Yann Le Merrer fonctionnaire révoqué par La Poste pour motif syndical

mercredi 11 février 2015.
 

A) Révocation d’un fonctionnaire pour faits syndicaux à La Poste : ils ont osé ! (Communiqué de la fédération SUD-PTT)

Yann Le Merrer, secrétaire départemental adjoint de SUD PTT des Hauts-de-Seine vient de recevoir sa notification de révocation pour des faits liés à l’activité syndicale et au conflit qui a agité les Hauts-de-Seine au premier semestre 2014. Du jamais vu depuis 1951, date à laquelle deux responsables de la CGT avaient subi une sanction similaire, la plus lourde qui soit pour un fonctionnaire. Pourtant le dossier disciplinaire de Yann ne fait état que de faits liés à son activié syndicale : participation active à un conflit du travail, information aux collègues non grévistes, interpellation des directions...

La palme d’or de l’hypocrisie revient à.... nos patrons !

Des centaines de syndicalistes subissent menaces et sanctions dans leurs activités quotidiennes pour avoir simplement relayé les revendications des personnels ou d’être à leurs côtés dans les luttes. La simple liberté d’information est interdite dans certaines directions, les représentant-es syndicaux-ales n’ayant pas le droit de rentrer dans les bureaux pour distribuer ne serait-ce qu’un tract. Pourtant les dirigeants de la Poste ont demandé à tous les postier-ères de respecter une minute de silence pour la défense de la liberté d’expression, habillant en parallèle le site de La Poste du symbole « Je suis Charlie ». Quelle ironie quand on sait que cette même liberté n’a pas droit de cité dans l’entreprise !

La responsabilité de l’Etat

Même hypocrisie du côté du gouvernement qui n’a jamais daigné nous recevoir sur les libertés syndicales à La Poste depuis 2 ans malgré les courriers d’alerte que nous avons envoyés aux ministres de tutelle successifs. Même silence des représentant-es de l’Etat au Conseil d’Administration, instance dans laquelle nos représentant-es font souvent état de la répression anti-syndicale qui s’abat sur les militant-es. Ce gouvernement a une drôle de conception de la liberté d’expression quand il s’agit de l’entreprise tant vantée par le premier ministre.

SUD ne laissera pas faire

Depuis des années La Poste sanctionne sans vergogne les représentant-es syndicaux qui luttent aux côtés des personnels. Elle interdit l’exercice de leur mandat syndical, leur expression, la discussion avec les personnels, la diffusion de leurs revendications. Elle vient de franchir un nouveau palier en révoquant un fonctionnaire.

Evidemment nous allons riposter et toutes les voies de recours seront utilisées pour casser cette décision inique. D’ores et déjà nous travaillons sur un référé suspension. Nous ne nous laisserons pas bâillonner. Nous continuerons d’être au côté des personnels. On ne nous fera pas taire !

B) Révoqué de La Poste pour son engagement syndical (L’Huma)

Yann Le Merrer, militant SUD PTT dans les Hauts-de-Seine et fonctionnaire, a été destitué. Une exclusion définitive pour faits syndicaux. 
Du jamais-vu depuis 1951, signant un durcissement de la répression antisyndicale dans une entreprise en pleine mutation.

Le 13 janvier 2015, Yann Le Merrer, quarante-trois ans, fonctionnaire et secrétaire départemental adjoint SUD PTT des Hauts-de-Seine, s’est vu notifier chez lui par huissier sa révocation par La Poste pour faits de grève. Du jamais-vu depuis 1951. À cette époque, Georges Frischmann, secrétaire général de la fédération CGT des PTT, et un autre syndicaliste CGT, René Duhamel, avaient été révoqués pour avoir signé une déclaration en faveur de la paix pendant un voyage en RDA  ! Si La Poste est coutumière des méthodes expéditives et brutales envers les représentants du personnel, un cap vient d’être franchi en matière de discrimination antisyndicale. Car les faits reprochés à Yann Le Merrer relèvent simplement de l’exercice de son mandat  : intrusions répétées pendant les heures de service dans plusieurs établissements postaux, prises de parole non autorisées, refus de quitter les locaux en dépit des injonctions.

