Le FN, cheval de Troie de l’austérité dans les départements

vendredi 27 mars 2015.
 

Le Front national a soigneusement gommé de sa campagne les propositions gênantes de son projet politique qui le situent clairement dans la ligne ultralibérale des tenants de l’austérité.

Le FN n’aurait pas de véritable programme pour les départementales. Ce procès en amateurisme est la critique préférée en forme d’alibi de nombreux médias pour démentir toute campagne de promotion du FN de leur part. Le piège se referme  : il est mille fois préférable pour Marine Le Pen d’être attaquée sur la prétendue inexpérience de son parti que sur la réalité de son projet pour les départements… qui existe bel et bien, mais qu’elle s’applique à travestir avec soin. La raison  ? Le FN est franchement hostile à la décentralisation et partisan d’un plan d’austérité très dur pour les collectivités territoriales. ­Personne, ou presque, ne le dit. Cela figure pourtant en toutes lettres dans le programme de Marine Le Pen… à la présidentielle. Tandis que la candidate en 2012 s’évertuait à convaincre de la subite opposition de son parti à l’ultralibéralisme, les collectivités servaient en arrière-plan de variable d’ajustement budgétaire à son programme, véritable bouc émissaire accusé de tous les maux.

La mort assurée des services publics locaux

Si c’est passé relativement inaperçu dans une campagne présidentielle centrée sur d’autres thématiques (l’immigration, la sortie de l’euro…), impossible pour Le Pen et ses amis de faire campagne sur ces positions aux départementales. Les services du FN ont donc tout simplement gommé les propositions gênantes qui les situent clairement du côté des tenants de l’austérité pure et dure, en les remplaçant par des proclamations sur ­l’attachement du FN aux départements, «  échelon indispensable de notre vie démocratique  ». Pourtant, sur son site Internet, le programme national du FN livre une tout autre version. On y reprend les poncifs ­ultralibéraux sur le «  processus structurellement coûteux  » de la décentralisation et le «  maquis des compétences croisées  » des collectivités qui auraient «  multiplié les recrutements  » de fonctionnaires pendant que l’État se serrait la ceinture… Côté finances, c’est l’austérité pure et dure, avec la «  baisse de 2 % des dotations de l’État aux conseils généraux  » déjà étranglés par les dépenses non compensées liées au RSA, dans la droite ligne des restrictions budgétaires imposées par les gouvernements de «  l’UMPS  » que le FN prétend pourfendre. Idem concernant la «  suppression de la clause générale de compétence  », que le Front national copie à l’UMP et que le PS, après s’y être opposé, a fini par adopter. Or, cette disposition, qui revient à cantonner l’action des départements dans le strict cadre des missions que l’État leur transfère, est incompatible avec les ­slogans concernant le soutien aux «  petits commerces  » ou à la «  culture pour tous  ». Marine Le Pen va même plus loin que l’austérité version Valls, en prônant l’«  interdiction législative d’augmenter les impôts locaux  ». Associé à la réduction des dotations, ce cocktail a un nom  : l’asphyxie financière et donc la mort assurée des services publics locaux, dont le FN ­prétend qu’ils sont sa «  priorité  »  !

D’ailleurs, de quel coup d’arrêt à la «  destruction des services publics  » se gargarise le FN quand il prévoit, s’il arrive au pouvoir, que les collectivités devront faire allégeance en présentant «  chaque année au préfet un plan impératif de réduction ou de stabilisation de leurs effectifs  »  ? Rien d’étonnant au demeurant  : à la lecture de son programme national, on comprend que le FN entend en fait réduire le rôle du département à celui de gendarme de l’État «  dans la lutte contre la fraude  » aux aides sociales, en «  communiquant toutes les informations nécessaires aux services de contrôle  ». Des axes confirmés par les candidats FN et qui tranchent avec les apparences «  sociales  » cultivées par Le Pen  : «  Ce sera notre première mesure  : faire des économies  », a déclaré, selon le Monde, Frédéric Boccaletti, patron du FN dans le Var, qui entend traquer «  l’assistanat  » en cherchant «  qui est propriétaire ou qui possède une berline haut de gamme  ». «  On ne peut pas dépenser l’argent que l’on n’a pas  », défend Franck Briffault, maire FN de Villers-Cotterêts (Aisne), qui fustige la «  politique de guichet  ». De la droite extrême pur jus.

Le vrai programme du FN  : dénonciation des « charges sociales », fin des 35 heures, casse du code du travail… Social, le Front national  ?

Derrière les effets de tribune, le programme de la formation lepéniste recèle une orientation à droite toute, tendance xénophobe et… anti-ouvrière 
et anti-pauvres. Outre l’austérité renforcée dans les collectivités (voir ci-dessus), les propositions que l’UMP et le Medef ne renieraient pas sont légion  : «  Abaissement à quatorze ans de l’âge légal  » pour travailler comme apprenti  ; «  renégociation autorisée  » des 35 heures dans les entreprises, «  réforme des syndicats  » pour les intégrer de force 
à des «  logiques de concertation  » avec le patronat  ; «  allégement du coût du travail  » 
par la diminution «  des charges de cotisations sociales  »  ; dénonciation de la «  pression fiscale  » sur les entreprises  ; «  obligation d’un déficit structurel égal à zéro  » en matière 
de finances publiques et «  maîtrise de l’endettement  » inscrit dans «  une loi-cadre  » 
avec l’objectif de rembourser 50 % du capital de la dette publique d’ici à 2025  ; disparition de l’impôt sur la fortune (ISF) fusionné avec la taxe foncière  ; enseignement de «  l’esprit d’entreprise (…) dans les programmes scolaires des collégiens et lycéens  », «  lutte contre les arrêts maladie de complaisance pour restaurer l’équilibre des comptes sociaux  »…

Sébastien Crépel, L’Humanité


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