Un autre cap pour la France est-il possible  ?

samedi 18 octobre 2014.
 

Les représentants de toute la gauche qui ne se reconnaissent pas dans la politique du gouvernement (PCF, PG, Ensemble, écologistes, frondeurs du PS, etc.) ont tenté d’aller plus loin que la dénonciation commune pour explorer la possibilité d’une autre politique.

Avec :

- Pierre Larrouturou, 
animateur de Nouvelle Donne

- Éric Coquerel, 
coordinateur politique du Parti de gauche

- Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble

- Christian Paul, 
député socialiste de Vive la gauche

- Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV

- et Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.

Au cœur du débat, animé par Patrick Apel-Muller et Sébastien Crépel, de l’Humanité  : l’urgence du changement. Yvon Scornet, porte-parole des Petroplus de Petit-Couronne (Seine-Maritime), en lutte pour le maintien d’une activité de raffinage sur le site  ; Éva Giraud, auteure d’un livre-témoignage choc (Et si on se prostituait  ?, éditions Cogito) sur sa condition de jeune diplômée au chômage  ; et Flore Bianchi, étudiante à Langues-O, ont interpellé, en compagnie de l’ex-secrétaire général de la CGT Bernard Thibault et du représentant de la Fondation Abbé-Pierre Christophe Robert les invités politiques. Emploi, logement, formation  : comment construire un nouveau cap  ? Avec qui, et par quel chemin y parvenir  ? Nous publions les réponses des six responsables politiques.

Eric Coquerel, coordinateur politique de Parti de gauche

«  Pourquoi François Hollande continue vaille que vaille la même politique  ? Parce qu’ils ont une idée  : la main libre du marché à un moment donné va résoudre ses propres contradictions, tout va repartir. Or, nous savons tous que la main invisible du marché encaisse mais ne paie pas les fractures qu’elle provoque. Ce gouvernement fait une politique injuste qui développe la pauvreté, et va inévitablement nous emmener dans le mur. Car la politique d’austérité entraîne l’austérité. La politique de l’offre privilégie toujours le capital au travail et n’a qu’une conséquence  : toujours plus de profit. Depuis une trentaine d’années, l’argent donné au capital de manière de plus en plus importante, avec des États qui s’appauvrissent de plus en plus, ne sert à rien puisque les entreprises n’investissent pas. Le risque existe et nous savons comment nous avons fini la dernière fois que l’Europe est entrée en récession, dans les années 1930. Si on va à l’échec, l’alternative qui arrivera d’ici là peut être effectivement Marine Le Pen ou une droite extrémisée. Comment renverser ce gouvernement pour porter nos idées au pouvoir  ? L’alternative majoritaire que nous devons construire doit être indépendante des partis du système libéral, Parti socialiste compris. Le 16 septembre, les frondeurs tiennent une partie des clés en main  : ils peuvent faire en sortent que le gouvernement Valls 2 n’ait pas la confiance. Pour la suite, il faut rassembler tous ceux qui s’opposent à ce gouvernement. Le Front de gauche est un bien dans la période, mais tout seul il n’est pas la majorité. Il faudrait rassembler au-delà des partis une majorité populaire. Et recréer une valeur de gauche, celle sur laquelle s’est créée la gauche en 1789. Nous mettons sur la table la création d’un front du peuple, basé sur la VIe République.  »

Pierre Larrouturou animateur de Nouvelle Donne.

