Des élections départementales difficiles mais très importantes

samedi 7 mars 2015.
 

Alors que le scrutin des 22 et 29 mars s’annonce difficile pour la gauche, entre abstention et montée de la droite et de l’extrême droite, des alliances nouvelles au sein de la gauche alternative se traduisent par des candidatures communes. À la fois concrétisation et mise à l’épreuve pour un rassemblement déjà engagé.

A) Des élections départementales antidémocratiques (François Delapierre, PG)

Il y a comme qui dirait un paradoxe. On va voter aux élections départementales les 22 et 29 mars prochains alors que les compétences du « conseiller départemental » sont encore en débat à l’Assemblée nationale. Des débats vifs tant il est vrai qu’un socialiste est avant tout un conseiller, général ou régional, et qui ont conduit à la réécriture de tout le projet gouvernemental. Des débats que le pouvoir espère plus simples au lendemain des élections. Bel exemple de démocratie !

Il faut dire que, en Union européenne, le concept de souveraineté populaire paraît suranné. Les Etats sont pris dans des engagements qui dépassent la temporalité du suffrage universel. C’est le débat qui a couvé à propos de la Grèce ou encore qui aurait dû se mener à propos de la France, une fois qu’elle a rejeté dans les urnes les politiques d’austérité menées par Sarkozy et Fillon. Le récent appui de la Commission européenne à la loi Macron a tout d’une dictature molle. Cette loi est en effet jugée insuffisante par la Commission. C’est donc qu’elle a des critères politiques pour en juger là où elle ne se prétend que technicienne.

Il y a une alternative. Elle est inséparable du rétablissement de la souveraineté populaire : il s’agit que les peuples prennent en main leur destin. Les Grecs ont commencé à le faire. Les Espagnols sont sur cette voie. Et la nervosité de Mariano Rajoy n’y est pas pour rien. En Grèce, la gauche radicale est devenue gouvernementale. La France pourrait suivre cet exemple. Cela commence dans les départementales de mars prochain

B) Élections départementales : la gauche alternative élargit son rassemblement (L’Humanité)

Les élections départementales des 22 et 29 mars s’annoncent tendues pour la gauche. Des estimations prédisent jusqu’à 40 départements qui pourraient basculer à droite, sur les 56 que la gauche dirige aujourd’hui (50 pré- sidés par le PS, 2 par le PCF et 4 par le PRG). « C’est une campagne qui va être diffi cile, reconnaît Robert Injey, membre de la direction du Parti communiste. Tout va être fait pour en minimiser la portée. Tout est fait pour écrire à l’avance le scénario d’une “poussée” du Front national. » Mais au PCF, qui au sein de son Association nationale des élus communistes et républicains (Anecr) compte 220 conseillers généraux sortants, comme dans l’ensemble du Front de gauche, on entend se saisir de ces élections pour faire vivre aussi bien localement que nationalement une alternative à la politique libérale que conduit le gouvernement socialiste.

Avec la première étape de la campagne, le dépôt des candidatures, un constat émerge : le spectre du rassemblement pour une alternative à gauche s’est élargi. Au-delà des forces qui composent le Front de gauche, les 1 517 binômes qu’il présente ou soutient (soit une présence sur 76 % du territoire) comptent des candidats communs avec Europe Écologie-les Verts (EELV) pour 12,5 % d’entre eux, mais aussi avec Nouvelle Donne, le Mouvement républicain et citoyen, des socialistes frondeurs ou encore des citoyens issus du mouvement social. « On va faire en sorte que cette élection soit un peu moins difficile pour nous que pour les partis du gouvernement, auxquels on refuse d’être assimilés puisqu’ils font une politique de droite », espère Éric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche (PG). Avec une abstention qui pourrait s’élever à 55 % dans les rangs de la gauche (contre 45 % à droite), selon le dernier sondage Ifop paru dans le Journal du dimanche, le défi est d’ampleur. « Si on veut retrouver les électeurs de gauche en proie à la colère, à la déception et au dé- sarroi, il faut que la gauche retrouve ses valeurs », estime Pascal Savoldelli, en charge des élections au PCF, alors que nombre de ces électeurs déçus par la politique gouvernementale se sont réfugiés dans l’abstention lors des derniers scrutins. Et de décliner les trois raisons qui fondent, selon lui, ce choix largement majoritaire dans la gauche alternative de candidatures de rassemblement pour « une vraie politique de gauche » : « Éviter la surenchère libérale en empêchant la droite et l’extrême droite de faire main basse sur des dizaines de départements », « pré- senter des élus de proximité qui défendent le département et ses services publics pour amplifier les politiques de solidarité et d’égalité », « s’unir contre l’austérité qui frappe les collectivités, les services publics, mais aussi les associations ». Le champ de la contestation à gauche s’est élargi à de nouvelles forces

