Lettre de Mohamed Pascal Hilout au pape Benoît XVI

Objet : En Europe, pourrons-nous enseigner l’islam classique à nos enfants sans une bonne dose de mauvaise conscience ?

Cher Pape Benoît XVI et Professeur Ratzinger,

Votre cours magistral à Ratisbonne pose de bonnes questions à notre conscience de musulmans et de citoyens d’Europe.

C’est en tant que citoyen musulman de France, fille aînée de l’Eglise, que je vais essayer d’apporter des réponses aussi claires que possible à vos interrogations. Ceci dans l’espoir de contribuer à la clarification du débat et à préparer, ensemble, chrétiens, musulmans, juifs, agnostiques, athées... un avenir meilleur pour nos générations futures ; dans ce grand espace de liberté qui s’apprête à accueillir nos frères-et-sœurs turcs. C’est dans la clarté de la vérité que nous pouvons nous élever de quelques degrés et non pas derrière le trompe-l’œil et la mauvaise foi.

1 - islam et djihad

Ma réponse à votre question qui a, soi-disant, choqué les musulmans est on ne peut plus limpide : l’islam classique est porteur de violence, par construction et ce depuis ses fondations. Par le mot islam j’entends ici les leçons du coran éclairées par la pratique du prophète Mahomet. Les premiers chroniqueurs musulmans nous disent clairement qu’il a ordonné et participé à des razzias non défensives.

Les musulmans, par contre, sont aussi humains que les autres humains. Avec leurs faiblesses, passions, sombres recoins, déraison avérée et leurs détresses. Mais aussi leur compassion, miséricorde, générosité, lueurs de raison et une grandeur d’âme sans conteste. J’entends par musulmans ceux qu’a connus l’histoire depuis Mahomet jusqu’à nos jours. Beaucoup de belles âmes, même ici en Europe, ne font toujours pas l’effort de ce discernement basique pour mélanger allègrement islam et musulmans : une option religieuse d’une part et des êtres humains, d’autre part. Autrement dit, mais en français très commun, l’option religieuse ne mange pas de pain. Le Coran aurait ajouté « et ne va pas au marché ».

Vous et moi, nous sommes aujourd’hui les héritiers de cette belle Europe qui a fini par établir cette distinction salvatrice, preuve d’une raison admirable : la dignité humaine est sacrée, pas les religions. C’est la déclaration des droits de l’homme et la sécularité qui font la grandeur de l’Europe et son génie. Cela, malheureusement, ne l’a pas empêché de les bafouer de la plus atroce des manières. Notre condition humaine reste toujours précaire, en Allemagne, au Rwanda, au Soudan comme partout ailleurs sur notre planète. Socrate, Mozart, Jésus, Mahomet, Kant, Averroès, Voltaire...et même Dieu, ne nous en préservent pas.

Il me semble que l’islam qui est devenu une importante composante de l’Europe, se doit d’abord de faire un travail d’élagage et de révision pour prendre toute la place qui lui revient de droit, au sein de ce beau concert des nations européennes. Nos frères-et-sœurs turcs ont certes fait leur révolution laïque depuis bien longtemps, mais malheureusement, c’est sous l’œil vigilant de l’armé que le retour à une hégémonie du religieux a été empêché jusqu’à maintenant. Au fond, on pourrait penser que les esprits ne sont pas encore tout à fait acquis à la liberté religieuse et à la liberté d’expression. Même en Turquie, pays musulman le plus proche de l’Europe, dans tous les sens du terme, on ne peut pas encore disserter, de façon critique, du coran et de Mahomet. L’Europe, avec ses musulmans et l’adhésion de la Turquie, que je soutiens de tout cœur, ne pourra pas rester ce qu’elle est sans que ce droit ne soit clairement proclamé. Il serait peut être sage de l’inscrire, noir sur blanc, dans nos institutions communautaires. L’inscription des mots ‘coran’ et ‘Mahomet’ en droit européen, même pour les critiquer sans ménagement, sera la preuve tangible du respect à l’égard des concitoyens musulmans, enfin considérés comme des croyants adultes, capables de soutenir le regard critique sur les fondements de notre foi.

