Fessée : beaucoup de bruit pour pas grand-chose ? Et pourtant…

samedi 14 mars 2015.
 

Pour le Conseil de l’Europe, le droit français « ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ». Alors, interdire la fessée ?

Trop de parents continuent de bonne foi à reproduire le mal à chaque génération. Pour en avoir eux-mêmes reçu, ils assurent qu’« une taloche, ça ne peut pas faire de mal », et que « ça remet les idées en place »… Il faudrait donc « faire mal pour faire du bien », et briser la volonté de l’enfant pour le rendre obéissant 1.

Les parents ne mesurent pas qu’une fessée (de la simple tape à la correction administrée à main nue, on s’arrêtera là), peut avoir des conséquences néfastes au moment où le cerveau des jeunes enfants se construit. Interdits de répondre à cette violence, les enfants refoulent leurs réactions naturelles (colère, angoisse) et intègrent l’idée qu’ils ont mérité le châtiment. Comment s’autoriseraient-ils à se rebiffer contre ceux qui sont censés les protéger et les aimer ? Les parents, leur modèle, savent forcément ce qu’ils font. Le rapport de domination est intériorisé, l’image de soi dévalorisée. Les enfants, humiliés et maltraités, ne deviennent pas forcément des monstres, mais tous les monstres ont été des enfants humiliés et maltraités 2.

Lutter contre tout ce qui dégrade les individus Rien de plus hypocrite que de s’en indigner tout en ignorant ce qui pousse trop de gens à passer leurs nerfs sur les plus faibles : conditions de vie plus dures, horaires décalés de toute vie sociale, perte de repères, évasion dans le virtuel, frustration marchande généralisée, etc.

Il faut une loi contre les violences faites aux enfants. Ce n’est pas parce qu’elle serait portée par des députés de droite ou pro-Macron que cela devrait nous freiner. Nous luttons contre l’ordre social capitaliste et ses valeurs, donc contre toute forme d’exploitation et de violence à l’égard d’un être plus faible, à fortiori un enfant. Il ne s’agit pas de chercher à réprimer, mais de faire réfléchir et d’accompagner les situations difficiles, d’indiquer clairement les limites de ce qui est autorisé.

Sophie Ozanne 1- Alice Miller (1923-2010), docteur en philosophie, psychologie et sociologie. Voir en particulier C’est pour ton bien, Aubier, 1984. 2- Alice Miller, L’enfant sous terreur, Aubier, 1986.

Rosa Luxemburg et le refus de toute oppression Emprisonnée comme opposante révolutionnaire à la boucherie impérialiste, voici ce qu’elle écrivait à son amie Sonja Liebknecht en décembre 1917 : « Il y a quelques jours est arrivée une charrette […]. Les buffles ne bougeaient plus pendant qu’on les déchargeait, épuisés ; et celui qui saignait avait le regard fixe, avec une telle expression sur le visage – et des yeux noirs et doux comme ceux d’un enfant qui vient de pleurer. C’était vraiment l’expression d’un enfant qui a été sévèrement châtié et qui ne sait pas pourquoi, qui ne sait pas comment échapper à ce tourment. […] J’étais là debout et l’animal m’a regardée et j’ai senti les larmes couler sur mon visage – c’étaient ses larmes et l’on ne peut frémir avec plus de douleur pour ce frère chéri que je n’ai frémi dans mon impuissance à soulager son tourment muet ».


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