L’Europe cristallise le reniement et la duplicité de François Hollande

jeudi 29 mai 2014.
 

Sur le plateau de France 2 (Des paroles et des actes en présence des dirigeants des six principaux partis), le choix des intervenants avait aussi un sens plus politique qu’il n’y paraissait. La présence du porte-parole du gouvernement Valls, Le Foll, fonctionne comme un aveu : l’élection de dimanche porte aussi sur le bilan européen de François Hollande depuis son élection. La tâche de Le Foll était alors de défendre l’indéfendable. En fait, François Hollande n’a pas joué le rôle que les institutions lui confient. Au lieu de dire ce qui lui parait utile et bon pour le pays en relation avec la politique qu’il mène, il a déserté le thème. Il a même créé une diversion avec son légo de la réforme territoriale.

Cette désertion se vérifie surtout à propos du Grand Marché Transatlantique. Dans sa tribune sur les élections européennes publiée le 9 mai dans Le Monde, François Hollande n’a pas dit un mot sur ce sujet. D’ailleurs, c’est simple : il n’en a jamais parlé. Sauf une fois, lors de son déplacement aux Etats-Unis en février. Il a alors déclaré que ce futur marché unique avec les Etats-Unis était « une vraie opportunité » et que « aller vite n’est pas un problème, c’est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ». Et à l’Assemblée nationale hier, le PS a complètement détricoté la résolution du Front de Gauche contre le Grand Marché Transatlantique. Les députés Front de Gauche avaient déposé cette résolution dans leur « niche », c’est-à-dire dans la seule journée de l’année dont ils maîtrisaient l’ordre du jour. Le PS a tout fait pour défendre les négociations et la perspective d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Le gouvernement et les députés PS ont refusé notre demande de « suspension » des négociations. Ils y ont préféré des formules creuses demandant « une grande vigilance » dans ces négociations. Les députés PS ont aussi accepté que la Commission négocie sur les tribunaux d’arbitrage, ces tribunaux privés taillés sur mesure pour les multinationales. Ils ont en effet rejeté notre demande que « la Commission européenne retire des négociations la clause relative au mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États ». Bref, le texte a été tellement dénaturé que nos députés à l’Assemblée nationale ont été contraints de voter contre.

L’Europe cristallise le reniement et la duplicité de François Hollande. Tout le monde se souvient de la campagne présidentielle. Il promettait alors de « renégocier le traité européen » signée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en décembre 2011. C’était le fameux traité budgétaire, officiellement « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG), plus connu sous le nom de traité Merkozy. La renégociation de ce traité était le onzième engagement des « 60 engagements pour la France » du candidat Hollande. C’est la première promesse que Hollande a trahie. Dès son premier sommet européen, les 28 et 29 juin 2012, Hollande a capitulé. Le traité n’a même pas été évoqué au sommet. Hollande a ensuite soumis au Parlement français le traité signé par Nicolas Sarkozy sans en avoir changé une virgule. Sous la pression, à trois jours de notre grande marche contre ce traité d’austérité, le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, avait même été contraint reconnu le 27 septembre 2012 sur France 2 : « d’un point de vue juridique, si vous prenez la ligne exacte de la phrase qui sera soumise à la ratification, le traité n’a pas été renégocié ». C’est en quelque sorte le péché originel de Hollande. Ce traité impose l’austérité et renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission européenne sur les Etats et les budgets nationaux. En l’acceptant, Hollande s’est lié les mains. La politique qu’il mène aujourd’hui, les 50 milliards d’euros d’austérité de Manuel Valls, le gel du salaire des fonctionnaires, le gel des pensions de la moitié des retraites etc. Tout cela est la conséquence directe et inéluctable de ce renoncement initial.

Le deuxième mensonge de Hollande, c’est la prétendue « réorientation » de l’Europe vers la « croissance ». Le pacte de croissance vanté par Hollande pour habiller son reniement sur la révision du traité n’existe pas. Il n’a jamais existé. Il s’agissait pour l’essentiel de fonds déjà prévus et qui ont seulement été réaffecté. Quant au budget européen pour la période 2014-2020, c’est le contraire total d’un plan de relance ! Ce budget a été validé par François Hollande lui-même. C’est en fait un plan d’austérité européen. En effet, entre 2014 et 2020, le budget européen sera inférieur de 85 milliards d’euros au budget de la période 2007-2013 ! On mesure mieux l’ampleur du mensonge du PS quand on le voit faire campagne en expliquant que « l’austérité est une erreur en Europe ». Mais c’est aussi son erreur. C’est même d’abord son erreur générale : les premiers plans d’austérité ont été appliqués en Grèce et en Espagne, sous des gouvernements du PS local.

Le troisième mensonge de Hollande concerne la Taxe sur les transactions financières. Le projet validé par les ministres des Finances de l’Union européenne le 6 mai dernier est totalement ridicule. Elle devrait rapporter à peine 5 milliards d’euros. C’est sept fois moins que le projet proposé au départ par le José Manuel Barroso pourtant ultralibéral. Le projet Barroso était déjà bien faible puisqu’il ne taxait par exemple pas les marchés des changes ou les échanges d’obligations d’Etat. Il proposait seulement de taxer les échanges d’actions à 0,1% et les produits financiers dérivés à 0,01%. C’était trop pour la finance. Elle a trouvé un porte-parole de choix en la personne de Pierre Moscovici, alors ministre de François Hollande et probable prochain commissaire européen. A l’été 2013, Pierre Moscovici avait dénoncé un projet « excessif ». Moscovici puis Michel Sapin ont travaillé au sabotage du projet de Barroso. L’accord du 6 mai laisse de côté la quasi-totalité des produits financiers spéculatifs nommés produits dérivés. C’est pourtant la partie la plus visible de la spéculation financière. Les échanges de produits dérivés constituent 85% des transactions financières. Ainsi « d’ennemi de la finance » dans son discours du Bourget, François Hollande est devenu l’un de ses meilleurs défenseurs. C’est aussi cela qu’il faut avoir à l’esprit dimanche.


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