« On assiste à une renaissance des coopératives dans le monde »

dimanche 19 octobre 2014.
 

Les entreprises participatives offrent un remède à la crise financière et économique 
car elles font « de l’humain l’élément central ». Pauline Green, présidente de l’Alliance internationale des coopératives, y croit dur comme fer. Entretien.

Un secteur économique en bonne santé  ? La nouvelle est si peu courante que les représentants du mouvement coopératif, en sommet à Québec depuis ce lundi, le clament haut et fort. Les chiffres clés 2013 du secteur, que nous dévoilons ci-contre, le prouvent, tout comme l’intérêt récent de l’ONU et du G20 pour les remèdes à la crise fournis par cet entrepreneuriat fondé sur la démocratie et l’humain. Pauline Green, présidente de l’Alliance internationale des coopératives (ICA), parle d’un tournant dans l’histoire de ce mouvement.

Que représente le mouvement coopératif dans le monde  ?

Pauline Green Le Moniteur coopératif global 2014 estime à près de deux millions le nombre de sociétés coopératives à travers le monde. Cette étude montre surtout que le modèle coopératif est la colonne vertébrale de l’économie réelle  : il est présent partout, au niveau local, avec une multitude de petites structures, comme mondialement. Les trois cents coopératives les plus importantes en termes de chiffre d’affaires pèsent deux mille milliards d’euros. Par ailleurs, au moins cent millions de personnes sont employées par les coopératives. Mais il ne s’agit pas seulement de richesses créées. La véritable valeur des coopératives tient à leur façon différente de participer à l’économie. L’humain est l’élément central, au cœur de la prise de décision. Nous sommes à l’opposé de la course aux profits des sociétés capitalistes classiques.

La définition de coopérative est-elle la même que l’on soit en France, aux États-Unis ou en Asie  ?

Pauline Green La vision du système coopératif dépend du cycle économique dans lequel on se trouve. Dans les économies développées, les coopératives sont professionnalisées autour d’activités bien définies, structurées avec une participation forte de leurs sociétaires. Dans les pays émergents, on parle d’un mouvement de masse très fort. Une assemblée générale au Mexique mobilisera trois mille personnes. Ce sont aussi les besoins locaux qui impliquent des différences entre les pays. En France, les coopératives agricoles et bancaires sont fortes. En Espagne, ce sont les coopératives ouvrières. Les coopératives scandinaves sont orientées vers l’emploi à domicile.

Comment les coopératives ont-elles fait face à la crise financière puis économique  ?

Pauline Green Certains secteurs, comme le commerce, souffrent toujours de la récession et de la baisse de pouvoir d’achat. Mais nous sommes parvenus à conserver les emplois, quitte à sacrifier une part des salaires des salariés, comme chez Mondragon en Espagne. La crise économique nous touche toujours. Mais nous proposons un moyen d’en sortir. En ce sens, nous assistons à une renaissance des coopératives à travers le monde. Par exemple, notre secteur de l’assurance et des mutuelles est passé de 23 % à 28 % de parts de marché dans le monde entre 2008 et 2013. Nous avons embauché 120 000 personnes supplémentaires, à un moment où les autres licenciaient. Y compris en Espagne où 10 000 emplois ont été créés lors des trois premiers mois de 2014.

Comment être sûr que le modèle coopératif est le plus vertueux, alors que des banques coopératives françaises ont suivi les mêmes dérives que les banques capitalistes  ?

Pauline Green Au Royaume-Uni aussi, des banques coopératives se sont extrêmement mal comportées avec les fonds de leurs sociétaires. Malgré cela, elles n’ont eu recours à aucun fonds public de sauvetage. Expliquez-moi dès lors pourquoi le modèle coopératif, fondé sur ses propres ressources et qui n’a rien coûté au contribuable, serait moins digne de confiance que le modèle capitaliste qui, quand il échoue, doit sa survie aux fonds publics  ? Certaines coopératives bancaires ont oublié le principe de responsabilité qui les a fondées. Mais, globalement, ce sens des responsabilités a permis à la plupart de nos banques de se remettre plus vite de la crise financière que les autres, qui ne sont d’ailleurs toujours pas guéries. Les principes du modèle coopératif sont plus efficaces.

Ce modèle fait-il des émules  ?

Pauline Green La plupart des décideurs politiques prennent leurs références économiques auprès des marchés financiers. Les coopératives ne sont certes pas en Bourse. Mais elles ont une très forte compétence à faire valoir. Le rôle de l’ICA est d’être le porte-parole de ces milliers de personnes du mouvement coopératif totalement absentes des débats de l’économie mondialisée. 2012, Année internationale du mouvement coopératif, nous a permis de structurer notre présence auprès de l’ONU. Cette année, nous avions un représentant auprès du G20, afin d’influer sur les solutions économiques. Notre but est qu’à l’horizon de 2020, le système coopératif soit reconnu comme le modèle le plus durable économiquement, socialement et écologiquement. De nombreux prix Nobel d’économie demandent une meilleure implication citoyenne dans l’économie. C’est ce que nous faisons depuis toujours  !

Un secteur en plein boum

Selon le Moniteur international des coopératives 2014, dont nous dévoilons ici les principaux chiffres, le mouvement coopératif et mutualiste est présent dans 65 pays (+ 16 pays par rapport à l’édition 2013) et se développe significativement en Asie et en Afrique. L’agriculture et l’alimentation représentent, avec l’assurance, le premier secteur d’activité (27 %), suivies par le commerce de gros ou de détail (21 %), l’industrie (8 %), la banquefinance (5 %) et la santé (3 %). L’ensemble pèse deux mille milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Stéphane Guérard, L’Humanité


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