Le parti de Jaurès est devenu celui de Manuel valls et Emmanuel Macron (Philippe Noguès, député démissionnaire du PS)

dimanche 9 août 2015.
 

2) Le PS s’est droitisé, social-libéralisé, je suis resté fidèle à mes convictions

Entretien dans L’Humanité

Vous avez quitté le Parti socialiste, quel a été l’élément déclencheur  ?

Philippe Noguès C’est une décision mûrie de longue date. Depuis qu’on avait monté ce mouvement des frondeurs, je disais à mes camarades que je croyais peu à la possibilité de faire bouger les choses de l’intérieur. J’ai voulu jouer le jeu jusqu’au congrès. Le congrès a donné les résultats que j’attendais, avec la prédominance de son légitimisme d’appareil… Ensuite, la loi sur le renseignement, la loi Macron et l’utilisation du 49.3 ont été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase. De toute façon, je serais parti avant la fin de l’année.

Vous discutez avec d’autres parlementaires PS, que disent-ils  ?

Philippe Noguès Nombre d’entre eux partagent mes convictions et le constat que l’on ne mène pas du tout la politique pour laquelle nous avons été élus. Je pense que quelques-uns vont me rejoindre, mais il faut comprendre que, pour beaucoup, l’attachement au Parti reste très fort, et franchir le pas leur est extrêmement difficile. Malgré tout, si nous étions assez nombreux pour former un groupe au Parlement, je pense que ce serait un acte symbolique important.

C’est votre objectif  ?

Philippe Noguès Non, ce n’est pas le premier objectif. Je veux surtout redonner aux citoyens le goût de la politique. Pour ça, il faut partir des territoires, parce que la création d’un énième parti groupusculaire ne me semble pas de nature à faire progresser la gauche. Dans mon territoire, je vais essayer de nouer des contacts. D’abord, avec les forces politiques, mais aussi lancer des initiatives sur les projets de ma circonscription et de mon département, parce qu’il faut initier un grand rassemblement qui aille au-delà des partis.

Il y a des réactions contrastées à votre départ…

Philippe Noguès Oui, je reçois énormément de messages de soutien depuis deux jours, mais aussi des messages plus sévères. Principalement, certains me reprochent de trahir le PS  : «  Vous avez été élu par des socialistes…  » Moi, je réponds que si trahison il y a, ce n’est pas Philippe Noguès, le député, qui trahit. Car je considère que je suis resté fidèle à mes convictions, aux projets que l’on avait ensemble, à mes valeurs. Mais le PS, lui, s’est droitisé, social-libéralisé, et n’a plus rien à voir avec le parti de 2012. Il suffit de demander leur avis à nos électeurs et de regarder les résultats, élection après élection… Aujourd’hui, le PS en tant que structure n’est plus du tout en mesure de rassembler l’ensemble des forces de gauche.

Vous auriez pu vous tourner vers le Front de gauche ou les Verts…

Philippe Noguès Quand vous avez milité pendant longtemps dans un parti, pouvoir dire, le lendemain de votre démission, que vous allez adhérer à tel ou tel autre, c’est une nouvelle difficulté. Par contre, je pense qu’il faut que nous ayons des discussions, mais je crois aussi qu’il faut dépasser les partis. Ce système est épuisé et, pour réussir, il faut à tout prix ramener les citoyens à la politique.

Du coup, François Hollande ne sera pas votre candidat en 2017  ?

Philippe Noguès Je me vois assez mal aujourd’hui défendre la candidature et faire la campagne de François Hollande après avoir combattu sa politique pendant cinq ans. Même si, malheureusement, on a du mal à voir émerger, pour l’instant, un candidat de gauche crédible pour 2017.

Avez-vous un message à adresser aux frondeurs qui restent au PS  ?

Philippe Noguès Nous avions un dîner, mardi soir, je leur ai dit, certes un peu sur le ton de la plaisanterie  : «  Je vous lance un appel, rejoignez moi  ! Le parti de Jaurès est devenu le parti de Manuel Valls et Emmanuel Macron, et je ne crois plus qu’on soit capable de le réformer de l’intérieur. Il est tombé du mauvais côté de la force…  » Emmanuel Maurel, Laurent Baumel et bien d’autres dépensent une énergie extraordinaire pour quel résultat  ? Gagner 4 ou 5 % en interne et, au final, ça ne change rien  ! Je crois qu’il faut qu’on se réunisse avec le Front de gauche et les écologistes pour repenser ensemble une refondation de la gauche, et pas forcément sous une forme similaire à celle des partis classiques…

1) Philippe Noguès, député du Morbihan, quitte le PS

Article de Libération 25 juin 2015

Elu du Morbihan depuis 2012, il estime avoir « honte » de l’orientation prise par ses camarades et appelle les « frondeurs » à constituer un nouveau groupe à l’Assemblée.

Et de deux. Après l’ex-eurodéputé Liêm Hoang-Ngoc, c’est au tour du député du Morbihan, Philippe Noguès, de quitter les socialistes. « Le PS s’est droitisé, social-libéralisé, explique-t-il à Libération. Il a basculé du mauvais côté de la force. » Dans une lettre que nous nous sommes procurée, ce parlementaire breton élu en 2012 et adhérent socialiste depuis 2006 justifie ce départ, trois ans après son élection à l’Assemblée : « La fierté que je ressentais e 17 juin 2012 s’est transformée d’abord en désenchantement, puis, je dois l’avouer, en un peu de honte, écrit-il. Honte de n’avoir pas vu plus tôt la réalité en face, de n’avoir pas tiré plus tôt la sonnette d’alarme, parce que je voulais encore croire que les choses allaient changer ». « Club de supporters »

Depuis l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, Noguès a milité avec les députés dits « frondeurs » pour « tenter d’infléchir la ligne du gouvernement ». « Notre action a été utile mais force est de constater que nos efforts ont été relativement vains », regrette-t-il. Son « espoir de changer de l’intérieur », poursuit-il, « s’est évanoui ». « Les mots ne suffisent plus, il faut des actes », martèle-t-il. Noguès rend donc sa carte socialiste en même temps qu’il quitte le groupe SRC (Socialistes, républicains et citoyens). Dans un courrier au patron des députés PS, il fait part de son « intime conviction que le PS s’inscrit dans une démarche de transformation vers un parti social libéral, après avoir définitivement fait sienne la théorie selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative ». Pour Noguès, le groupe socialiste à l’Assemblée « se transforme peu à peu en un simple club de supporters des actions du gouvernement ».

Va-t-il migrer vers la gauche de l’hémicycle et rejoindre un autre groupe parlementaire ? « Non, répond-t-il à Libération. Je ne rejoins pas un autre groupe. » Il garde un « espoir » : que d’autres socialistes déçus de la ligne prise par le PS et le gouvernement le suivent pour constituer un nouveau groupe parlementaire. « Mon action va en amener d’autres », dit-il. Mais après un déjeuner mercredi midi avec ses camarades opposés à la ligne économique pris par François Hollande et Manuel Valls, Noguès doit se résoudre pour l’instant à partir seul : « Eux pensent qu’ils peuvent encore faire évoluer le parti. »

Lilian ALEMAGNA


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