La bonne nouvelle venue d’Allemagne

jeudi 21 mai 2015.
 

C’est la bonne nouvelle venue d’Allemagne ! Les salariés allemands multiplient les mouvements de grève depuis plusieurs semaines. C’est d’abord une bonne nouvelle pour eux : ils se battent surtout pour des hausses de salaires. Est-ce une bonne nouvelle pour nous aussi ? Oui. Oui car tout ce qui fait reculer l’exploitation et le dumping social en Europe est bon à prendre.

Et si les salaires augmentent durablement, l’économie allemande sera relancée. Bon à prendre pour nous car il s’agit du principal client de l’activité de notre pays. Evidemment, rien de cela ne nous fera sortir du productivisme pour autant. Mais la baisse du chômage relancerait aussi le moral et la combativité dans notre propre pays. Et cette combativité est la condition de base de tout projet pour le futur.

Je salue donc la combativité que manifestent ces salariés allemands. Bien sûr, en France, 6 jours de grève dans les transports en commun, ce n’est pas si exceptionnel. Mais là-bas, c’est un événement historique ! C’est tout simplement la grève la plus longue de l’histoire des chemins de fer allemands ! Je veux bien sûr parler de la grève qui a eu lieu du lundi 5 au dimanche 10 mai à la Deutsche Bahn, l’équivalent allemand de la SNCF. Les deux-tiers des trains grandes lignes ont dû être annulés et un tiers des lignes de proximité. Que réclament les salariés ? Des hausses de salaires de 5%, une réduction du temps de travail de 39h à 37h par semaine. Et aussi que le syndicat des conducteurs puissent représenter les autres personnels de bord alors qu’une loi doit revoir les conditions de représentativité et réduire le pouvoir de négociations salariales au seul syndicat majoritaire.

D’ailleurs, les mouvements de grève se multiplient en Allemagne. Le nombre de jour de grève a atteint en 2014 son niveau le plus haut depuis 2008 et le début de la crise. A chaque fois, c’est la question des salaires qui mobilise. C’est le cas à la Deutsche Post, l’équivalent de la Poste. C’est aussi le cas dans les jardins d’enfants, maigres équivalents de nos crèches. L’Allemagne aurait bien des raisons de développer son accueil des enfants. Le journal allemand Die Welt a ainsi titré avec humour que je proposais l’asile politique aux mères allemandes. Aujourd’hui, la plupart des femmes allemandes sont obligées de s’arrêter longuement de travailler. Ou de ne pas faire d’enfants. Ce manque d’investissement dans l’accueil des enfants est une des causes profondes du déclin démographique programmé de l’Allemagne. Mais les dirigeants allemands font l’inverse : là aussi, c’est l’austérité. Après plusieurs journées de grève pour les salaires, le syndicat des services « Verdi » organise en ce moment un vote de ses adhérents pour décider d’appeler à une grève illimitée. À Noël, ce sont les salariés du distributeur par internet Amazon qui ont multiplié les grèves. Ils sont particulièrement maltraités. Les salariés allemands du groupe exigeaient ainsi… que leur entreprise adhère à une convention collective en Allemagne pour pouvoir profiter de garanties minimales en matière sociale. Rendez-vous compte ! Dans le paradis allemand, les salariés de l’un des principaux groupes de commerce ne sont pas couverts par une convention collective de branche !

Les salariés allemands commencent à relever la tête. Evidemment, c’est encore loin d’être le cas dans tous les secteurs de l’économie et chez tous les salariés. Il faut dire qu’ils ont été très maltraités ces dernières années. L’austérité salariale, la déréglementation du marché du travail et le développement de la précarité ont jeté des millions de salariés dans la pauvreté et la peur du lendemain. Et tous les salaires ont été comprimés. Christophe Blot, économiste à l’OFCE l’explique clairement : « Dans le secteur tertiaire, les conventions collectives salariales sont moins protectives que dans l’industrie et le service public. Depuis le milieu des années 1990, les travailleurs du secteur tertiaire ont consenti à toucher des salaires plus faibles que dans l’industrie et ils estiment qu’il est temps de toucher le fruit de leurs efforts ». Les partisans du « modèle » allemand sont pris à leur propre piège. La démographie déclinante, les menaces contre les chômeurs et les radiations massives permettent d’afficher un taux de chômage bas. Bien sûr, c’est artificiel. Mais puisque c’est ce que disent les autorités allemandes, les salariés ont décidé de les prendre au mot. Si votre système marche aussi bien que vous le dites, alors vous pouvez augmenter les salaires !

