Les multinationales sont à l’offensive pour s’accaparer des ressources énergétiques... La barbarie gagne du terrain !

mercredi 27 août 2014.
 

La France a une autre voix à porter d’urgence. Parce que le monde a beaucoup changé, la France doit appeler à refonder l’ONU. Elle doit porter le combat pour le désarmement nucléaire et la suppression de toutes les armes de destruction massive...

Les communications présidentielles, toutes tendues vers les anniversaires des commémorations des deux dernières guerres mondiales, sont utilisées pour cacher l’échec désormais avéré da la politique gouvernementale mais aussi pour camoufler les vents mauvais qui soufflent sur le monde.

Entendons nous bien ! Nous ne critiquons pas l’idée de se souvenir, d’informer, d’éduquer sur ce qui s’est passé et sur la manière dont la France a pu se libérer. Ce qui est en cause, c’est la confusion de nature et d’origine des deux guerres mondiales, la grandiloquence qui voit des chefs d’Etat faire un petit tour quand leurs peuples en sont les oubliés. C’est aussi la sous-valorisation des réseaux de résistance français. C’est aussi la brutale remise en cause de ce qu’avait su réaliser dans l’unité les forces du Conseil national de la Résistance et avant, celles du Front populaire.

Au-delà de cela, on constate que plus on commémore, moins on fait réfléchir sur le monde tel qu’il évolue depuis plusieurs mois. De quelque côté où l’on se tourne, il n’est que tensions et fracas ; haines et drames humains, famines et terribles maladies comme Ebola ; massacres et guerres de toutes sortes, religieuses ou interethniques ; populations déplacées de force, massacres de minorités, sanglantes et mortifères migrations. Dans de nombreux endroits, la barbarie gagne du terrain. Gaza, Syrie, Liban, Nigéria, Mali, Lybie, Congo, Centrafrique, Birmanie, Afghanistan, Irak, Somalie et d’autres pays encore qui connaissent l’horreur, sont cités comme des informations aussi banales que les bulletins météo, alors qu’ils sont les dramatiques manifestations d’une planète poussée dans de dangereux tourbillons où la politique de la force et de la terreur a remplacé la force de la politique.

Au sein même de l’Europe, l’orage menace. La tension est à son comble entre les dirigeants russes et ukrainiens. Ces derniers étant soutenus par les Etats-Unis et les institutions Européennes. Contrairement à tous les engagements pris avec les dirigeants successifs de l’Union Soviétique, puis de la Russie, l’OTAN a décidé de faire de l’Ukraine l’une de ses nouvelles bases avancées pour tenter d’étouffer la Russie. Une sérieuse et inquiétante escalade dans la guerre économique s’accélère avec les embargos contre le système bancaire et les ressources énergétiques russes, décidés par l’Union européenne sur instigation des dirigeants nord-américains, et celui sur les produits alimentaires décidé par ceux de la Russie, avant peut-être demain l’interdiction de survol du territoire russe par les avions de la compagnie « Ukrainia -Airlines ».

Cette stratégie de la tension peut mener au pire en Europe. La souveraineté territoriale de l’Ukraine doit être respectée et rien ne saurait justifier une intervention extérieure, d’où qu’elle vienne. Mais en quoi ce qui a été baptisé « soulèvement à Maidan » serait plus légitime que les expressions populaires en Crimée ou dans le Donbass ? En quoi la liberté avance-t-elle quand des progressistes sont pourchassés et les communistes interdits comme au temps du nazisme ? D’ailleurs, en d’autres lieux et en d’autres temps, les dirigeants des Etats-Unis n’ont eu de cesse d’encourager la destruction des forces progressistes et nationalistes du monde arabe pour les faire remplacer par de nouvelles créatures terroristes qui les dépassent et leur échappent de plus en plus. Il est assez curieux de constater que les mêmes qui se réjouissaient de la modification des frontières de l’ancienne Union Soviétique, ou de l’ex-Yougoslavie sont ceux qui appellent aujourd’hui, mitraillettes au poing, au respect des frontières de l’Ukraine dont on sait pourtant qu’elles ont été elles mêmes dessinées de manière plutôt arbitraire par N. Kroutchev.

L’intérêt de l’Union Européenne aurait été de discuter avec les dirigeants de la Russie en tenant compte de l’histoire et de la géographie, de prôner le dialogue entre les deux nations au lieu de continuer à attiser les rouges braises comme l’ont fait les dirigeants européens et ceux de la France. Ici, comme dans tout le Proche et le Moyen-Orient où sur le continent africain, les tensions et les guerres se déroulent sur un fond de crise durable du système capitaliste. Crise économique qui pousse les multinationales et les fonds financiers à inventer de nouvelles stratégies de rentabilisation du capital, tandis que les débouchés sont réduits du fait de la spoliation toujours plus grande des populations. Il y a en commun aux guerres en Ukraine, contre les populations de Gaza, en Irak, en Syrie, en Lybie, en Somalie, ou au Yémen, l’offensive des multinationales pour s’accaparer des ressources énergétiques, qu’il s’agisse du pétrole, du charbon, du gaz ou du gaz de schiste et même l’eau.

