Citoyenneté, service public, laïcité Où sont les vrais républicains ?

mercredi 27 mai 2015.
 

C’est le fond qui manque le plus

par Anicet Le Pors, conseiller d’État honoraire, ancien ministre

Il va de soi que l’on doit dénoncer la captation d’héritage du nom de républicains par l’UMP. Toutefois, il me semble plus utile de se demander si cette captation n’est pas rendue possible par une insuffisante défense et une fructification déficiente de cet héritage par ses héritiers.

La question et la réponse valent également pour le détournement par le Front national de valeurs républicaines. Trois thèmes, notamment, font l’objet de ces captations  : la souveraineté, le service public, la laïcité.

La nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et du général. Le refuge dans la religion du libéralisme européen, comme le dogme d’une irrévocabilité de l’euro font obstacle à toute recherche sur l’avènement d’une nouvelle civilisation fondée sur l’intervention active des peuples. Après l’échec du XXe siècle «  prométhéen  », nous sommes entrés dans une phase de décomposition sociale, de perte de repères, qui s’accompagne d’un double mouvement d’individuation et de mondialisation, laquelle n’est pas seulement celle du capital. S’ensuit, au sein de cette «  métamorphose  », la nécessité d’un double approfondissement concernant, d’une part, la citoyenneté (valeurs, moyens, dynamique), d’autre part, l’avènement d’un genre humain porteur de valeurs universelles, développant interdépendances, coopérations, solidarités. Seule la nation est en mesure d’animer la dialectique entre ces deux pôles. Seule la souveraineté nationale et populaire lui en donne le moyen. La République française se définit aujourd’hui dans cette responsabilité historique que ne peut assumer le libéralisme.

Le XXIe siècle a vocation à être l’«  âge d’or  » du service public. Les Français sont attachés au service public qui, depuis la fin du XIXe siècle, a fait l’objet dans notre pays d’une théorisation constante. Le service public, contesté par l’économie de marché, est consubstantiel à la République française. Mais dans la crise, cet attachement se traduit généralement par des comportements défensifs, alors que la socialisation objective des relations humaines invite à une autre ambition. La montée de l’«  en-commun  » appelle celle de services publics au plan mondial. Mais cette constatation en appelle une autre  : celle de la nécessité de la propriété publique, car le service public ne peut être «  hors sol  ». «  Là où est la propriété, là est le pouvoir  !  » disions-nous. La formule ne serait-elle plus vraie  ? Pourquoi  ? La question doit être remise sur le chantier, car ce n’est pas l’invocation tous azimuts de «  pôles publics  », objets économico-politiques non identifiés, qui y répond.

La laïcité est normalement au cœur de la confrontation politique dans la République et dans le monde. À la lumière de l’expérience du siècle passé, il s’agit de sortir des idéologies messianiques, des religions – fussent-elles séculières – prétendant substituer la loi de transcendances à la loi des hommes. On n’est pas quitte avec la laïcité en la qualifiant d’ouverte, de positive, de raisonnable. Pas davantage en faisant preuve de complaisance à l’égard de comportements ostentatoires dans l’exercice du service public. Car, si la laïcité est liberté de conscience, elle est tout autant neutralité de l’État, ce qui est trop souvent oublié. Les juridictions administratives et judiciaires peinent à valider les règles de droit nécessaires. Les forces laïques ne répliquent aux atteintes que de manière insuffisante et confuse. La revendication est quasi inexistante. Serait-il, par exemple, si difficile de mettre en perspective la fin du régime concordataire d’Alsace-Moselle  ? Là se ferait clairement la différence avec «  Les Républicains  ». Et pas seulement avec eux.


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