Les BRICS changent le monde

samedi 9 mai 2015.
 

L’alliance des BRICS avance et vient de franchir un grand pas. On le sait, ce sigle désigne un groupe de pays à partir de la première lettre de leur nom : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. L’été dernier à Fortaleza au Brésil, ils se sont accordés pour créer une banque mondiale commune. J’écrivais alors mon livre « L’Ère du peuple » et je l’ai aussitôt relevé comme un évènement décisif pour la grande bascule de l’ordre géopolitique en cours dans le monde. Cette banque commune assumera deux fonctions : un fonds de développement et une réserve de devises. C’est bel et bien un système alternatif à celui de FMI et de la banque mondiale, deux leviers de la domination nord-américaine. Pour compléter ce système monétaire alternatif, la Chine a aussi proposé la création d’une monnaie commune mondiale.

L’idée est de mettre un terme à l’hégémonie du dollar. Et surtout d’en sortir en douceur. Quel dommage que la France soit embourbée dans les alliances de François Hollande avec les Etats-Unis et étouffée dans l’Europe allemande. Sa place est avec les BRICS.

Le 2 mai, l’alliance des BRICS a franchi une nouvelle étape. Le président russe Vladimir Poutine a ratifié l’accord portant sur la création du fonds commun de réserves de monnaie. Ce fonds sera doté de 100 milliards de dollars. La Chine l’abondera à hauteur de 41 milliards, la Russie, l’Inde et le Brésil à hauteur de 18 milliards chacun, et l’Afrique du Sud à hauteur de 5 milliards. Le but est de pouvoir faire face aux tensions sur les monnaies des pays participants en faisant jouer la coopération et la solidarité. La réserve de devises permettra d’acheter de la monnaie d’un pays si celle-ci est attaquée ou se déprécie trop fortement, avec comme objectif de maintenir le cours à un niveau équilibré et soutenable par l’économie du pays. Et, inversement, si une monnaie s’apprécie trop, la vente de réserves de cette devise permettra de faire baisser le cours. Au-delà de cet aspect technique, l’objectif est bien évidemment de renforcer la coopération monétaire, économique et diplomatique entre ces pays.

L’idée centrale c’est donc de construire une alternative à la fois à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. C’est une manière de s’émanciper de ces institutions dominées par les États-Unis où les BRICS sont marginalisés. Rappelons que ces cinq pays représentent ensemble 40% de la population mondiale et 20% de la richesse produite dans le monde chaque année. C’est plus que les États-Unis d’Amérique ou l’Union européenne. Mais au FMI, les BRICS cumulent à peine 11% des droits de vote contre 17,7% pour les Etats-Unis. La Chine seule y a autant de droit de vote que l’Italie. La situation est un peu moins scandaleuses à la Banque mondiale mais le déséquilibre reste fort : 15,9% des droits de vote pour les seuls États-Unis contre 13% cumulés pour les BRICS. Dans les principes, la rupture est claire. La nouvelle structure sera dirigé sur le principe « un État = une voix ». Le siège sera en Chine, le directeur-général sera indien, le président du conseil d’administration sera brésilien et le président inaugural du conseil des gouverneurs sera russe. La doctrine d’intervention de ces nouveaux outils devrait aussi se distinguer des méthodes libérales des « plans d’ajustement structurels » du FMI et de la Banque mondiale qui ont détruit l’économie de nombreux pays.

À ce stade, les moyens du FMI et de la Banque mondiale restent évidemment supérieurs au projet des BRICS. Mais les structures en cours de création par les BRICS pèseront un poids réel. Le fonds de développement aura un capital représentant près d’un quart des capacités de la banque mondiale avec 50 milliards de dollars. C’est encore plus vrai pour la réserve de devises. Dotée de 100 milliards de dollars, sa force de frappe représente le tiers du FMI. Les premières interventions sont prévues pour 2016. Mais le projet est bien plus large. Les statuts de la cette nouvelle banque prévoient qu’elle est ouverte à l’accueil de nouveaux membres. La seule limite fixée est que la part des BRICS dans son capital ne descende pas en-dessous de 55% afin qu’ils ne soient pas dépossédés de leur projet. Autrement dit, l’idée qui paraissait d’abord abstraite, que j’ai développé dans la campagne présidentielle, d’une nouvelle alliance mondiale, a trouvé ses bases concrètes. Pas besoin de se fatiguer monsieur le président ! Juste regarder ailleurs qu’en direction des USA !

Cette nouveauté décisive est un point d’appui pour la construction d’un nouvel ordre international fondé sur le droit et la coopération. Dans la campagne présidentielle, j’ai proposé que notre pays participe à la création d’une alliance altermondialiste aux côtés des BRICS. J’ai encore développé cette proposition dans mon dernier livre « L’Ère du peuple ». C’est le moyen de retrouver notre indépendance. Bien sûr, pour être cohérents, nous devons aussi quitter l’OTAN pour retrouver notre indépendance militaire et remettre en cause le libre-échange pour organiser la coopération dans le cadre d’un protectionnisme solidaire. Mais les démarches engagées par les BRICS sur le plan financier et monétaire sont des jalons posés sur cette route. Il faudrait s’en saisir !

Je suis inquiet de voir que cette alliance se construit pas à pas sans la France. L’Histoire avance et François Hollande regarde ailleurs. Il préfère nous laisser arrimés au char de l’OTAN et écrasés par les pantoufles des riches retraités allemands, électeurs de Madame Merkel. La France, par sa puissance, son Histoire, ses principes politiques de Liberté, d’Égalité et de Fraternité a tout pour participer au projet des BRICS. Elle aurait même dû le proposer la première comme sa puissance le lui permettait. Elle a tout à y gagner. Elle s’émanciperait du vieux monde agonisant et belliqueux sous domination états-unienne et de la tutelle austéritaire de l’Allemagne en Europe. Elle se tournerait vers le monde de demain, y apporterait sa contribution politique, ses atouts comme son imbrication avec les peuples méditerranéens et sa participation à la francophonie. Notre pays poserait ainsi les bases d’un autre ordre du monde, plus juste et plus sûr. Un monde ordonné. Où les dirigeants français auraient de la fierté pour leur pays et du respect pour leur fonction dans l’Histoire.


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