Départementales : quand les écologistes, le Front de gauche et Nouvelle Donne s’inspirent de Podemos et Syriza

mercredi 25 mars 2015.
 

Une très forte abstention, un enracinement de l’extrême droite et une débâcle du PS : tels sont les principaux éléments attendus à l’issue du scrutin pour l’élection des conseillers généraux, les 22 et 29 mars. Une nouveauté ignorée des sondages pourrait cependant s’ajouter à ces prévisions : l’émergence électorale de listes de l’union des gauches alternatives, regroupant les écologistes, le Front de gauche ainsi que, dans les cantons urbains, le jeune parti Nouvelle Donne. Dans plusieurs départements, ces alliances pourraient créer la surprise, y compris face au FN. Et constituer la base d’une nouvelle dynamique politique à gauche, davantage ouverte aux citoyens.

Les sondages ne les voient pas. Le ministère de l’Intérieur fait tout pour les ignorer en les fondant dans l’étiquette politique fourre-tout « divers gauche », réservant au PS quand il est allié avec une autre force politique l’appellation « Union de la gauche ». Pourtant, une offre politique se voulant alternative est bien présente lors de ces élections départementales. Ces 400 cantons environ, où une alliance entre Europe écologie – Les verts (EELV) et le Front de gauche, ou une de ses composantes (PCF, Parti de gauche, Ensemble), s’est dessinée. Chez les écologistes comme au Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, on assure y observer « une dynamique militante », renforcée ici ou là par Nouvelle Donne, le mouvement lancé en 2013 par l’ancien socialiste Pierre Larrouturou et des personnalités issues de la société civile.

« Reste à voir ce que cela va donner électoralement », prévient David Cormand, secrétaire national adjoint d’EELV. Quelles sont les zones à suivre ? « Il y a des accords significatifs avec EELV dans une trentaine de départements », comptabilise Eric Coquerel, son homologue au Parti de gauche (PG). En Isère, la dynamique qui a permis à l’écologiste Eric Piolle et à ses alliés du Parti de gauche de ravir la mairie de Grenoble au PS, s’étend à presque tout le département. L’union des gauches « alternatives » peut potentiellement réunir 23% des voix si l’on se base sur l’addition de leurs scores aux élections européenne [1]. De quoi en théorie damer le pion au PS et à l’UMP et faire jeu égal avec le FN. Mais le Parti communiste local, favorable au projet controversé du Center Parcs de Roybon, a préféré faire alliance avec le PS.

Ne pas se contenter « d’une coalition de logos »

Dans le Limousin, l’attelage alternatif peut espérer faire aussi bien, voire mieux, que le PS, avec un potentiel électoral avoisinant les 18% en Haute-Vienne et en Corrèze – le fief de François Hollande – ainsi qu’en Indre (région Centre). Mais il faudra attirer des abstentionnistes pour espérer être présent au second tour dans plusieurs cantons face à l’UMP alliée aux centristes ou… au FN qui y a réalisé des scores supérieurs à 20%. Dans le Lot (Midi-Pyrénées), si véritable dynamique de gauche il y a, avec un cumul de 30% des voix lors du scrutin européen, EELV, Front de gauche et Nouvelle donne peuvent devancer largement le FN, l’UMP et le PS [2]. Le potentiel électoral est similaire dans les cantons toulousains, où l’alliance des « 50 nuances du vert au rouge », selon les mots de David Cormand, pourrait créer la surprise. Comme dans d’autres villes moyennes, à Poitiers, Clermont-Ferrand ou au Havre.

Et ensuite ? « Les militants décideront, mais cela donnera peut-être envie d’aller plus loin pour des élections régionales de décembre », espère David Cormand. « Mais il ne faudra pas que ces convergences soient seulement une coalition de logos, nous devrons rassembler militants et citoyens autour d’un nouveau projet. » La position est identique du côté du Parti de gauche. « Si on observe une réelle dynamique dans ces départements, tous ceux qui proposent cette ligne vont en sortir renforcés. Nous pourrons alors envisager l’étape suivante : les élections régionales », confirme Eric Coquerel. « Matérialiser des alliances entre organisations est toujours utile, mais nous devons aller plus loin. J’observe que Cécile Duflot a la même préoccupation », ajoute-t-il.

« On a raté le virage que Syriza et Podemos ont réussi »

« Après 2012, le Front de gauche a été incapable de concrétiser la dynamique des présidentielles. Cela a été une erreur. On a raté le virage que Syriza et Podemos ont réussi », regrette le responsable du PG. Dans un contexte de défiance et d’abstentions, alors que le FN se renforce, les élections départementales puis régionales permettront-elles aux partis de gauche alternatifs de se rattraper ? Des « chantiers de l’espoir » rassemblant ces composantes ont été lancés en janvier. Le Mouvement pour la 6ème République (M6R) fédère des militants autour d’une réforme constitutionnelle. Mais ces initiatives peinent encore à sortir de la confidentialité et à s’étendre plus largement « aux citoyens ».

Il reste encore des obstacles. Les écologistes demeurent divisés sur la stratégie à suivre. L’alliance avec une ou plusieurs composantes du Front de gauche a été largement choisie, localement, par les écologistes. Dans 400 autres cantons, ils battent la campagne électorale en « autonomie », sans partenaires. Ils ne font cause commune avec le PS que dans 160 cantons environ. Et en privilégiant, si possible, des candidats socialistes plutôt critiques de la politique gouvernementale actuelle. En Essonne (Île-de-France), ils se sont alliés avec les candidats proches de Jérôme Guedj, l’un des leaders des frondeurs socialistes. Et en Seine-Saint-Denis, avec la fédération tenue par Claude Bartolone, qui « ne figure pas parmi les pro Manuel Valls », estime le secrétaire national adjoint d’EELV. Dans le Nord-Pas-de-Calais, plutôt que les candidats de Martine Aubry, les écologistes ont cependant choisi le Front de gauche. Reste que plusieurs parlementaires écologistes seraient toujours prêts à figurer au gouvernement en cas de remaniement.

Des alliances effacées de la photographie électorale

Pour le Parti de gauche, des alliances même locales et ponctuelles avec le PS demeurent la ligne jaune à ne pas franchir. « Nous sommes disponibles pour envisager des accords avec des socialistes dissidents, clairement en rupture avec les politiques du gouvernement, mais nous n’en avons pas encore trouvé », ironise Eric Coquerel. Le congrès du PS en juin éclaircira peut-être ce complexe panorama. En attendant, le gouvernement est accusé de vouloir « disperser façon puzzle le décompte des voix qui se porteront sur les candidatures PC, PG, FDG, Nouvelle Donne et EELV ou des alliances regroupant tout ou partie de ces différents partis », déplore David Cormand.

Au soir des résultats, le ministre de l’Intérieur leur attribuera une variété d’étiquettes. Un moyen de faire disparaître de la photographie électorale et médiatique ces alliances naissantes gênantes. Et de livrer un angle d’attaque à l’aile droite du PS pour faire peser sur la division de la gauche la responsabilité de la probable débâcle. « Il y a une tentation autodestructrice au sein de la gauche », dénonce déjà le député de Paris Christophe Caresche pour expliquer la défaite. C’est sûr que la politique menée par le gouvernement n’y sera absolument pour rien.

Ivan du Roy


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