Socialisme et élections : LE SILENCE DES URNES Matière à réflexion (par Patrick MIGNARD)

vendredi 14 mars 2008.
 

Les élections, quoiqu’on puisse en penser constituent incontestablement un évènement politique, certainement pas pour ce qu’elles permettent ... de manière générale rien d’essentiel, mais parce qu’elles sont un mode de fonctionnement politique d’une collectivité. A ce titre elles méritent analyse. C’est donc plus en observateur, voire anthropologue, que je me place qu’en analyste politique proprement dit.

Si l’on a un regard « décalé » on ne peut que constater que rien d’essentiel ne s’est véritablement produit lors de ce scrutin... car rien ne pouvait se produire....

ILLUSON D’OPTIQUE

La plupart des observateurs politiques voient un changement. Ceci est du à la spécificité des lunettes qu’ils portent. Munis de ces lunettes constituées d’un verre aux couleurs de la Droite et d’un autre aux couleurs de la Gauche, ils ne peuvent qu’avoir une vision tout à fait orientée dans le sens non pas de ce qui est, mais de ce que le système électoral a prévu.

Il y a en fait incontestablement une stabilité du corps électoral. L’abstention se maintien et ne peut être que difficilement interprétée quant à sa signification.

Le reste du corps électoral se réparti à peu près de la même manière entre les grands « courants » de la politique politicienne... c’est ce qui fait croire - ce qui est un peu vrai - aux centristes, ce marécage mouvant, qu’ils peuvent jouer un rôle puisque les « changements » se font aux « marges internes » (à droite pour la Gauche et à gauche pour la Droite- l’extrême-droite étant hors jeu !) des deux grands courants.

Si l’on prend du recul, si l’on examine sans a priori le « phénomène électoral », ça semble bouger, mais rien ne change, de fait, fondamentalement... ce qui peut se résumer par « les élections passent, les problèmes demeurent ».

MECONTENTEMENT SOCIAL ET RESULTATS ELECTORAUX

Le décalage entre les deux est énorme. En effet, si le mécontentement social actuel devait s’exprimer en terme politique on aurait du observer un véritable raz de marée de la Gauche... c’est du moins ce que l’on est en droit d’attendre logiquement. Or ce n’est pas du tout le cas. Alors de deux choses l’une :

ou bien il n’y a pas de mécontentement social, ou bien l’élection est incapable de l’exprimer.

Or, il y a bien mécontentement social... comment se fait-il donc que les élections soient incapables de l’exprimer ?

Ceci montre qu’il y a dans le processus électoral « quelque chose » qui stérilise l’expression politique. Mais qu’elle est la nature de ce « quelque chose ». Ce « quelque chose » n’est bien sûr pas unique et homogène, il est constitué par un ensemble de comportements, de croyances et de techniques de manipulation de l’opinion.

La culture politique : on est de gauche, ou de droite, par tradition, souvent familiale, comme on est catholique ou protestant.

La fidélité : à un parti, à un homme ou une femme, à un symbole, à un idéal,... ou ce que l’on croit être un idéal ;

Le légitimisme : la fidélité à l’autorité, au pouvoir en place, à celui qui représente symboliquement la République, le peuple, la démocratie,...autrefois le roi, Dieu....

La peur du « changement », de l’ « inconnu »... « Il vaut mieux ça que rien »... « Untel on le connaît, les autres, on ne sait pas !... »

Le marketing politique - se sont toutes les techniques de persuasion développées par les candidats et empruntées à la publicité commerciale... et ça marche dans une certaine mesure... en particulier vis-à-vis des indécis... qui font de fait les majorités.

Tous ces facteurs jouent dans le sens de la stabilisation du corps électoral. Les changements ne se font qu’à la marge. Le marketing politique jouant dans les deux sens : stabilisation et débauchage.

IL EST URGENT DE NE RIEN CHANGER

On en arrive à une situation figée, verrouillée, bloquée où rien ne change, rien ne peut changer.... Tout en donnant l’illusion du changement, de la mobilisation,...

Celles et ceux qui jouent le jeu et l’assument publiquement s’y sentent parfaitement à l’aise et parlent même de « leurs » électeurs, « leur » électorat, donnent des « consigne » de vote,... Ce sont les professionnels de l’élection, de la politique, de la manipulation, des promesses,...

Il n’y a en fait aucun rapport entre le résultat de l’élection et ce qu’elle est, en principe, sensée exprimer. Tout est fait, nous venons de le voir pour que le résultat n’ai fondamentalement aucun sens, pour que tout continue comme avant, en donnant l’impression que « le peuple a choisi ». Or, même si formellement il s’est exprimé, il n’a, sur le fond, rien choisi.

C’est cette alchimie subtile fondée sur la manipulation, le conservatisme individuel et collectif et la dépossession d’une quelconque pratique sociale (« votez nous ferons le reste »), qui constitue l’essence même du processus électoral et en fait un processus particulièrement pervers et mystificateur.

Si l’on adhère, sans conscience et sans esprit critique (ce qui est le cas de la majorité des électeurs/trices), à ce contexte, on est pris dans sa logique et ça donne l’attitude aujourd’hui, en particulier, de l’extrême-gauche qui joue le jeu tout en s’en cachant, mal, derrière un discours radical purement verbal. Ces organisations comme les grands partis sont devenues des « boutiquiers électoraux » qui comptent et gèrent « leurs » voix comme Arpagon comptait son or...

COMMENT SORTIR DE CE PIEGE ?

Certainement pas en s’y enfonçant un peu plus... Pas plus que, simplement, en le dénonçant - c’est nécessaire, mais largement insuffisant.

Alors ?

Seule l’expression concrète d’une alternative peut enrayer cette logique. Peut-être pas l’enrayer tout de suite, mais, à terme, la rendre totalement obsolète, et remplacer cette caricature de démocratie formelle par une véritable expression démocratique.

Le vrai terrain du changement n’est pas dans les élections mais dans des structures alternatives expression d’un changement des rapports sociaux.

Rien n’est évidemment fait pour favoriser ces initiatives, au contraire. Tout est fait pour résumer à sa plus simple expression l’existence citoyenne : l’élection. Le système va même jusqu’à faire « singer » aux enfants les pratiques électorales, les conditionnant en cela à la soumission à un processus qui les instrumentalisera un fois adultes.

Une fois le scrutin passé chacun-ne va s’en retourner à ses occupations, les affaires vont continuer, les licenciement se poursuivre, les prix augmenter et les officine politiciennes après un « repos bien mérité » prépareront les « prochaines échéances électorales »... en nous expliquant que le peuple et souverain et que c’est ça la démocratie. Ainsi soit-il !

Patrick MIGNARD Mars 2008


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