Parti Socialiste : la dislocation semble en vue

samedi 1er novembre 2014.
 

En tous cas il est entré en zone de grande turbulence. Sa dislocation semble en vue. On peut même se demander si la lutte pour la possession des murs, biens et sigle n’est pas commencée.

Sans revenir à la longue analyse de mon livre « Enquête de gauche », paru en 2007, ou au papier écrit pour « Regard » il y a peu, je dois cependant pointer une nouvelle fois combien le fait que tous les partis sociaux-démocrates aient suivi la même pente vers un libéralisme économique bien assumé n’a pas été une aventure opportuniste mais une mutation de fond, contrainte par les évènements. Quelque chose d’aussi fracassant que l’avait été la chute du mur de Berlin pour l’ancien communisme d’État.

Ce qui doit être compris alors, c’est qu’il y a un lien constant entre le programme, la stratégie et la forme du parti. Cette intime liaison des faces de la réalité d’un courant politique de gauche est spécialement forte en France. Nous sommes le pays d’un socialisme démocratique unique en Europe par son Histoire et son système d’alliances électorales « rouge-rose-vert » jusqu’à la grande liquidation commencée par François Hollande dès la fin du gouvernement Jospin. On ne fait pas la même chose avec les uns ou avec les autres. On ne le fait pas avec le même type d’organisation. Faire le programme de Valls-Macron est incompatible avec une alliance de gauche, incompatible avec un parti où dominent les références et les habitudes même les plus bureaucratiques avec le monde des mutuelles, des syndicats et ainsi de suite. Le propos actuel d’un Manuel Valls est celui d’un liquidateur cohérent en tous points, qui cherche à mettre en harmonie les trois entrées de son action politique : programme, alliance, parti. Le changement du programme politique, au sens large du terme, est fait depuis que Hollande a adopté publiquement sans une protestation du PS, et sans coup férir, la politique de l’offre. Depuis ce moment la voie était libre pour la suite. Le complot qui a permis la prise de pouvoir de Valls n’était pas possible, d’une certaine façon, si cette partie du travail n’avait pas été faite. La suite de cette pente c’est le changement d’alliance et la liquidation du vieux parti.

Ce qui serait un changement d’alliance en France est quasiment la norme en Europe. On l’a dit pendant la campagne européenne. Une majorité de gouvernement en Europe est cogérée par la droite et le PS. La grande coalition est le destin promis de tous les partis sociaux-démocrates dans le contexte de la politique austéritaire dont la Commission Européenne est l’instrument. Pas étonnant que tous les sociaux-démocrates aient voté pour la Commission Junker. Et comme il est significatif que cette fois-ci seuls les élus de la gauche du PS français aient voté contre tandis que tous les autres votaient pour… Dans l’interview de Manuel Valls au Nouvel Observateur, son regret n’est pas d’avoir refusé de tendre la main au Front de Gauche, mais à Bayrou. Tel quel. C’est cette alliance qui est visée aujourd’hui. Mais sous une forme plus large que dans le passé. Valls sait que le retour de Sarkozy et la pression du lepénisme peuvent faire éclater le bloc actuel de l’UMP sous férule Sarkozyste. Il avance ses pions pour la grande coalition. Je crois que Hollande vise la même chose. La dissolution aiderait considérablement à cette manœuvre, surtout assortie à une dose de proportionnelle. De cela il est question de tous côtés dans Paris. C’est pourquoi j’en reste là pour aujourd’hui.

Car j’ajoute que je n’ai plus de goût à fouiller cette tambouille dont les déroulements me sont si bien connus pour avoir observé et analysé leur mise en place dans toute l’Europe et en Amérique latine dans la décennie qui vient de s’écouler. De cette effroyable catastrophe qu’est la liquidation de la gauche par ses gestionnaires, je vois la responsabilité des maîtres d’œuvre qui sont au pouvoir. « La maison commune des progressistes » à la sauce Valls, c’est le parti de Renzi en Italie. Je vois l’enchaînement des lâchetés et petits calculs personnels qui l’ont rendue possible depuis la gauche du parti. Mais j’accepte aussi notre part de responsabilité. Plus nombreux, plus clairement visibles, mieux élus, nous serions le point d’amarrage de tous les réfugiés politiques du moment. L’horizon est au contraire saturé par le pullulement des groupuscules socialistes, leur compétition d’égo, leur surenchère verbale et leurs capitulations concrètes. Le cordon sanitaire qu’ils ont tracé autour de moi, à l’exception notoire des socialistes affligés de Liêm Hoang Ngoc, est un marqueur commun qui en dit long. Tous seront bientôt entraînés dans le néant que leur promet leur pusillanimité. Valls n’en fera qu’une bouchée.

Pour autant, je crois qu’il faut maintenir la pression sur eux et notamment leur proposer sans cesse et sans sectarisme de se joindre à nous dans l’action comme celle de la manifestation du 15 novembre. Nous devons compter sur nous-mêmes et sur l’initiative populaire. Les agitations internes du PS sont sans écho dans la société, sinon de fâcher tout le monde à la fois. Ils ne fournissent aucun point d’appui à qui que ce soit. Cependant, je ne méprise pas leur contribution à la recomposition politique dans l’espace qu’ils laissent béant. Je le dis en raison de l’intervention de Martine Aubry.


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