Maternités... Donner la vie vaut plus que leurs profits

jeudi 24 juillet 2014.
 

Un métier ultra féminisé si peu valorisé

Après une première année commune aux études de santé, les sages-femmes suivent quatre années de cursus spécialisé. Elles sont donc diplômées d’un bac +5. Pourtant, à l’hôpital, une sage-femme débute avec un salaire de 1 400 € nets par mois, la moitié des 20 000 sages-femmes exercent à l’hôpital, et 3 000 seulement en libéral. Comment expliquer une telle faiblesse des salaires ? Un indice important est le taux de féminisation de cette profession : 98% des sages-femmes sont… des femmes.

Le mouvement social des sages-femmes portait donc évidemment des revendications salariales. Les propositions du Gouvernement prévoient une augmentation de 104 euros bruts par mois en moyenne. Elles sont jugées insuffisantes par les syndicats : « On nous propose 16 millions d’euros, on en voudrait 4 de plus », résume une représentante de la CGT. De son côté, le niveau de rémunération des étudiants en maïeutique de quatrième et cinquième année sera aligné sur celui des étudiants en médecine.

Outre les revendications pécuniaires, le mouvement portait également sur la place et les responsabilités dévolues aux sages-femmes dans le système de soins, et plus particulièrement dans le système hospitalier. De ce point de vue, les sages-femmes étaient divisées. Un collectif, regroupant notamment la CFTC et représentant environ 15% des sages-femmes, souhaitait qu’elles soient reconnues en tant que praticien médical hospitalier, au même titre que les médecins ou les pharmaciens. Elles visaient par ce biais un meilleur accès à la formation professionnelle, une plus grande autonomie et une revalorisation salariale.

De son côté, l’intersyndicale CGT, CFDT, FO, SUD et UNSA n’était pas favorable à l’attribution de ce statut car il aurait fait perdre aux sages-femmes exerçant à l’hôpital leur statut de fonctionnaire de la fonction publique hospitalière (FPH) et les prérogatives en découlant (stabilité de l’emploi, droits à la retraite…)

En mars, Marisol Touraine a tranché, créant un statut médical spécifique de sages-femmes des hôpitaux au sein de la FPH. Dans chaque établissement hospitalier, la gestion des sages-femmes dépendra désormais de la direction du personnel médical. « Les compétences des sages-femmes seront désormais identifiées et reconnues comme médicales sans aucune ambiguïté, s’est félicitée la ministre. Il s’agit d’une rupture totale avec le passé, puisque leur profession n’est plus paramédicale. » Cette décision a recueilli l’aval de l’intersyndicale.

Derrière ce terme « médical », c’est le rapport de force et de subordination des sages-femmes vis-à-vis des médecins qui se joue, ainsi que la reconnaissance sociale de leur profession. Il faut préciser que les sages-femmes effectuent 80% des accouchements par voie basse et sont autorisées, depuis la loi HPST de 2009, à prescrire une contraception et à assurer le suivi gynécologique des femmes. Cette même loi définit leur mission : « Pratiquer des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l’accouchement, ainsi qu’à la surveillance et à la pratique de l’accouchement et des sois postnataux en ce qui concerne la mère et l’enfant ».

Des naissances déshumanisées

En France, on dénombre 55 sages-femmes pour 100 000 naissances en France, contre 72 en moyenne dans les pays de l’OCDE. Ce mouvement des sages-femmes permet aussi de s’interroger sur la place accordée à la naissance, aux premiers instants de la vie, à la santé et à la volonté des femmes durant leur grossesse et leur accouchement. Les fermetures de maternité, sur lesquelles les gouvernements Ayrault et Valls ne sont pas revenus, contrairement aux promesses du candidat Hollande, mettent en danger la santé et le bien-être des femmes et des bébés. Depuis 2008, du fait notamment des mesures austéritaires touchant la prévention maternelle et infantile, la mortalité périnatale augmente à nouveau en France. Notre pays est passé en matière de mortalité infantile du septième au vingtième rang européen entre 1999 et 2009.

On comptait 1 369 maternités en France en 1975. Il n’en restait que 554 en 2008 ! Les maternités de type I, qui accueillent les accouchements non pathologiques, ne représentent plus qu’une minorité d’établissements (34%). Ainsi, les regroupements de maternité se sont faits au détriment des petits établissements de proximité, du fait de mise en place de seuil minimum d’activité. Pourtant, l’activité individuelle des praticiens n’est pas nécessairement plus importante dans un grand établissement. Et l’expérience antérieure des professionnels n’est pas prise en compte dans ce calcul. De fait, les regroupements d’établissements n’ont pas l’effet financier positif escompté, puisqu’ils s’effectuent au profit des structures les plus techniques et les plus coûteuses. Les accouchements ont lieu le plus souvent dans des services de très grande taille.

Le 22 février dernier, en pleine grève des sages-femmes, le Sénat a hélas rejeté une proposition de loi du groupe communiste qui imposait un moratoire sur la fermeture et le regroupement des établissements de santé. Il est pourtant impératif d’établir un plan d’urgence pour une réorganisation hospitalière, de mettre un terme à la concentration de grands plateaux techniques « usines à bébés » et aux projets des agences régionales de santé, et enfin, de reconstruire un réseau de maternités de proximité, au lieu d’expérimenter « des maisons de naissances » qui font la part belle au secteur privé.

Jeanne Fidaz

La maternité des Lilas aux Lilas !

La maternité des Lilas, c’est un peu « l’humain d’abord » appliqué à la naissance. Pionnière en matière d’accouchement sans douleur, chantre de la « naissance sans violence », elle privilégie les choix de la femme et du couple. En septembre 2011, toute la gauche était réunie aux Lilas pour sauver cette maternité menacée de fermeture. Les solfériniens avaient promis… ils ont trahi. Trois ans plus tard, le combat du personnel et des usagers de cette maternité ne faiblit pas et force l’admiration. Leur lutte est gaie et inventive. Leur dernière trouvaille ? Interpeller l’heureux gagnant de l’Euro-millions et le solliciter pour les aider. « Après tout l’État ne veut pas s’engager sur les 9 millions qu’il nous manque, alors nous allons les chercher là où c’est possible, explique Amélie, sage-femme ». L’idée est encore une fois d’interpeller l’opinion publique sur la situation critique de la maternité ; seule une décision politique en haut lieu pourrait sauver cette maternité et permettre sa reconstruction sur un site dédié.


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