« Pour le Front de gauche, il s’agit de résister le plus possible aux méfaits des politiques de droite comme dites de gauche, et de préparer le terrain pour la reconstruction à gauche d’une force de transformation sociale et écologique », estime Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble, qui rappelle que « ces élections vont peser dans la vie concrète des citoyens car les départements sont en charge des dépenses sociales ». Une occasion de poursuivre le travail de rassemblement des forces anti-austérité engagé aussi bien au sein du collectif 3A (Alternative à l’austérité), qui a été à l’initiative de différentes manifestations, dans les Chantiers de l’espoir, dont la vocation est d’élaborer des propositions communes, ou encore dans la solidarité avec le peuple grec. « Le Front de gauche ne pourra pas être l’alternative à lui seul, donc il fallait, à ces élections, commencer à élargir le camp de tous ceux qui contestent le libéralisme, la politique du gouvernement, le productivisme », explique Éric Coquerel. Cependant, le coordinateur du PG envisage cette « réussite » comme, au mieux, un « redémarrage », car il restera, selon lui, « très compliqué d’inverser le signal global de cette élection, qui sera caractérisée par un fort vote pour le FN et une forte abstention ». D’autant que, selon Clémentine Autain, « l’entrée en campagne des militants est difficile ». Outre la démobilisation des électeurs de gauche, ils auront à faire face au nouveau mode de scrutin binominal et paritaire, au redécoupage des cantons et aux incertitudes quant aux compétences des futurs conseils départementaux (qui remplacent les conseils généraux), encore en discussion au Parlement. Mais, en contrepoint, depuis les élections de 2014, le champ de la contestation à gauche s’est élargi à de nouvelles forces, notamment Europe Écologie-les Verts.

Et c’est avec EELV que les candidatures communes aux élections de mars sont les plus nombreuses. Elles représentent 12,5 % des 1 517 binômes qui ont l’investiture du Front de gauche et se répartissent dans 57 départements. Les écologistes, eux, seront présents dans un peu moins de 1 000 cantons, selon David Cormand, en charge des élections à EELV. « Dans 45 % des cas avec au moins une composante du Front de gauche, dans 36 % en autonomie, dans 16 % en alliance avec le PS et, dans le reste des cas, à la fois avec le PS et le PC », détaille-t-il. De quoi sans doute susciter l’agacement d’une partie des écologistes. À l’instar du chef de file des sénateurs, Jean-Vincent Placé, qui, favorable à un retour au gouvernement, dénonçait à la mi-février « un déplacement vers l’extrême gauche des Verts ». « Le choix a été fait au niveau local par les militants. Cela permet de relativiser l’argument selon lequel EELV serait très divisé entre les partisans du Parti socialiste et les autres », rétorque David Cormand, soulignant « une volonté assez homogène de construire un projet de façon autonome du PS ». Le PS isolé, sauf en cas d’extrêmes nécessités

Le Parti socialiste se trouve ainsi plutôt isolé. Les nombreux appels à l’unité de son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, n’ont pas convaincu. « Quand le PS parle d’union, il parle de ralliement à sa politique », estime Pascal Savoldelli. « Toutes les partielles ont montré que si l’union de la gauche est efficace (contre la droite et l’extrême droite – NDLR), c’est au deuxième tour », ajoute-t-il. Pas plus de succès lorsque c’est le patron du PS qui appelle à l’unité avec cet argument : « Ce n’est pas la politique gouvernementale qui est en jeu, c’est la politique départementale », a-t-il tenté sur BFMTV, il y a encore quinze jours. En l’occurrence, « il y a aussi des positions locales qui divergent, notamment sur la réduction des dépenses publiques », rappelle Pascal Savoldelli. Du côté du PG, on s’en félicite, estimant que c’est « une page de tournée sur les municipales », où les débats stratégiques avaient créé de vives tensions au sein du Front de gauche.

Deux exceptions subsistent toutefois à cet isolement du Parti socialiste. D’abord, dans 39 cantons concernés par des alliances PS-PCF, « où il y a un danger majeur d’élimination de la gauche au premier tour par la droite et le FN, et de victoire de celui-ci », explique-t-on au PCF. Mais aussi du fait d’alliances avec des socialistes dits « frondeurs ». C’est le cas notamment dans le département de l’Essonne, aujourd’hui présidé par Jérôme Guedj, l’un des animateurs de l’aile gauche du PS. Des candidats Front de gauche issus du milieu associatif et syndical

Dans l’élargissement du rassemblement de la gauche alternative pour ces élections, le Front de gauche veut voir la prolongation de l’appel des Chantiers de l’espoir, lancé en janvier par 500 personnalités de gauche et dont la première initiative nationale devrait se tenir le 11 avril. En attendant, « nos candidats vont concrètement les mettre en œuvre en traduisant les attentes et les besoins des populations », explique Pascal Savoldelli. D’ailleurs, la dynamique se caractérise également par des candidatures citoyennes ou issues du mouvement social, dans des dizaines de cantons. C’est le cas dans la Nièvre ou encore dans le Loiret, où le Front de gauche se félicite d’avoir parmi les candidats qu’il soutient « de nombreux militants associatifs et syndicaux qui se battent chaque jour contre les conséquences de l’austérité ». Mais le scrutin constituera aussi une sorte de « test » de la stratégie mise en œuvre, selon Éric Coquerel. « J’espère que les alliances nouées avec EELV porteront leurs fruits, abonde Clémentine Autain, car il y a là potentiellement une perspective qui peut être porteuse d’avenir. »

Abstention massive et fort vote FN se profilent. Les sondages se suivent et ne s’améliorent malheureusement pas. Le dernier 
en date, réalisé par l’Ifop et paru hier dans le Journal du dimanche, prédit 
une forte abstention pour le scrutin de mars avec seulement 43 % de votants. 
L’enquête place également en tête des « souhaits » exprimés par les sondés (29 %) celui d’une victoire du Front national (FN), à égalité avec celui d’un 
succès des candidats UMP et UDI. À gauche, le Parti socialiste recueille 23 %, 
Europe Écologie-les Verts 10 % et le Front de gauche 9 %. Les sondages de 
ce type sont cependant à prendre avec précaution, car ils ne tiennent pas 
compte des particularités locales.


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