De toutes les manières, l’islam d’Europe doit être officiellement engagé à partager cette même liberté de disserter et d’exprimer des opinions critiques sur l’histoire de l’islam et des musulmans. Pour cela, nous musulmans d’Europe, nous devons absolument couper le cordon ombilical avec l’islam d’Afrique et d’Asie qui reste foncièrement liberticide. Les représentants officiels de l’islam en France et en Europe sont, malheureusement, toujours installés dans une dépendance administrative, idéologique et peut être même financière de pays d’Afrique et d’Asie peu recommandables. Un demi-siècle après les indépendances, il est peut être temps que nous proclamions notre indépendance. Je pose la candidature de Paris à l’organisation des premières assises de l’islam libre.

Nous, musulmans d’Europe, nous devons aussi désigner clairement ce qui, dans notre coran, est porteur des germes malsains chargés d’irrespect pour les autres, d’injustice pour nos sœurs et de restrictions à la liberté des individus. Il va de soi que le coran n’est pas le seul livre à contenir de tels germes mais il est le seul à ne pas avoir été publiquement critiqué, de l’intérieur, par ses propres enfants et adeptes.

C’est à cette seule condition que nous pouvons bâtir ensemble, sur des bases clarifiées, un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants ici en France et en Europe. Toutes autres discussions byzantines et tout moratoire ou atermoiement ne seront que perte de temps et vaines tentatives de contourner les vrais problèmes.

2 - foi et raison

Quant à votre question, cher Pape, au sujet de la foi et de la raison, il me semble qu’il n’est pas raisonnable de donner l’impression que notre foi monothéiste judéo-islamo-chrétienne puisse être confondue avec la raison ou même fondée sur la raison. Cette tentation existe aussi dans l’histoire de l’islam et nous a menés à une confusion malsaine, pire, à une impasse circulaire dans laquelle le monde musulman déambule encore en rond, sans trouver la sortie par le haut que je vais préciser ici.

Engagé par le pouvoir almohade, le grand commentateur Averroès a succombé à cette tentation. Il a affirmé mordicus que la foi et la raison étaient « sœurs qui s’épaulaient mais ne se contredisaient point ». Il a perdu sur tous les plans et nous aussi. Comme vous le savez très bien, la physique géocentrique d’Aristote qu’il défendait et qui lui permettait, cahin-caha, d’étayer les sept cieux superposés de notre coran, s’est complètement effondrée, grâce au très catholique chanoine Copernic, encouragé par le cardinal Schomberg, et grâce à votre têtu opposant et non moins catholique Galilée.

Voici donc un conseil d’un ami musulman de France, rationaliste et ancré dans notre XXIe siècle : relisez bien l’épisode de St Paul chez les Athéniens, nos premiers guides en matière de raisonnement. Il n’a pas pu les convaincre et il ne pourra jamais nous convaincre que la résurrection peut être objet de raison. C’est un espoir et un acte de foi. Foi et raison vivront toujours en bonne intelligence tant qu’elles sont voisines, mais chacune chez elle. Les contraindre à cohabiter sous le même toit est source de tracas.

Veuillez agréer, cher Pape Benoît XVI, l’expression de mes respects les plus profonds. Par ailleurs, permettez-moi de vous exprimer ma solidarité sans condition face aux menaces proférées à votre encontre. Prions Dieu de nous aider, juifs, chrétiens, musulmans et non croyants, à trouver le chemin de la raison !

Mohamed Pascal Hilout

Initiateur du nouvel islam

Copie d’une lettre qui a été envoyée au pape le 3 octobre 2006.

Avec copie

Aux responsables du culte musulman en France

À des intellectuels musulmans, de foi et/ou de culture, en France

Aux hauts responsables religieux en France