Charlie Hebdo : "c’est plus qu’un journal"

samedi 17 janvier 2015.
 

Charlie Hebdo est un journal. Mais c’est plus qu’un journal, ça a toujours été plus qu’un journal. C’est un genre de phare, de symbole. C’est pour cette raison que tant de lecteurs l’ont tant aimé. Et c’est pour cette raison aussi, hélas, que des fanatiques viennent de diriger leur haine mortelle contre lui.

L’histoire de Charlie Hebdo ? "Elle peut se résumer comme ça : "Nous nous sommes tant aimés !"" Voilà ce qu’écrivait en 2004 François Cavanna, le fondateur du titre, en préface d’un ouvrage intitulé Les années Charlie. Trente-cinq plus tôt, avec une poignée d’autres allumés, cet écrivain français d’origine italienne avait fait jaillir de terre un hebdomadaire semblable à nul autre, qui allait chambouler pour longtemps, pour toujours, le monde de la presse francophone.

"Nous ne nous en rendions pas compte, sur le moment, confessait Cavanna en 2004. Nous vivions bien à plein notre aventure, plongés corps et tripes dans ce défi, dans ce pari d’ivrognes : faire un journal, un vrai, pas un fanzine de collégiens, sans un rond, et le sortir à l’heure précise, nous qui étions une demi-douzaine d’arsouilles sans la moindre formation de journalistes mais tous mordus au ventre par l’ambition de faire quelque chose de très beau, de très intelligent, de très dur, pour leur faire voir, à tous ces cons. (...) Et voilà : nous l’avons fait. Nous leur avons fait voir. A tous ces cons."

L’aventure Charlie Hebdo, donc, débute en 1969. Année érotique. Année volcanique. On sort de Mai 68 et l’air du temps est à la fronde. Mais pour comprendre, il faut remonter à 1960, quand une bande de jeunes dessinateurs lancent un journal pour y publier leurs bandes dessinées. Ce sera Hara-Kiri. L’affaire est placée sous la tutelle de François Cavanna, ancien trieur de lettres au PTT, et de Georges Bernier, connu sous le pseudonyme de "Professeur Choron". Reiser, Fred, Gébé, Topor, Cabu et Wolinski, entre autres, constituent le reste de l’équipe. Hara-Kiri n’est qu’un mensuel de bandes dessinées humoristiques, auxquelles viennent s’ajouter quelques textes sans grande prétention, mais son approche du genre est nouvelle. Anticonformiste sans être politique, il est à la fois influencé par les comics américains - singulièrement la revue Mad - et par la tradition française du dessin contestataire, de Caran d’Ache aux pamphlets anarchistes, en passant par La Bande des Pieds Nickelés. S’y ajoute une remise en cause au vitriol de tous les tabous. "Rien n’est sacré, professe Cavanna. Rien ! Pas même ta propre mère, pas même les martyrs juifs, pas même ceux qui crèvent de faim... Rire de tout, de tout, férocement, amèrement, pour exorciser les vieux monstres. C’est leur faire trop d’honneur que de ne les aborder qu’avec la mine compassée. C’est justement du pire qu’il faut rire le plus fort, c’est là où ça fait justement le plus mal que tu dois gratter au sang." Le slogan du journal en résume parfaitement l’esprit : "Si vous avez deux francs à foutre en l’air, achetez Hara-Kiri, journal bête et méchant, sinon, volez-le !"

François Brabant


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