Bulgarie : un fossé grandissant sépare la population des partis officiels

jeudi 31 mai 2007.
 

Un fossé énorme sépare également l’élite politique officielle des masses populaires dans la Bulgarie voisine. Là aussi, les premières élections le 20 mai des députés européens se sont apparentées à un vote de protestation contre les partis traditionnels et leurs programmes politiques. Seuls 28 pour cent des électeurs se sont présentés aux urnes.

Le parti Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie (Gerb) est sorti vainqueur des élections en récoltant 21,7 pour cent des votes et en dépit du fait qu’il a seulement été créé six mois auparavant. Le Parti socialiste bulgare (BSP) dirigé par le premier ministre Sergueï Stanichev, l’a talonné de près en arrivant en seconde position avec 21,41 pour cent. Le partenaire du BSP au sein de la coalition gouvernementale est arrivé en troisième position. Le Mouvement des droits et des libertés (DPS) qui représente la minorité turque a obtenu 20,26 pour cent et le parti de l’ancien premier ministre, Siméon Sakskobourggotski, le Mouvement national Siméon II (NDSW) put recueillir à grand-peine 6 pour cent, juste assez de voix pour bénéficier d’une représentation.

Le camp de droite fut entièrement décimé. Les Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB) de l’ancien premier ministre Ivan Kostov, l’Union populaire bulgare (BNS) et les Forces démocratiques unies (ODS) n’ont pas dépassé la barre des 6 pour cent et frôlent l’extinction politique.

La question au cœur de l’élection était une fois de plus en une série de scandales dans lesquels plusieurs membres du gouvernement sont impliqués. Une instruction judiciaire est en cours contre Rumen Ovcharov, ministre BSP de l’Energie et de l’Economie ainsi que contre deux secrétaires d’Etat pour corruption et intimidation.

L’amertume profonde ressentie contre le BSP, l’ancien roi Siméon II et les divers autres « démocrates » conservateurs qui ont tous, au cours de ces dernières 17 années, jeté le pays dans une crise de plus en plus grave, a été mise à profit par le Gerb, parti fondé par Bojko Borisov, l’ancien maire de la capitale Sofia.

En 2005, Borisov, un ancien policier, était élu maire de Sofia en réaction à une opposition croissante à l’encontre des autres partis de droite et du BSP. Il avait été en mesure de récupérer la majorité de ses voix du camp Sakskobourggotski.

Borisov s’est présenté comme un politicien honnête, ayant les pieds sur terre et qui, dans une certaine mesure aux yeux des électeurs, était capable de se distancer du marais politique bulgare.

Gerb a mené une campagne populiste contre la corruption et l’inégalité sociale criarde qui existe. Bien que Borisov n’ait pas ouvertement affirmé son opposition à l’entrée dans l’UE, il a exigé que plus d’attention soit accordée aux intérêts nationaux de la Bulgarie.

Néanmoins, le parti de l’ancien policier est tout sauf une alternative aux autres organisations politiques existantes. Au moment de l’effondrement du régime stalinien en 1989, Borisov était général au ministère de l’Intérieur et était considéré comme un partisan loyal et engagé du régime. Par la suite il avait fait jouer ses relations personnelles pour créer sa propre entreprise de sécurité en engageant, entre autres, l’ancien chef du Parti communiste, Todor Schivkov.

Après que Siméon II soit devenu premier ministre en 2001, il avait nommé Borisov au poste de chef de la police au ministère de l’Intérieur. Les deux hommes avaient maintenu un contact étroit pendant des années. Borisov se qualifiait de « centriste de droite » et avait entre-temps recruté dans son parti de nombreuses personnalités issues de la police, de l’ancienne police secrète stalinienne et de divers partis de droite éclatés.

Tout en continuant à exercer son influence à Sofia, Borisov avait été en mesure, grâce à son programme ultra-conservateur, d’avoir du succès dans le monde rural. Ses promesses d’appliquer un programme du tout sécuritaire et d’améliorer les conditions cadres pour l’économie bulgare firent de son parti un partenaire recherché pour former une coalition, indépendamment de toutes les réserves émises à l’égard de Gerb.

Le parti ultranationaliste Attaka a obtenu suffisamment de voix et aura également à l’avenir trois sièges au Parlement européen. Après que le dirigeant du parti, Volen Siderov, ait recueilli suffisamment de voix pour accéder au second tour des élections présidentielles de l’année dernière où il avait été battu par le président sortant Georgi Parvanov (BSP), les néofascistes avaient remporté 14 pour cent des suffrages aux élections européennes.

Après que les « socialistes » et les conservateurs aient présenté l’entrée dans l’UE sous son meilleur jour, un désenchantement se fait d’ores et déjà sentir parmi de larges couches de la population. La grande majorité des gens ne voient aucune amélioration de leurs conditions de vie et considèrent comme une menace les avertissements et les appels de Bruxelles à plus de discipline budgétaire et à l’application des « réformes ».

Attaka a été le seul parti à adopter une position critique sur l’Union européenne et a de ce fait été en mesure de canaliser l’antipathie largement répandue à l’encontre de l’UE dans une voie nationaliste réactionnaire et néofasciste.

(Article original paru le 30 mai 2007)


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