La concentration des richesses nuit à la croissance, et c’est le FMI qui le dit

vendredi 19 juin 2015.
 

Plus les riches s’enrichissent, plus faible est la croissance. Moins il y a de syndiqués, plus le revenu des 1% les plus riches augmente. Et la flexibilisation du travail accroît les inégalités. A contre-pied total de sa politique, des économistes du FMI publient une étude appelant à la redistribution des richesses.

Selon leur calcul, si les 20 % les plus riches augmentent leur fortune de 1 %, le PIB global lui baisse de 0,08%. "Cela semble suggérer que les bénéfices ne retombent pas" sur les plus pauvres, écrit le FMI qu’on peut croire gêné aux entournures. Car depuis 1714, et la fable des abeilles de Bernard Mandeville, tous les économistes libéraux assurent que l’enrichissement des plus riches bénéficie in fine à tous, soit par le biais de leur consommation, soit par celui de l’investissement profitant ainsi à l’activité économique générale et à l’emploi dans le reste de la société. C’est la « théorie du ruissellement » brandie depuis 3 siècles par tous les détracteurs de la redistribution et de la régulation économique. A l’inverse, une hausse similaire des revenus des 20% les plus pauvres doperait la croissance de près de 0,4 point explique ainsi l’étude. Une charge contre les inégalités

Ces chercheurs du FMI ne s’arrêtent pas à ces formules mathématiques. "Des règles plus souples d’embauche et de licenciement, des salaires minimums plus bas (...) et des syndicats moins puissants sont associées à de plus grandes inégalités", explique cette étude, qui prend ainsi à contre-pied total la politique du FMI, en particulier ses positions dans le cadre de la Grèce…

C’est le FMI qui le dit : la diminution du taux de syndicalisation est fortement corrélée à la hausse des revenus des 1 % plus riches. Casser le droit du travail augmente donc les inégalités. Mais ces économistes montrent également que l’enrichissement « croissant » des plus riches et la stagnation des bas revenus est un facteur de déclenchement des grandes crises financières. "Une période prolongée d’inégalités plus élevées dans les économies avancées a été associée à la crise financière (de 2008-2009) en renforçant l’endettement par effet de levier (...) et en permettant aux groupes de pression de pousser vers plus de dérégulation financière", explique l’étude. Ces économistes préconisent donc davantage de taxes sur le patrimoine et la propriété immobilière, un renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, le tout pour mieux répartir les richesses.

Ce n’est pas la première fois que des économistes hétérodoxes s’expriment au FMI et réalisent des études passionnantes (exemple : Le FMI le confirme : l’austérité était une erreur de calcul). Et ce n’est pas malheureusement celle-ci qui fera bouger les lignes austéritaires de l’institution.

L’ONG Oxfam s’est toutefois saisie de l’occasion offerte par ce rapport pour relancer sa campagne contre les inégalités. « Le FMI démontre que l’enrichissement des plus riches est mauvais pour la croissance... Les gouvernements doivent de manière urgente réorienter leur politique, pour réduire le fossé qu’il y a entre les plus riches et les autres, s’ils veulent une reprise de la croissance économique. »

L’OCDE avait également publié une étude allant dans ce sens il y a quelques mois, plaidant pour une meilleure répartition des richesses. Partant du constat que les inégalités n’avaient jamais étaient aussi fortes, ce rapport « estime que le creusement des inégalités a coûté plus de 10 points de croissance au Mexique et à la Nouvelle-Zélande, près de 9 points au Royaume-Uni, à la Finlande et à la Norvège et de 6 à 7 points aux États-Unis, à l’Italie et à la Suède »

Pierric Marissal, L’Humanité


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