Sarkozy privatise jusqu’à la République

jeudi 28 mai 2015.
 

Le changement de nom de l’UMP n’est rien d’autre qu’une vulgaire opération de marketing pour faire oublier les turpitudes du parti de Nicolas Sarkozy. Ce mécanisme n’a rien de nouveau dans la sphère commerciale. Que faire lorsque le nom de votre entreprise est synonyme de corruption, de scandales  ? Changer d’enseigne.

Combien d’entreprises, d’ailleurs souvent liées à la droite, ont agi ainsi ces dernières décennies, le cas le plus emblématique étant la Générale des Eaux, devenue Vivendi puis Veolia… L’UMP s’inscrit donc dans une démarche similaire. Cela ne fera pas oublier les affaires auxquelles nombre de ses dirigeants sont mêlés (Karachi, Bygmalion…) et ne changera rien pour son président. Sarkozy il est, Sarkozy il restera, et le nouveau parti héritera des casseroles de l’ancien, malgré la tentative de blanchiment.

Dans l’histoire politique française, c’est au sein de la droite que les partis changent le plus souvent de nom. Et si la référence à la République est si présente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce n’est pas un hasard. Ils ont longtemps porté un discours idéologique de rejet de la Révolution française, ainsi que de la laïcité, les rendant ainsi suspects de vouloir le rétablissement de la monarchie sous une forme ou une autre. À la Libération, la droite a besoin de reconstruire un parti qui rompt avec le discrédit de Vichy et de l’État français de Pétain. Le premier parti ainsi créé, le MRP (Mouvement républicain populaire), incorpore donc la référence à la République dans son nom. Les suivants, à l’exception du RPF de De Gaulle de 1947 à 1955, feront de même  : l’UNR (Union pour la nouvelle République), l’UDR (Union pour la défense de la République) qui donnera lieu à l’expression d’«  État UDR  » tellement les gouvernements de cette époque, tous de droite, seront marqués par l’affairisme, le RPR (Rassemblement pour la République), lié lui aussi à nombre de scandales comme l’affaire des lycées d’Île-de-France, celle des emplois fictifs de la Mairie de Paris, celle des HLM de Paris…). À chaque fois, la dénomination change, mais les pratiques restent les mêmes.

Pas de nouveauté, donc, dans la démarche. Mais, cette fois-ci, Nicolas Sarkozy, qui ose tout, a décidé de s’accaparer totalement la République en s’appelant «  Les Républicains  » et même de privatiser cette dénomination en la déposant à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle), ce qui vaut protection juridique contre toute utilisation par des tiers. Et dès que les médias parleront des républicains, le premier réflexe sera de penser au parti de Nicolas Sarkozy. Vous pouviez vous dire anti-UMP  ; dorénavant, vous deviendrez anti-«  Républicains  »  !

Plus profondément, quelle parodie et quelle tristesse. Au moment où les valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité – sont attaquées de toutes parts (loi sur le renseignement, explosion des inégalités, montée de la xénophobie), c’est le parti qui, dans sa course derrière le FN, est le plus en pointe dans ces attaques qui s’approprierait la dénomination «  Républicains  ». La République n’appartient à personne, ou plutôt elle appartient à tous les Français. Personne n’a le droit de s’adjuger l’utilisation exclusive de républicain et encore moins cette droite qui n’a que le mot répression à la bouche, qui est obséquieuse pour les puissants et dure pour le peuple et qui dresse les Français les uns contre les autres. L’UMP devenue «  ripouxblicains  », c’est le beau nom de républicains qui sera sali, avec le risque que le rejet de la droite ne devienne le rejet de la République. Non, la droite revancharde, réactionnaire moralement et libérale économiquement, et socialement, ne peut privatiser ce qui est notre bien commun à tous.

par Martine Billard, membre de 
la direction du Parti de gauche


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