Goodyear, exemple de capitalisme voyou et méprisant

dimanche 17 janvier 2016.
 

« Voyous », « fainéants »  ! Les salariés de Goodyear auront tout entendu avant d’être traités comme des criminels, condamnés à de la prison ferme pour avoir défendu leur emploi, malgré une succession d’attaques patronales.

À Amiens, deux usines se font face depuis près de soixante ans, mais deviennent sœurs ennemies en 2007, quand la direction du groupe Goodyear-Dunlop leur demande de choisir entre les 4x8 ou la porte… Les 4x8, ce sont des horaires décalés  : deux jours le matin, deux jours l’après-midi, deux jours de nuit avec une journée de pause. Un rythme éreintant s’ajoutant au port de charges lourdes et aux vapeurs toxiques inhalées pour produire des pneus. À Amiens Sud, les syndicats CFTC, FO et le délégué syndical CGT signent l’accord, contre l’avis des salariés. La CGT du site sera exclue du syndicat et prendra par la suite les couleurs de l’Unsa. Les 4x8 ou la fin

En face, l’usine d’Amiens Nord est soumise au même dilemme  : les 4x8 ou la fin. Mais là, la CGT refuse. La direction veut passer en force et fait peser la menace des suppressions d’emplois  : 478 emplois sur 1 400, si l’accord n’est pas signé  ; un peu moins et 52 millions d’investissement si les syndicats plient. Contre ce premier plan de « sauvegarde de l’emploi », la CGT attaque en justice et l’emporte. Un an plus tard, au comité central d’entreprise, la direction du groupe Goodyear-Dunlop Tires France annonce un nouveau plan social et multiplie le chiffre par deux  : 817 suppressions d’emplois. Si, la veille, la direction montrait du doigt CGT et SUD comme responsables des suppressions de postes, elle invoque cette fois une baisse de production de 23 000 pneus par jour à 9 000 en deux ans… La CFTC accuse la CGT de « porter une lourde responsabilité devant les salariés et leur famille ». « La direction veut nous faire porter le chapeau, mais les gestionnaires, c’est eux. Ça fait quinze ans qu’ils n’investissent plus dans l’usine », rétorque SUD. Ambiance. Les provocations du cow-boy texan

Procès, appel, grèves, manifestations houleuses et gardes à vue se succèdent, et Amiens Nord résiste. Le feuilleton continue. Un repreneur américain semble intéressé, soutenu par le gouvernement français. L’entreprise Titan passe un accord avec Goodyear pour racheter ses activités agricoles européennes et sud-américaines. Elle attend une validation du plan social de Goodyear pour récupérer les activités d’Amiens Nord, mais ne reprendrait que 577 salariés. Le contrat d’option de vente expire avant la validation du plan social, contesté en justice par les syndicats. « Il n’y a pas une entreprise qui veut construire une usine en France à cause de la législation sociale  ! » lance son pdg, Maurice Taylor. Les premiers bons mots du cow-boy du Middle West seront suivis d’une ribambelle de provocations à l’égard des « syndicats fous » de Goodyear. Le Texan est connu outre-Atlantique pour faire des affaires en rachetant des boîtes en faillite, virant inspecteurs du travail et grévistes. Les plus hallucinantes déclarations seront adressées au ministre Arnaud Montebourg, dans une lettre datée du 8 février 2013  : « J’ai visité cette usine plusieurs fois. Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. (…) Vous pouvez garder ces soi-disant ouvriers. » Après les insultes, la douche froide  : le rejet par la multinationale d’un projet de coopérative reprenant 800 emplois, porté par la CGT. Deux jours à peine après avoir reçu le dossier, la multinationale estime tout simplement que le projet de Scop « n’est pas une solution de reprise viable des activités agricoles de Goodyear ». Pour mieux relancer l’activité… en Russie.

Kareen Janselme

L’Humanité


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