C’est aussi le sens de la multiplication des traités de libre-échange entre l’Union Européenne avec le Canada, avec les Etats-Unis, ou des groupes de pays africains de l’ouest, et le projet de traité transpacifique. L’affirmation par les Etats-Unis de leur volonté de maintenir l’hégémonie du dollar participe de ces stratégies. On le voit avec les poursuites engagées contre les banques européennes et la volonté des USA de faire payer leurs énormes déficits par les autres états. C’était aussi le sens de la pression des fonds financiers vautours contre l’Etat argentin il y a quelques semaines. Pour faire face à ces offensives, les pays en développement appelés les « BRICS » ont tenu un sommet mi-juillet à Fortaleza au Brésil pour créer un fonds de réserve monétaire et une banque qui peuvent être une alternative au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. Au côté de cet outil innovant, existe l’Organisation de coopération de Shanghai qui constitue pour ces pays une alliance stratégique avec la Chine, à laquelle pourrait bien adhérer l’Inde à la mi-septembre. Dès lors, une sorte de mouvement du monde vers l’Orient pourrait être à l’œuvre.

La crise de l’hégémonie occidentale en serait encore accentuée. La crise de responsabilité aussi ! En effet les dirigeants occidentaux suivistes des Etats-Unis semblent avoir perdu la maitrise des situations, mais aussi des solutions. Regardons l’état dans lequel a été laissé l’Irak après une guerre dont le prétexte a été inventé de toutes pièces. Mais il en est de même de la Lybie, ou de certains pays d’Afriques laissés exsangues par la colonisation, le pillage et la surexploitation.

Dans ces conditions, les dirigeants de la France ne peuvent s’installer dans les actuelles impasses. Pourquoi continueraient-ils à soutenir la droite israélienne si isolée, au lieu de prendre une initiative politique visant à la reconnaissance de l’état Palestinien ? La France n’a rien à gagner à suivre une partie des dirigeants nord-américains et ceux d’Israël dans une stratégie de construction d’un « grand Moyen-Orient ! A quoi sert-il de verser des larmes de crocodiles et des torrents d’émotion télévisuelles sur les insupportables agissements de groupes aussi monstrueux que Boko-Aram ou Al Qaïda ou encore « l’état islamique en Irak et au levant », alors qu’ils ont été fabriqués de toutes pièces pour des desseins peu avouables, ici contre Saddam Hussein, là contre le dictateur syrien, nourris de l’argent du pétrole, du pillage des banques, armés par de grandes puissances et les reliquats d’armements de Lybie étant eux-mêmes fournis par les marchands d’armes européens et américains ?

Plus fondamentalement, on ne pourra éradiquer le terrorisme qu’en éradiquant la pauvreté et la misère. Parce qu’elle est membre du Conseil de sécurité des Nations-Unies, parce que son histoire a fait reconnaitre sa place originale, la France a une parole particulière à porter, des actions nouvelles à initier en même temps pour la justice et la paix. Le monde ne sera jamais apaisé tant que se creuseront les injustices et que s’accroitront les dérèglements environnementaux. Notre planète ne pourra plus longtemps supporter cette immense fracture qui voit les soixante-sept personnes les plus fortunées disposer d’autant d’argent que trois milliards deux cent millions autres êtres humains, tandis que l’existence même du continent est menacée à la fois par le surarmement, les destructions de sa biodiversité et le réchauffement climatique.

La France a donc une autre voix à porter d’urgence sur tous ces sujets. Elle doit agir pour proposer une réorganisation et une refonte des institutions internationales de dialogue et de concertation. Elle doit porter le combat pour le désarmement nucléaire et la suppression de toutes les armes de destruction massive dans le cadre de l’application des traités de désarmement existants et la négociation de nouveaux. Parce que le monde a beaucoup changé, la France doit appeler à refonder l’organisation des Nations-Unies, en faisant de son assemblée générale le véritable lieu mondial de dialogues et de décisions. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale doivent servir au développement humain durable et non plus à l’austérité et à la domination du dollar. Nous ne nourrissons aucune illusion ! C’est aux peuples, aux forces progressistes, aux mouvements pour la paix de faire entendre une force égale à l’épaisseur des nuages noirs qui s’amoncellent, et aux grondements sourds de l’orage qui menace.

La Fête de l’Humanité, dans un peu moins d’un mois, offre l’occasion d’en débattre, de façon pluraliste, avec la participation de représentants d’organisations progressistes du monde entier. Il est grand temps que des forces de paix se fassent entendre pour que cesse cette course de plus en plus incontrôlée vers l’abime. Le dire n’est pas ici de ma part faire preuve de pessimisme. C’est un appel à la vigilance, à la responsabilité et à l’action.

Patrick Le Hyaric, eurodéputé du Front de Gauche, L’Humanité Dimanche


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