« Choqué  » par cette décision, le syndicaliste, coutumier des représailles de La Poste, ne pensait pas que la direction franchirait cette ligne rouge. «  Depuis 2010, je n’ai travaillé que 14 mois, j’étais mis à pied pour mon activité syndicale ou exclu. Mais là, la révoc’, c’est le pire pour un fonctionnaire. Je ne peux même plus trouver un poste dans la fonction publique. Cela a une charge symbolique très forte.  » Depuis la fin de la grève de 173 jours des postiers des Hauts-de-Seine, cet été, la plus longue de l’histoire de La Poste, les sanctions tombent. Quatre syndicalistes ont été licenciés. D’autres attendent encore leur passage en conseil de discipline. Au terme d’un conflit très tendu, les grévistes avaient arraché le report des restructurations et l’embauche des personnes en contrat professionnel. Pour Régis Blanchot, administrateur de SUD PTT, «  avec cette révocation, un tabou est tombé. Il devient presque impossible de mener une action syndicale à La Poste. Il faut prévenir 48 heures à l’avance pour ­distribuer un tract, sinon on vous interdit d’y entrer  ! L’ensemble des organisations se plaignent de la répression  ». Yann Le Merrer soupire  : «  C’est dans notre pratique d’aller voir les agents de centre en centre, d’intervenir en cas d’urgence. Comme La Poste nous interdit tout, nous sommes en faute en permanence. L’entreprise ne veut plus des militants de terrain, elle veut les éliminer.  »

Deux des grévistes ont fini 
en hôpital psychiatrique

Depuis 2005 et l’affaire des quatorze syndicalistes CGT et SUD de Bordeaux-Bègles qui dénonçaient une réorganisation, l’entreprise n’hésite plus à criminaliser les représentants des salariés et à sortir ­l’artillerie lourde pour les bâillonner. La Poste avait alors fait intervenir le GIPN pour interrompre une pseudo-séquestration et avait ensuite traîné les militants devant le tribunal correctionnel. Ces mobilisations gênent le groupe dans sa course aux restructurations. En dix ans, celui-ci a perdu 80 000 emplois et fermé en masse des centres de tri, de distribution, des bureaux perdant en présence territoriale, pour améliorer sa rentabilité. Au prix d’un bilan social désastreux entraînant des dizaines de suicides dans le groupe. En réaction, partout en France, les grèves de longue durée se sont multipliées. Aux avant-postes pour maintenir un service public de qualité, les syndicalistes subissent quasi systématiquement le retour de bâton. Plus particulièrement ceux de la CGT et de SUD. À Aubigny-sur-Nère, après un mouvement de 130 jours cet été à l’appel des deux syndicats contre des délocalisations d’emplois, le secrétaire du syndicat SUD PTT du Cher était passé en conseil de discipline pour des propos outrageants et le blocage d’un centre de distribution. Deux des militants grévistes ont même fini en hôpital psychiatrique.

«  Le PDG de La Poste n’a cessé 
de tailler dans la masse salariale  »

Cette répression violente s’est accentuée, depuis la première étape de la privatisation du groupe, avec le changement de statut en société anonyme à capitaux publics, le 1er mars 2010. Un revirement stratégique, mais aussi un changement de priorité confirmé à l’horizon 2020 avec la mise en avant de la Banque postale comme locomotive du groupe, au détriment de ses activités historiques. Pendant dix ans, La Poste a aussi surfé sur le flou juridique qui entourait ses représentants du personnel. Seuls les élus du CHSCT et les conseillers du salarié étaient mis à l’abri par leurs mandats. Un décret paru en novembre 2014 étend un peu cette protection. Pour Bernard Dupin, administrateur de la CGT, «  Philippe Wahl, PDG de La Poste, n’a cessé de tailler dans la masse salariale et de sanctionner pour un oui ou pour un non. Cette sanction fait remonter à une période sombre de notre histoire, on ne peut pas accepter cette situation  ». Parfois, La Poste tombe sur un os et se fait condamner pour licenciement abusif. C’est le cas de Mohamed Yaqoubi, facteur et militant CGT à Saint-Jean-de-Védas (Hérault), qui avait dénoncé le non-paiement des heures supplémentaires des facteurs. Débarqué par l’entreprise, il vient d’obtenir la reconnaissance de son licenciement «  sans cause réelle et sérieuse  » par les prud’hommes de Montpellier. La Poste devra lui verser 40 000 euros de dommages et intérêts.

«  Obtenir un rendez-vous pour parler de la liberté ­syndicale  »

Pour Yann Le Merrer, le combat ne fait que commencer. Un recours va être déposé en référé auprès du tribunal administratif pour contester la révocation. SUD PTT et l’union syndicale Solidaires se sont fendus d’un courrier à Marylise Lebranchu, ­ministre de la Fonction publique, pour demander la levée de la sanction. Pour Nicolas Galépides, secrétaire général de SUD PTT, il est temps que le gouvernement se réveille. «  Ça fait deux ans que nous demandons un rendez-vous à l’actionnaire majoritaire pour parler de la liberté ­syndicale. L’entreprise impose ses propres règles, à tel point que les syndicalistes de La Poste ont moins de droits que les autres militants en France.  » Un rassemblement de soutien est prévu aujourd’hui, à 14 heures, devant la direction opérationnelle territoriale du courrier (DOTC) à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Cécile Rousseau

C) Yann Le Merrer, postier dans le 92, la première révocation de la fonction publique pour motif syndical depuis 1951 ! (NPA)

Yann Le Merrer (SUD Poste 92) est le premier fonctionnaire révoqué depuis plus de 60 ans pour des motifs militants. La mobilisation se construit pour empêcher sa révocation.

