C’est le moment de dénoncer au monde le coup d’état en cours au Brésil

jeudi 13 août 2015.
 

Les forces conservatrices ont le vent en poupe en Amérique Latine, et les coups de boutoir se succèdent pour tenter de renverser des gouvernements démocratiquement élus. Dans le cas du Brésil, l’opposition n’a jamais accepté la réélection de la Présidente Dilma en octobre dernier, et cherche par tous les moyens à mener la présidente à quitter le pouvoir par une procédure d’impeachment.

L’emballement de l’Opération Lava Jato contre la corruption à la Petrobras prend des proportions démesurées et se rapproche inexorablement de la présidente et de l’ex-président Lula, comme le souhaite l’opposition, celle-ci rencontrant le soutien des institutions judiciaires, sans parler des médias. La corruption est un mal endémique au Brésil, et touche tous les partis, dont le PT au pouvoir (le gouverneur PT de Bahia arrive en premier de la liste des gouverneurs bénéficiaires des donations suspectes) et l’on pourrait se réjouir que les malversations ne soient pas balayées sous le tapis, comme cela a été la coutume pendant des décennies. Pourtant, Eduardo Guimarães, sur son Blog da Cidadania, lance un cri d’alarme, en dénonçant le caractère partisan de la marche du procès de l’Opération Lava Jato et des inculpations en cours, qui fait de la loi l’instrument d’un unique bord politique, une pratique caractéristique des dictatures. Il nous demande de dénoncer ce coup d’état politico-institutionnel en cours.

C’EST LE MOMENT DE DÉNONCER AU MONDE LE COUP D’ÉTAT EN COURS AU BRÉSIL

La couverture de la dernière édition de la revue Veja a dépassé toutes les limites acceptables par les forces politiques progressistes de ce pays. Et lorsque je cite les forces politiques progressistes, je ne fais pas uniquement référence aux partis de gauche de la base allié (du gouvernement NdT), comme le PT et le PC do B, mais à tous les partis de gauche – dont ceux d’opposition – et aux mouvements sociaux.

Bien qu’elle ait été démentie publiquement par la défense de l’ex-vice-président de l’entreprise OAS, Léo Pinheiro, l’affirmation de Veja selon laquelle ce dernier aurait autorisé ses avocats à négocier avec le Ministère Public Fédéral un accord de délation contre une remise de peine (delação premiada- « délation récompensée » NdT) - au cours de laquelle il présenterait des « preuves » contre l’ex-président Lula – on se demande vraiment ce qu’attendent les forces démocratiques de ce pays pour réagir de manière drastique.

L’article de Veja a été reçue avec peu d’intérêt par le reste de la presse dominante, par le fait qu’il s’agissait d’une information « réchauffée ». Dans son édition du 27 avril de cette année, la revue avait déjà fait cette affirmation, que la défense de Léo Pinheiro avait promptement démentie.

Mais les articles tendancieux de Veja et du reste des médias, publiés nuits et jours, et exclusivement contre le PT (Parti des Travailleurs au pouvoir NdT), ses dirigeants et ses alliés, donnent sa forme au golpisme. Dans le monde entier, de nombreux secteurs de la presse se comportent comme des partis politiques. Mais jamais ils ne rencontrent autant d’écho que dans les institutions brésiliennes.

Ce qui caractérise le coup d’état politique en cours est que, comme dans n’importe quelle dictature, la loi a commencé à être utilisée de manière différente lors de situations absolument similaires, avec des résultats différents selon les orientations politiques des personnes concernées.

C’est pourquoi le moment est venu de dire au monde que la démocratie brésilienne est jetée aux orties et que les institutions sont utilisées comme des armes politiques pour renverser un gouvernement démocratiquement élu.

Et il n’est pas difficile de prouver au monde ce qui est en cours. Il suffit de montrer comment la Justice, le Ministère Public et la Police Fédérale agissent de manière partisane, couvrant des scandales impliquant des tucanos (le toucan est le symbole du parti d’opposition PSDB NdT), et poussant sur le devant de la scène les petistes (membres du PT – parti au pouvoir NdT).

Prenons le cas des liens entre les entreprises de travaux publics et les politiciens petistes et, surtout, avec l’ex-président Lula, cible préférée de Veja, et l’implication de ces sociétés avec des politiciens tucanos dans des situations absolument identiques.

Quelle est l’accusation portée envers ces entreprises dans l’Opération Lava Jato (énorme procès impliquant la Petrobras et la corruption pratiquée dans ses activités NdT) ? Il y avait une association d’entreprises qui faisaient des affaires avec la Petrobras en payant des dessous de table à des politiciens, par le biais de donations officielles, outre d’autres formes de corruption d’autorités ou de cadres supérieurs de la Petrobras. Ce qui est stupéfiant, c’est que ces mêmes entreprises, impliquées dans d’autres scandales absolument similaires à celui de la Petrobras, ont fait d’importantes donations à des politiciens tucanos et à d’autres partis que le PT, mais que, dans ces cas, pas un doigt n’a été levé par les médias, le Ministère Public, la Police Fédérale, et encore moins la Justice, qui pourraient pu traiter ces donations de la même manière qu’elle le font avec celles du PT.

Il y a quelques mois, une dénonciation est apparue, selon laquelle plus de la moitié de la campagne de l’année passée du Gouverneur Geraldo Alckmin du PSDB (de l’État de São Paulo NdT), avait été payée par les entreprises impliquées dans le cadre d’une enquête pour fraude et entente frauduleuse dans des appels d’offre du métro de São Paulo. Au total, les quatre entreprises suspectées avaient fait don de 8,3 millions de reals (env. 2,2 millions d’euros), 56% du total (14,7 millions de reals) de la campagne du tucano. Trois de ces entreprises donatrices sont déjà accusés dans des procès en Justice : Queiroz Galvão, CR Almeida S/A Engenharia de Obras e OAS S/A. Des cadres de consortiums formés par ces entreprises ont été dénoncés en 2012 pour suspicion de fraude et pour formation d’entente frauduleuse dans l’appel d’offre pour continuer la ligne 5 du métro de São Paulo. Au total, 14 employés de 12 entreprises sont poursuivis par la Justice.

Pas ce n’est pas tout. Il existe aussi une dénonciation selon laquelle sept des neuf entreprises poursuivies dans l’Opération Lava Jato ont repassé au moins 38,9 millions de reals aux campagnes de 19 gouverneurs élus et réélus. Les donations ont été faites par l’UTC, Odebrecht, Queiroz Galvão, Engevix, OAS, Galvão Engenharia e Camargo Corrêa. Plusieurs cadres de ces entreprises sont en prison et jusqu’à présent, il n’existe aucune information selon laquelle il y aurait un début de suspicion envers les gouverneurs qui auraient reçu des donations en échange de travaux dans leur État.

Eduardo Guimarães


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