«  La question que nous devons nous poser est  : “Comment reconstruire l’espoir  ?” Manuel Valls essaie de nous faire croire qu’il n’y a pas d’alternative, c’est faux. Il faut un changement radical et pas un ajustement. Notre divergence avec les frondeurs se situe là. Car le débat n’est pas de savoir à quel moment nous devons revenir à un équilibre des finances publiques ou sur quoi doit porter l’austérité. Vu la gravité de la crise, il faut refonder tout le système économique. Le rôle de la gauche est de porter une politique de civilisation afin de mettre le peuple en mouvement. Quand Manuel Valls dit que la gauche peut mourir, je crois qu’il se trompe  : nous sommes des milliers ici à essayer de réfléchir. Il n’y a aucune raison d’accepter une société qui se disloque et où les violences sociales et policières sont de plus en plus fortes. Pour y arriver, il faut deux choses. Premièrement, il ne faut pas avoir peur du débat. Il y a trois façons de traiter des désaccords  : on s’engueule, on évite les sujets qui fâchent, ou on construit à partir de nos divergences. Cette dernière façon est la bonne. Il faut prendre six mois pour discuter au calme. Deuxièmement, nous devons être nombreux à militer. Car nos idées sont plus complexes que celles du FN et de l’UMP, il faudra du monde pour les faire passer.  »

Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble

«  La gauche doit reconstruire un projet de transformation sociale et écologique à vocation majoritaire. Nous sommes à la fin d’un cycle, avec à la fois l’échec des expériences du type soviétique, et l’échec, maintenant sous nos yeux, de la social-démocratie en Europe. Nous devons désormais réinventer un projet et des modalités d’organisation qui soient à niveau des défis et des crises du XXIe siècle. Ce travail, nous devons l’engager en prenant tout d’abord la mesure de ce qu’est devenu le Parti socialiste  : un parti démocrate à l’américaine, moulé dans les normes dominantes et qui a capitulé devant les forces de la finance et le pouvoir du capital. Il faut tirer les conséquences de cette mutation, ne plus rien attendre du PS ni d’un scénario du type union de la gauche. C’est à distance de la direction du Parti socialiste que nous devons rassembler tous ceux déterminés à construire une alternative. Ces forces sont aujourd’hui éclatées, pas simplement sur le champ politique, mais dans la société. Ensemble a proposé d’organiser très vite des assises avec tous ceux qui, à gauche, contestent la politique gouvernementale. Nous ne partons pas de rien, nous avons un outil qui s’appelle le Front de gauche et qui a recueilli 11 % à la dernière présidentielle. C’est un point de repère pour beaucoup de nos concitoyens. Les frondeurs vont-ils ou non voter la confiance au gouvernement  ? Mais il y a aussi la question centrale de la précarité. Le chômage est l’une des préoccupations majeures dans les pays occidentaux. Il faut lutter pour le partage du temps de travail salarié et pour la sécurisation des parcours professionnels. Nous avons besoin d’une nouvelle République pour changer du sol au plafond ces institutions qui marchent sur la tête. Il y a dans ce pays les forces nécessaires pour lutter contre ce ressentiment qui alimente le Front national.  »

Christian Paul, député socialiste de Vive la gauche

«  Aujourd’hui, pour les femmes et les hommes de gauche, il y a une déception profonde. Beaucoup de jeunes ne croient plus en la politique. Il y a une réponse à donner à chacun d’entre eux qu’il s’agisse de logement, d’université, de chômage et d’aspirations à changer la société. Après l’élection d’un président et d’une majorité de gauche, il y avait une autre façon de faire  : mettre en œuvre la politique pour laquelle nous avions été élus, députés socialistes, communistes, écologistes et députés d’autres partis de gauche. La situation actuelle est sans précédent dans le cadre des institutions de la Ve République. C’est la raison pour laquelle, nous avons décidé de ne pas continuer comme avant et ceci sans attendre 2017. Nous portons des exigences de deux natures. Économique, alors que le taux de croissance est à zéro  : nous voulons dès maintenant un plan d’urgence pour notre pays, les entreprises et les salariés. C’est la raison pour laquelle nous, députés de la majorité, nous avons dit que nous ne pouvions pas accorder notre confiance au gouvernement de Manuel Valls. Ce plan d’urgence, c’est aussi un plan pour le pouvoir d’achat et pour un système fiscal plus juste. Le deuxième volet de ce plan d’urgence concerne l’entreprise. Pas de façon superficielle et sans contreparties mais en termes clairs et précis avec des engagements pour l’emploi et l’investissement. Cela vaut aussi pour l’investissement des collectivités locales. Nous avons besoin de renouer le dialogue au sein de la gauche. Sinon, la suite, ce sera la catastrophe économique mais aussi politique avec un face-à-face Sarkozy-Le Pen pour 2017.  »

Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’Europe Ecologie les Verts

«  Il faut admettre que des partis inscrits dans la gauche, avec des chemins communs mais aussi à un moment donné des choix stratégiques différents, peuvent vouloir réagir ensemble. La question est actuelle  : comment dans les six mois qui viennent nous pouvons être porteurs de solutions concrètes. Pourquoi lorsque l’on est en responsabilité, on n’est plus capable de résister aux lobbies, aux pressions économiques, aux communicants  ? Sur la loi Alur, on a réussi à travailler, à fixer l’encadrement des loyers, à mettre de la régulation dans les professions immobilières. Pendant deux ans ont nous a dit  : votre loi est nulle, ça n’aura aucun effet, ça ne servira à rien. Puis le jour où les professionnels se sont aperçus que ça aurait des conséquences réelles, ils ont lancé leur campagne d’opposition à l’encadrement des loyers et surtout à la réglementation des professions immobilières. Alors que cet encadrement redonnait du pouvoir d’achat aux locataires. Un autre chantier essentiel de notre démocratie est de trouver un chemin pour une VIe République, avec des institutions permettant d’envisager le long terme. Il faut parler davantage d’écologie, décider de politiques d’investissements dans des filières créatrices d’emplois. Quant aux aides aux entreprises, déjà sous le gouvernement Ayrault nous avons exigé de les conditionner à l’emploi et à des conditions de travail dignes, sans qu’elles contribuent aux dividendes.  »

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

«  Il faut avant tout lever le tabou sur la possibilité d’une autre politique. Je sais que transformer la société va prendre du temps mais le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a même plus cette ambition. On a renoncé. Et on veut nous expliquer tous les matins qu’appliquer la politique du Medef est la seule solution. Mais personne n’en a envie. Voilà tout simplement pourquoi Hollande est à 12 % de popularité. Il faut identifier les obstacles, les logiques à éviter. Par exemple, le fait pour un État de passer par les marchés financiers pour emprunter n’a pas toujours existé. Ce procédé le rend dépendant d’une logique économique aberrante à savoir que, plus il sera pauvre, plus son taux d’emprunt sera élevé. Nous, ce que nous demandons, c’est que la Banque centrale européenne (BCE) prête directement aux États. Ce qui nous est posé comme question aujourd’hui, c’est de stopper Valls. Je saluerai aussi tous ceux qui comme nous ne voteront pas la confiance parce que, ce qui m’intéresse, c’est la dynamique qu’on est en train de créer et qu’il faut encourager. Nous avons une exigence  : créer les conditions pour faire émerger d’autres choix politiques. Nous ne pouvons pas défaire sans construire. Autre problème à combattre selon moi  : l’importance accordée aux présidentielles. Pour les Français, elles seules semblent compter. Si tous les électeurs s’étaient autant déplacés aux élections législatives, ce n’est pas 15 sièges que nous aurions, mais 50. Si nous faisions l’inversion du calendrier électoral et l’instauration de la proportionnelle aux législatives, ce serait un vrai changement. La société ne serait plus à la recherche du sauveur, mais d’une majorité politique qui nous obligerait les uns et les autres à construire un débat. J’ai la conviction que, dans la politique d’aujourd’hui, les forces qui peuvent se mettre en mouvement sont très nombreuses mais elles restent trop divisées. Le peuple perd confiance et pourtant c’est un peuple politisé, intelligent, qui a des idées. Il n’a pas envie de se donner à Marine Le Pen comme le disent certains. Ce n’est pas vrai. C’est à nous de lui montrer un chemin d’espoir et de construction.  »

RAPHAËLLE BESANÇON, KEVIN BOUCAUD, MARION D’ALLARD, CLOTILDE MATHIEU, GÉRALD ROSSI JEROME SKALSKI


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