La Poste a attendu son heure pour prononcer cette décision. La grève des postierEs du 92 s’était terminée le 21 juillet dernier, Yann est passé en commission disciplinaire le 30 octobre… et la décision de le révoquer a été prise le 9 janvier.

Droit de s’exprimer et de s’organiser  ?

Deux jours après les attentats de Charlie hebdo, La Poste a donc su saisir l’occasion du renforcement du climat répressif. Mais elle a aussi fait le choix d’ajuster sa stratégie, elle qui n’avait pour l’instant pas réussi à licencier pour de bon ou à révoquer un quelconque militant de l’équipe SUD 92.

En effet, lors des gardes à vue de mai 2014, la Poste et l’État avait essayé de dépeindre les grévistes poursuivis (Gaël, Dalila, Brahim et Mohamed) comme des brutes épaisses s’attaquant violemment à de pauvres vigiles sans défense. Cette fois-ci La Poste a ajusté sa stratégie, les motifs de la révocation sont les suivants  : «  Intrusions répétées (…) dans plusieurs établissements postaux (…), Prises de parole non-autorisées dans plusieurs établissements de La Poste, (…) Absence d’information préalable des directeurs d’établissement à l’occasion de ses venues.  » Bref, si Yann est radié de la fonction publique, c’est pour avoir pris la parole auprès de postierEs de différents centres lors d’une grève. C’est donc le droit des postierEs et des salariéEs à s’exprimer et à s’organiser qui est directement en cause.

La stratégie de lutte est visée

Les syndicalistes SUD du 92 font partie des dernières équipes syndicales à maintenir l’usage des prises de parole  : le plus souvent à la prise de service, un ou des militantEs appellent les postiers à se regrouper et prennent la parole. Cela permet non seulement de faire passer un certain nombre d’informations et de messages, mais aussi de créer instantanément un rapport de forces  : dès qu’on se regroupe, on se rend compte plus ou moins consciemment qu’on est une force. La prise de parole peut déboucher sur une discussion entre collègues ou sur un débrayage… voilà pourquoi les patrons ne les aiment pas  ! Il y a encore 20 ans, ces prises de parole étaient monnaie courante dans les services, elles faisaient partie de l’arsenal de tout syndicaliste qui se respecte. Mais peu à peu, la direction de La Poste est parvenue à interdire dans les faits cet instrument élémentaire de regroupement des salariés.

Les grévistes et les militants du 92 sont parvenus à maintenir cet usage et ont cherché depuis un peu plus de 10 ans à systématiser cette logique de regroupement à l’occasion de différents mouvements de grève  : pour surmonter la dispersion des postierEs en de multiples établissements de relativement petite taille, la division entre de multiples statuts et métiers, les assemblées générales et la recherche permanente de l’extension de la grève faisaient de la prise de parole du groupe de grévistes auprès de postierEs d’autres centres un élément clé pour les informer et les appeler à la grève. Lors de la grève de 2014 (173 jours de grève), ce sont des précaires, des CDI, des fonctionnaires, de plusieurs bureaux, de plusieurs métiers, de plusieurs départements qui se sont mobilisés côté à côte. Des actions communes avec les intermittentEs et précaires et avec les cheminotEs avaient été une des clés dans la victoire des grévistes. La stratégie qui cherche à abattre les cloisons entre les travailleurEs  : voilà ce que vise La Poste en révoquant Yann et en s’acharnant contre les postierEs du 92.

Se mobiliser contre la répression

Suite à la grève de 2014, la vague répressive n’est pas terminée. Olivier Rosay a écopé de deux ans de mise à pied, Diego Ceccon risque lui aussi une lourde mise à pied ou une mutation d’office, et Gaël Quirante, Stéphanie Le Guen et Mohamed Ziani, tous représentantEs SUD, sont toujours en procédure de licenciement. Pour stopper la répression, regrouper les équipes militantes visées, à l’échelle de La Poste mais également de l’ensemble des secteurs, est la clé  : à travers Yann, c’est le droit d’expression de notre camp social, le droit de grève qui est attaqué. Il faut donc tenter de mobiliser à une large échelle.

Hosea Hudson


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