La leçon de Tsipras (par Guillaume Balas, député PS "frondeur" 
au Parlement européen)

dimanche 4 octobre 2015.
 

Nous avons mis en ligne sur ce site plusieurs points de vue concernant l’orientation politique d’Alexis Tsipras depuis sa signature du mémorandum début juillet. Voici celui de Guillaume Balas, député européen socialiste qui a toujours marqué son soutien à Syrisa.

Quel stratège  ! C’est l’impression première que suscite la large victoire de Tsipras de ce dimanche. Vilipendé par les conservateurs et les sociaux-libéraux puis par la gauche anti-euro depuis la très douloureuse acceptation du 3e mémorandum imposé par la troïka, l’affaire était entendue pour de nombreux observateurs  : Tsipras perdrait les élections ou deviendrait l’exécutant zélé des programmes d’austérité. La situation est éclaircie sur le premier point  : ni la droite conservatrice, ni les néonazis, ni les sociaux-libéraux pro-mémorandum, ni la gauche anti-euro d’Unité populaire n’ont pu entamer la crédibilité du premier ministre grec.

Reste évidemment le deuxième point crucial  : Tsipras est-il devenu l’agent docile de l’austérité européenne, converti par conviction, faiblesse ou opportunisme  ? Je ne le crois pas, ou plutôt, je pense la réponse à cette question plus complexe. Tout d’abord, Tsipras a su tenir un langage clair  : il a assumé un mandat de combat contre l’oligarchie européenne et ses représentants. Cette première bataille, il assume l’avoir perdue. Il l’a dit  : il ne croit pas aux conditions draconiennes imposées à la Grèce mais il ne croit pas non plus – comme la majorité des Grecs – à la sortie de l’euro. Il a alors dû choisir entre les deux termes de l’alternative. Qu’il ait eu raison ou tort, ce choix profondément politique lui permet de garder le pouvoir et de gagner du temps. Pas d’illusion cependant  : de larges parties du délirant plan d’austérité imposé seront mises en place avec sa cohorte de conséquences négatives. Mais on peut penser que Tsipras conserve comme priorité la restructuration de la dette grecque et qu’il ne concevait que le très douloureux chemin actuel pour y arriver.

Ce qui changera pour beaucoup dans l’avenir proche de la Grèce et déterminera la marge de manœuvre de son premier ministre est sa capacité à être soutenu en Europe et plus largement, l’évolution du rapport de forces entre les forces démocratiques et les tenants de l’austérité. De ce point de vue, il est évident que la situation évolue et qu’émerge un mouvement de réappropriation démocratique, divers et pluriel, en Europe. Extérieure pour partie à la social-démocratie – Podemos, Syriza, Sinn Féin –, cette dynamique existe aussi en son sein avec les frondeurs français ou l’élection de Corbyn à la tête du Labour.

Face aux solutions néopopulistes d’extrême droite, une alternative sociale et démocratique au conservatisme libéral se renforce et c’est une très bonne nouvelle. Pourtant, pour réussir, elle doit se garder de deux écueils. Le premier est le sectarisme. Certains estiment qu’il faudrait séparer le bon grain de l’ivraie en rejetant toute la social-démocratie dans le camp de l’austérité, en espérant créer une tension politique maximale et permanente par la préconisation de la sortie de l’euro. Cette stratégie s’avérera incapable de rassembler majoritairement et permettra aux libéraux de tout poil de renforcer leur domination sur la scène européenne. Le deuxième écueil est au contraire de considérer que tout se joue dans les institutions et les grands partis même affaiblis et dénaturés. Si cela était efficace, nous le saurions  ! Le discours des «  bons sentiments  » européens a muselé toute interrogation sur les graves dérives oligarchiques que nous connaissons depuis tant d’années.

Au contraire, nous devons allier confrontation radicale et «  soft power  », présence dans les institutions et critique sans concession de leur dérive. En définitive, la leçon de Tsipras est que, dans son acception la plus noble, nous devons refaire de la politique. Aider l’Europe commence par aider la Grèce. Pour cela, il nous faut agir partout où nous sommes  : gauche alternative, écologistes, socialistes sincères, nous devons nous coordonner et nous dépasser. À nous de rendre possible un mouvement citoyen puissant, seule condition de notre réussite.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message