Ce qui se joue est important. La hausse des salaires allemands serait un changement de saison politique et sociale pour les salariés allemands. Pour cela, il va falloir que les salariés montent encore d’un cran dans leur mobilisation. Parce qu’en Allemagne plus qu’ailleurs, le capital se défend. Les patrons allemands ont déjà commencé à protester contre ces revendications de hausses de salaires. Le gouvernement allemand dénonce les grévistes. Les supplétifs sont mobilisés. Là-bas comme ici, ce sont donc désormais les sociaux-démocrates qui tirent dans le dos des grévistes. Le président du PS (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD), vice chancelier et ministre de l’Economie de Mme Merkel, le misérable Sigmar Gabriel a montré les dents… aux travailleurs. Il a dénoncé « un abus du droit de grève » par les conducteurs de trains de la Deutsche Bahn. Bravo, le PS ! En libérale de choc, Angela Merkel aussi a dénoncé «  ces grèves [qui] représentent un lourd fardeau pour de nombreuses personnes et de nombreuses entreprises  ». Bien sûr, elle ne parlait pas du « fardeau » que portent les grévistes qui renoncent à plusieurs journées de salaires. Des deux côtés du Rhin, c’est le même vocabulaire, le même mépris de classe contre les salariés.

Ces hausses de salaires allemands seront aussi une bonne nouvelle pour le reste de l’Europe. Evidemment oui si la dynamique se poursuit et s’amplifie. En effet, un rééquilibrage profond du système économique allemand au profit des salariés et au détriment de la rente serait une bonne chose. Une Allemagne plus soucieuse de bien-être et de consommation populaire chez elle serait un meilleur client pour nos économies. Et un pays peut-être moins focalisé sur la course au dumping sous couvert de « compétitivité ». Mais cela rendra-t-il l’Allemagne moins agressive avec ses voisins ? Ce n’est malheureusement pas si sûr. Pourquoi ? Parce que les bases du système « made in Germany » sont pour une large part hors d’Allemagne. L’annexion des anciens pays de l’Est, puis de tout le reste de l’Europe est la clé de voute du système.

J’explique longuement pourquoi dans mon livre. Pour conserver leurs marges face à des hausses de salaires en Allemagne, il y a fort à parier que les grandes firmes allemandes renforceront la pression sur leurs voisins. Ceux de l’Est d’abord, déjà bien pressurés. Ceux du Sud ensuite, comme le montre l’acharnement du gouvernement allemand contre le gouvernement grec pour obtenir un nouveau durcissement des conditions de départ en retraite et empêcher le rétablissement des conventions collectives. Puis ce sera le tour de la France. C’est le message envoyé par l’odieux ministre Schaüble lorsqu’il dit que la France aimerait qu’on la « force » à se réformer. La prochaine cible, c’est nous. Les macronnades sur le travail du dimanche servent de mises en bouche. Manuel Valls est allé le dire aux patrons allemands en septembre 2014. Quand il a dit « Ich mag die Unternehmen » ce n’était pas seulement pour montrer qu’il savait traduire son « j’aime l’entreprise » grâce à l’outil traduction de Google. C’était un appel lancé aux capitalistes allemand pour leur montrer patte blanche et mériter leurs caresses. La caste n’a pas de frontière. Nous encore moins dès qu’il s’agit de la lutte des salariés et de la solidarité qui s’impose pour améliorer le rapport de force. Cela nous enjoint d’entrer nous aussi en action. Tout point d’appui est bienvenu. Tel est le sens de l’appel à manifester à Guéret pour la défense des services publics.


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