Le gouvernement grec sous tutelle : une perte de souveraineté inédite en Europe

lundi 27 juillet 2015.
 

Les eurosceptiques comme les proeuropéens sont au moins d’accord sur une chose : l’accord signé au forceps lundi 13 juillet pour éviter la sortie de la Grèce de la zone euro s’accompagne d’une perte de souveraineté sans précédent.

La Grèce sous tutelle

Le compromis prévoit que les Grecs « consultent les institutions et conviennent avec elles de tout projet législatif » dans les domaines concernés par l’accord et qu’ils reviennent sur les décisions prises depuis février par le gouvernement Tsipras. Ces deux dispositions mettent de facto le gouvernement grec sous tutelle. En clair, pas question de proposer de nouvelles lois, ou un référendum, sans un accord préalable des créanciers.

Dans les deux plans d’aide précédents, le contrôle de leur bonne application était fait a posteriori, par l’intermédiaire des rapports trimestriels de la « Troïka » des bailleurs de fonds (FMI, Banque centrale et Commission européennes). A plusieurs reprises, les créanciers ont conditionné le versement d’une nouvelle tranche d’aide à la bonne application des engagements pris – de manière souvent très détaillés – par les différents gouvernements grecs.

Sur le fond des politiques, même s’il n’est pas forcément plus dur que les programmes de 2010 et 2012, le texte ne tient pas compte des objectifs politiques du gouvernement Tsipras, élu sur un programme anti-austérité. Sous pression de Berlin, Athènes a ainsi dû accepter un fonds de privatisations, longtemps dénoncées par Syriza.

Une exception ou un précédent ?

Tous les dirigeants européens l’assurent : les restrictions imposées à la souveraineté grecque sont « exceptionnelles ». « Cet ultrafédéralisme par exception est un pis-aller pour des Etats en faillite, cela ne doit surtout pas faire école », juge Yves Bertoncini, le directeur de l’Institut Jacques Delors, qui y voit surtout l’illustration d’une gouvernance européenne défaillante : « On n’a pas fait l’Europe pour mettre les Etats sous curatelle ».

De fait, l’Irlande et le Portugal ont retrouvé leur pleine souveraineté après être sorti du plan d’aide, avec la fin des missions de la « Troïka » des bailleurs de fonds, qui venait contrôler tous les trois mois le respect des conditions fixées en contrepartie de l’assistance. Par ailleurs, les réflexions en cours pour approfondir l’Union monétaire et le gouvernement économique de l’euro ne s’orientent pas vers la généralisation des mises sous tutelle, même si l’appartenance à la monnaie unique devrait, de l’avis général, s’accompagner d’une plus grande convergence des politiques économiques. Angela Merkel a tenté en vain de proposer la signature de contrats entre Bruxelles et les capitales, mais elle a dû battre en retraite face à des partenaires, dont François Hollande, jaloux de leur souveraineté.

La panne démocratique de la zone euro

La crise grecque a surtout démontré qu’il fallait accompagner l’intégration monétaire d’un système de gouvernance politique, qui lui fait actuellement défaut. Pour certains analystes, préserver l’euro sans davantage d’intégration politique aboutira soit à une implosion, soit à de nouveaux transferts financiers considérables afin d’« équilibrer artificiellement un système politique structurellement déséquilibré », estime Jan Techau, du groupe de réflexion Carnegie Europe. « L’UE survivrait peut-être à la fin de l’euro mais elle ne survivrait sans doute pas à son incapacité à s’unir face aux menaces et aux défis globaux », analyse M. Techau.

Si M. Hollande a relancé le sujet d’un « gouvernement de la zone euro » lors de son intervention du 14 juillet, le texte du 13 juillet n’en dit pas un mot. Deux thèses s’affrontent aujourd’hui : l’une affirme que l’euro finira par tuer l’Europe et n’est qu’un instrument de l’hégémonie économique et politique allemande, l’autre soutient que la monnaie unique protège les pays qui l’ont adoptée et leur peuple. Certains défendent une zone euro, renforcée par un nouveau traité, qui harmoniserait les pratiques budgétaires, une partie du régime fiscal et les systèmes de taxation de ses membres. Sans toutefois faire renaître le spectre d’une « Europe fédérale » qui effraye.

Service international du Monde

Le Monde


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