La personnalisation autour de JL Mélenchon nuit-elle au Front de Gauche ?

samedi 24 mai 2014.
 

« Clémentine Autain, vous êtes l’une des figures du Front de gauche, êtes-vous d’accord avec le député communiste André Chassaigne pour dire que l’ultrapersonnalisation du Front de gauche autour de Jean-Luc Mélenchon n’est pas une bonne stratégie ? Clémentine Autain, répondez-moi… »

Réponse de Clémentine Autain :

L’hyperpersonnalisation de la vie politique est un travers contemporain, elle ne concerne pas que Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche. Dans le genre, Nicolas Sarkozy, c’est une sacrée référence ! C’est amusant qu’Yves Thréard relaie ici cette question parce que les grands médias contribuent à réduire les forces politiques à une poignée de personnalités. A la télévision comme dans les journaux, ce sont toujours les mêmes qui sont interviewés et mis en valeur. Je trouve qu’il y a là un manque d’audace et de curiosité qui contribue au désamour grandissant des citoyens vis-à-vis de la sphère politique. On entend et on voit toujours les mêmes, ce qui accroît le sentiment d’un vase clos. La peoplisation ambiante n’arrange rien. Elle vise en partie à masquer la ressemblance grandissante entre les candidats des deux grands partis actuels que sont l’UMP et le PS : puisqu’ils sont de plus en plus d’accord sur le fond, il reste à scruter les personnalités. Enfin, la place en France de la présidentielle et son nouveau rythme quinquennal apportent de l’eau au moulin de cette hyperpersonnalisation. Certains courants politiques réussissent mieux que d’autres à diversifier les profils visibles pour incarner leur mouvement. Je pense par exemple aux Verts, aujourd’hui EE-LV : est-ce l’une des raisons pour lesquelles ils peinent à obtenir de bons scores à la présidentielle ?

Le système actuel rend difficile le contournement de l’hyperpersonnalisation de la vie politique. Jean-Luc Mélenchon a été le candidat du Front de Gauche en 2012 : il reste la figure emblématique de notre mouvement pour les médias et pour le plus grand nombre. Il faudrait produire des efforts substantiels pour que d’autres visages émergent davantage et permettent une représentation plus pluraliste du Front de Gauche, à l’image de sa réalité qui est plurielle et diverse - et c’est l’une de ses forces. Je crois important de s’y atteler.

Si la question est aujourd’hui posée, c’est qu’elle correspond à des éléments de culture politique forts dans notre mouvement. Nous n’avons pas le culte du chef, nous rassemblons des sensibilités et des traditions irréductibles à une figure politique, nos militants et sympathisants attendent de nous une capacité de renouvellement. Si la question se pose aujourd’hui, c’est aussi que les choix opérés par Jean-Luc Mélenchon en terme de style politique, style qui correspond à des choix stratégiques, sont discutés. D’ailleurs, je ne partage pas tous ses choix. Le débat doit s’ouvrir dans le Front de Gauche mais après les élections européennes. Il est contre-productif de l’ouvrir à dix jours du scrutin. Mais une chose est sûre : la politique s’incarne. La politique, c’est l’art de faire vivre en discours et en actes une vision du monde. Nous avons donc besoin de personnalités fortes qui sachent rendre désirable notre projet.


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