Enlisement et aveuglement

samedi 13 septembre 2014.
 

« La constance, c’est la confiance », assène François Hollande dans Le Monde du 21 août. Plutôt que de constance, c’est d’entêtement et même d’aveuglement qu’il faut parler. Entêtement à poursuivre les mauvais coups contre le peuple. Aveuglement face à l’échec total de la politique économique appliquée depuis 2012.

L’enlisement

L’été 2014 a apporté une nouvelle preuve, si besoin, de l’échec de la politique d’austérité et de la politique de l’offre. Le nombre de chômeurs dans notre pays a battu un nouveau record historique : 3,7 millions de chômeurs sans aucune activité. En comptant ceux qui ont eu une activité de quelques heures en juin, le chômage frappe plus de 5,3 millions de personnes.

Cette aggravation continue du chômage résulte de la stagnation économique que connaît le pays. Le 14 août, l’INSEE a rendu publics les chiffres de la croissance au deuxième trimestre. Comme au premier trimestre, celle-ci a été nulle : 0,0%. Le ministre des Finances Michel Sapin a dû admettre que les prévisions optimistes du gouvernement ne seraient pas atteintes. Il a ramené la prévision de croissance pour l’année de 1% à 0,5%. La stagnation économique menace d’être encore plus dévastatrice du fait de la faible inflation annoncée le 13 août.

D’ores et déjà, les deux éléments entraînent un vaste trou dans les budgets publics du fait de rentrées fiscales inférieures aux prévisions. Michel Sapin a également avoué que le gouvernement ne tiendrait pas la promesse faite à Bruxelles de ramener le déficit budgétaire à 3,8% du PIB cette année.

Double échec

Ces chiffres sont la preuve d’un double échec pourtant largement prévisible et prévu. L’échec de l’austérité d’abord. La France n’est pas la seule frappée. L’Italie est retombée en récession, voyant son activité économique reculer pour le deuxième trimestre consécutif entre avril et juin. Même l’Allemagne est touchée : son PIB a reculé de 0,2% au deuxième trimestre, sous les coups de l’asphyxie de ses voisins-clients européens et des sanctions commerciales contre la Russie.

Les résultats détaillés de la croissance française dressent un réquisitoire sans pitié pour François Hollande et sa politique. Seules la consommation populaire et l’activité liée aux dépenses publiques ont empêché la récession. Cet effet bénéfique aurait été plus fort si le PS n’avait pas augmenté la TVA et appliqué une politique d’austérité. En poursuivant dans cette voie, il confirme l’erreur totale de son diagnostic ignorant la nécessaire relance de l’activité par la consommation et l’investissement public.

Il y a pire. C’est le fiasco de la politique de l’offre menée depuis 2012 et visant à multiplier les cadeaux et largesses au patronat. En effet, sur les six premiers mois de l’année, l’investissement des entreprises a reculé fortement. Pourtant, le crédit d’impôt compétitivité emploi est en vigueur depuis le 1er janvier et le « pacte de responsabilité » a été annoncé le 14 janvier. Au total, ce sont plus de 41 milliards par an qui ont été promis dont plus du quart est effectif dès cette année.

Pourquoi un tel échec ? Appliquant les recettes des années 1970, François Hollande croyait qu’en « augmentant les marges des entreprises », celles-ci finiraient par investir puis embaucher. Mais l’adage selon lequel « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » est obsolète. Et pour cause ! Ce ne sont pas les entreprises qui créent l’investissement et les emplois, c’est la conjoncture économique. Pour le dire autrement, les entreprises n’investissent et n’embauchent pas quand elles en ont les moyens mais d’abord quand elles en ont besoin, c’est-à-dire quand la demande est soutenue.

L’aveuglement au pouvoir

L’enlisement est donc total : économique, social, budgétaire. Face à cela, François Hollande, Manuel Valls et la majorité parlementaire font le choix de l’entêtement. Le président de la République avait donné le ton dès son interview du 14 juillet annonçant sa volonté de voir « assouplis » les seuils sociaux obligeant les employeurs à organiser des élections de délégués du personnel ou à créer un Comité d’entreprise et un Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il a confirmé son intention de remettre en cause ces droits sociaux dans son interview du 21 août dans Le Monde. Dans le même esprit de cajoler le MEDEF, la majorité parlementaire a définitivement adopté le Pacte de responsabilité et ses 21 milliards d’euros de cadeaux au patronat le 23 juillet en adoptant les budgets rectificatifs de l’État et de la Sécurité sociale.

