La mauvaise finance chasse la bonne !

samedi 16 août 2014.
 

Michel Sapin, le ministre des Finances de Manuel Valls, vient de déclarer : « Notre amie, c’est la finance, la bonne finance. » Une déclaration qui, selon l’AFP, aurait « déclenché des rires dans la salle » lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence qui ont suivi. C’est en réponse à sa propre question « Y a-t-il une finance heureuse, au service d’investissements heureux ? » que Michel Sapin a répliqué qu’il pouvait y avoir une « bonne finance ». Il prenait ainsi le contre-pied de François Hollande qui, lors de son discours du Bourget, en 2012, n’avait pas fait de détail en affirmant : « Mon adversaire, c’est le monde de la finance ! »

Cette finance à la fois bonne et heureuse serait, si l’on en croit Sapin, celle qui finance les investissements aux entreprises et aux ménages. Elle ne pèserait donc pas bien lourd à côté de la mauvaise. Lors du débat sur la loi bancaire de Pierre Moscovici en 2013, Gaël Giraud, chercheur au CNRS et à l’Ecole d’économie de Paris, avait précisé ce qu’il en était des activités des banques utiles à l’économie : « Aujourd’hui, sur 8 000 milliards de total de bilan bancaire français, seuls 10% servent au financement des entreprises. Et 12% au financement des ménages. Le reste, ce sont des opérations de marché. » Soit, 22% de bonne finance et 78% de mauvaise !

Le constat ne s’arrête malheureusement pas là. Lors de la dernière crise bancaire, la « mauvaise finance », dont Sapin reconnaît qu’elle « a été à l’origine en grande partie de la crise de 2008-2009 », avait chassé la bonne et les banques n’accordaient plus aucun crédit. Le crédit interbancaire lui-même avait sombré corps et biens car les banques n’osaient même plus se faire crédit entre elles. Sans l’aide massive des États de l’Union européenne qui a contribué à gonfler lourdement leurs dettes publiques [1], le crédit à l’économie, « aux investissements heureux », aurait purement et simplement disparu, en même temps que le système bancaire.

La mauvaise finance a-t-elle, pour autant, été régulée depuis 2008 ? Sapin affirme que, de ce point de vue, « le chemin parcouru est considérable ». De quel chemin peut-il bien s’agir ? La loi bancaire du 26 juillet 2013 qui devait mettre en application le 7e engagement de François Hollande : « séparer les activités spéculatives des banques de celles qui sont utiles à l’investissement », n’a rien séparé du tout. De l’aveu même du PDG de la Société générale, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, cette loi cantonne moins de 1,5% des activités bancaires dans des filiales spécifiques.

Ce n’est que dans l’imagination florissante de Michel Sapin que la bonne finance est séparée de la mauvaise. Comme en 2008, la mauvaise finance risque à tout moment de déclencher une nouvelle crise bancaire et de chasser la bonne car rien n’a été fait pour l’en empêcher, la loi bancaire de 2013 ayant été écrite sous la dictée du lobby bancaire.

Jean-Jacques CHAVIGNÉ Militant socialiste,

Gérard FILOCHE Militant socialiste

et Jean-Claude BRANCHEREAU Militant socialiste


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