d’Onfray. Marx n’accorde aucune importance dans sa critique du capital aux thèmes antisémites, qualifiés ailleurs par Engels de « socialisme des imbéciles ».

Il se trouve que le PCF n’avait pas besoin de défendre l’URSS dans la classe ouvrière puisque le prolétariat mondial pour une large part, de la Chine au Brésil, avait choisi de s’y reconnaitre et d’adopter Staline comme leader charismatique. Pour lui, le pays de Lénine était le pays des ouvriers. Qu’il se soit trompé, c’est évident a posteriori, mais il avait choisi de croire en la Révolution d’Octobre.

Onfray préfère à Lénine Gorbatchev, le grand homme qui a divisé par deux le pouvoir d’achat des Russes, et mis la mafia au pouvoir, par pure bêtise, flatté par la jet set mondiale. L’homme qui représentait l a couche sociale de l’intelligentsia qui critiquait le régime avec de bonnes raisons, mais qui n’a réussi qu’à scier la branche sur laquelle elle était assise. Quant à mai 68, le PCF avait correctement analysé la situation en voyant qu’elle n’était pas révolutionnaire (il a suffi d’un peu d’essence dans les réservoirs et du weekend de pentecôte pour remettre De Gaulle au pouvoir), et pour mesurer aussi les risques de répression de la part d’un pouvoir gaulliste qui n’a jamais hésité à utiliser la violence et l’intimidation ; et l’expérience chilienne, 5 ans plus tard, lui donne raison. Apprécions aussi le mépris avec lequel Onfray traite les avancées sociales et les résultats concrets des grèves de Mai. Mais il s’agit là des vulgaires revendications matérielles, et Onfray qui se croit matérialiste plane quant à lui dans les hautes sphères de la pensée.

(Au fait, Onfray ferait bien de se relire, la gauche ne nationalisait pas plus que Balladur ? Et qu’est ce que ça signifie « des électeurs pas dupes qui s’en vont au Front national » ? Quand on est dupe on vote PC et quand on ne l’est plus on vote FN ?).

Mais là où on rigole franchement c’est quand on voit que tous ces vieux dossiers sont ressortis pour préparer l’annonce du crime majeur du PCF : avoir « noyauté » les collectifs antilibéraux, c’est-à-dire avoir demandé à ses militants d’y participer et d’y soutenir la candidature de Marie George Buffet. Or, des militants communistes il y en a eu dès l’origine dans les collectifs, et rien ni personne n’avait jamais fixé de règle maccarthyste pour interdire qu’il y en ait d’autres, et dans ces conditions, si les cocos « envahissaient » les collectifs, il fallait les envahir aussi (où étaient les 30000 signataires de la pétition pour Bové ?) ! Et c’est justement là qu’on aurait vu si les collectifs pouvaient s’élargir et transcender les partis. Quant aux élections et aux alliances avec le PS, c’est une vieille critique gauchiste émanant d’organisations telles que la LCR qui n’ont pas d’autre raison d’être que de servir de pépinière aux futurs cadres du PS. Et s’il n’existait pas de municipalité communiste (et sans alliances avec le PS il n’y en aurait pas) qui donc les bovétistes iraient- ils parasiter ? Comment croient-ils que Braouzec se fait élire, et Autain, et Claire Villiers ? Et Bové dont les paysans ne veulent plus ? Et qui est obligé de recycler nos apparatchiks ?

Pour finir, Onfray se roule dans la boue avec délectation qualifiant le PCF de collaborationniste. On dirait du Faurisson. Chacun le sait, sauf lui sans doute, que de nombreux communistes ont été tués par les Nazis, que les communistes leur ont rendu coup pour coup et les ont vaincus, avec le grand peuple russe et l’aile démocrate de la bourgeoisie mondiale.

Onfray voulait l’unité avec les communistes, il y quelques jours, et maintenant il tombe dans les poncifs habituels de la critique du totalitarisme, qui ont pour objet de falsifier l’histoire et d’amalgamer les contraires.

Onfray a menti, ou il ment maintenant.

De : gilles questiaux mardi 20 février 2007


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