L’Ukraine sera fédérale ou ne sera plus

vendredi 10 juillet 2015.
 

L’état de guerre qui vient d’être voté parachève donc l’édifice antidémocratique  : interdiction des meetings et des partis politiques hostiles au gouvernement  ; réquisition de biens  ; travail obligatoire pour les femmes et les retraités  ; contrôle accru des médias  ; interdiction généralisée des symboles soviétiques, etc. Il autorise en même temps une manœuvre politique vitale pour Kiev. En effet, fondé sur l’actuelle Constitution, l’état de guerre exonère le pouvoir des engagements de Minsk 2 qui exigent une profonde réforme constitutionnelle transformant l’Ukraine centralisée en État fédéral. Ce sabotage de Minsk 2 – empêchant l’autonomie du Donbass et, par voie de conséquence, engageant la survie de l’État dans ses frontières actuelles – se faisait avec la complicité des Occidentaux jusqu’à la rencontre Kerry-Lavrov, le 15 mai.

Jusque-là, Kiev jouait sur les désaccords entre l’UE et les États-Unis pour différer les changements constitutionnels. Pour des raisons à la fois économiques et politiques, l’UE souhaite une Ukraine unifiée, tandis que les États-Unis voient d’abord l’intérêt stratégique de disposer d’une Ukraine pro-atlantiste, fût-ce au prix d’un abandon du Donbass à l’influence russe.

Depuis cette rencontre, les États-Unis font pression sur Kiev pour la mise en œuvre des accords, critiquant le projet de bombardement de l’aéroport de Donetsk. La Russie a aussitôt lancé un vigoureux avertissement à Kiev comme quoi les deux Républiques de Donetsk et de Lougansk pourraient suivre la voie de la Crimée si l’Ukraine poursuivait son sabotage.

Les deux Républiques, soutenues par la Russie, exigent un véritable fédéralisme leur garantissant une large autonomie sur les choix politiques, économiques et culturels, en vue de partenariats futurs dans l’espace eurasien. Les «  maidanocrates  » de Kiev redoutent ce transfert des compétences économiques et financières susceptible de contaminer les autres régions. Si l’UE et les États-Unis semblent se rapprocher dans cet appui unanime à Minsk 2, les divergences d’intérêt subsistent, tout comme les obscures rivalités entre les différents clans d’oligarques qui dictent en sous-main la politique suicidaire du tandem ennemi Porochenko-Iatseniouk. Si ces derniers persistent dans leur refus d’entendre les signaux du mentor américain, ils sauteront. D’autant qu’ils ne sont pas crédibles au Donbass. En mars dernier, l’épisode de la démission forcée de l’oligarque Kolomoïski de son poste de gouverneur de Dniepropetrovsk a d’abord été interprété comme un coup de pouce au président Porochenko. Il se pourrait, dans un second temps, qu’il soit un pion dans le camp américain contre lui. Les semaines qui viennent seront décisives. L’Ukraine, dans ses frontières actuelles, sera fédérale ou ne sera plus.


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