Face à ces échecs répétés, il serait plus juste de parler d’aveuglement que d’entêtement. Surtout quand on voit les propos de Manuel Valls opportunément publiés par le Journal du dimanche du 17 août. Reprenant en français les mots de Margareth Thatcher, le Premier ministre assène qu’ « il n’y a pas d’alternative » et qu’il est « hors de question de changer de politique ». Répétant ensuite les mots de Raymond Barre ou Alain Madelin, Manuel Valls affirme « on ne peut pas relever un pays qui vit au-dessus de ses moyens depuis tant d’années sans dire la vérité ». Avant de traiter « d’irresponsables » tous ceux qui émettent des critiques contre cette politique injuste, inefficace et dangereuse. François Hollande ne dit pas autre chose quand il déclare au Monde « les choix ne peuvent être rediscutés à chaque fois qu’un indice trimestriel est connu », feignant d’ignorer que les indices se multiplient et se succèdes depuis plusieurs trimestres.

L’aveuglement du PS et de l’exécutif français n’a d’égal que celui des conservateurs allemands. Le 6 août, la porte-parole du gouvernement Merkel déclarait qu’il n’y a « aucune raison » de modifier la politique économique allemande qui asphyxie toute l’Europe. Le 13 août, c’est le président de la Bundesbank, la banque centrale allemande, qui appelait la France à « donner le bon exemple en matière budgétaire » dans Le Monde. Le 20 août, c’est Angela Merkel elle-même qui appelait à prendre des sanctions « plus dures » contre les États européens en déficit.

François Hollande n’avait de toutes façons aucune volonté d’affronter le gouvernement allemand ni de se lancer dans un combat contre l’Europe austéritaire. En effet, dans son interview au Monde, il affirme sans honte : « je ne me place pas dans un face à face avec l’Allemagne » et précise « je ne demande pas à ce que l’on change les règles européennes, mais qu’on les applique avec toutes les flexibilités prévues par les traités en cas de circonstances exceptionnelles ». Tout ira donc plus mal.

Mauvais coups en rafales

Le gouvernement n’est pas le seul à donner des mauvais coups. Les prétendues « autorités indépendantes » en ont donné aussi comme l’Arcep, autorité de régulation des communications électroniques et postales. Elle a en effet autorisé La Poste à augmenter ses tarifs, dont le prix du timbre, de 5,2% ! Le timbre à 69 centimes d’euros (soit 4,5 Francs), c’est pour bientôt !

Certains mauvais coups sont même désormais donnés automatiquement ! C’est le cas pour ce qui concerne le taux du livret A, livret d’épargne populaire accueillant les rares économies du peuple. Depuis le 1er août, il n’est plus rémunéré qu’à hauteur de 1%, le taux le plus bas de son histoire. Pendant ce temps, les actionnaires ont vu les dividendes s’envoler de 30% au 2e trimestre ! C’est pas la crise pour tout le monde !

Bidouille et gribouille !

Le 6 août, le Conseil constitutionnel a censuré une partie du pacte de responsabilité, contenu dans le budget rectificatif de la Sécurité sociale. Bien sûr, pour ne pas déplaire au MEDEF, le Conseil a validé les allégements de cotisations patronales. Mais, il a censuré la suppression totale des cotisations salariales pour les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC.

Cette mesure était censée faire avaler le pacte aux députés PS en promettant 520 euros de pouvoir d’achat en plus à un smicard sur un an. C’était une mesure directement copiée du programme de Marine Le Pen en 2012. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elle ait été jugée « contraire au principe d’égalité ».

Pour compenser cette censure, François Hollande a annoncé une nouvelle usine à gaz dont la fusion de la Prime pour l’emploi et du RSA « activité ». La PPE est une réduction d’impôt des ménages à faibles revenus ayant travaillé et le RSA activité est une prestation sociale versée à certains chômeurs quand il retrouve un emploi (mal payé). Ces deux outils ont en commun de subventionner par des fonds publics les faibles salaires. Le MEDEF, pourtant si sourcilleux quant à l’intervention de l’Etat dans l’économie, trouve très bien que des fonds publics viennent compléter les salaires des salariés low cost.

Au lieu de cette bricole, le gouvernement dispose pourtant d’un pouvoir bien plus rapide, efficace et sûr pour augmenter le pouvoir d’achat des petits salaires. Cela s’appelle augmenter le SMIC !

Gaza, Irak…

Face à la nouvelle guerre israélienne à Gaza, François Hollande a une nouvelle fois confirmé ses penchants néo-conservateurs. D’abord en soutenant sans réserve les bombardements israéliens via un communiqué du 9 juillet. François Hollande ne disait pas un mot des victimes palestiniennes (près de 2 000 au total) et il donnait carte blanche à Netanyahou : « Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces ». Puis, les 19 et 26 juillet, le gouvernement a interdit deux manifestations de soutien aux Palestiniens dans ce qui ressemble fort à une provocation destinée à créer des incidents.

En matière de politique étrangère, François Hollande est dangereux. Ainsi, il a reconnu que la France avait livré des armes aux rebelles syriens, dont une partie lutte désormais en Irak au sein de l’Etat islamique. Et pour stopper l’avancée des islamistes, que propose désormais Hollande ? De livrer encore des armes, mais cette fois-ci, aux Kurdes irakiens. Les armes de Hollande n’ont pas fini de tuer. Elles sont désormais des deux côtés.


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