Pistes pour une confiance sociale retrouvée (Christiane Taubira)

vendredi 23 mars 2007.
 

La France a changé. A cause de son histoire, beaucoup d’hommes et de femmes sont venus de ces autres rives jusqu’au sol européen, se mêler à ceux qui s’y trouvent depuis plus longtemps, même si, bien souvent, leurs racines sont éparses.

La France est devenue, comme d’autres grandes nations du monde, un pays mêlé, où se juxtaposent les couleurs, où se côtoient les cultures, les langues et les croyances.

Les français le savent, parfois s’en enthousiasment, lorsque triomphe au stade de France leur équipe multicolore, et parfois s’en étonnent ou s’en inquiètent, voire comptent les joueurs qui ne "font pas français". Le risque est alors que deux France se dévisagent et se méfient l’une de l’autre.

Ce n’est que rarement de racisme qu’il s’agit, le plus souvent de méconnaissance de l’autre ou d’indifférence à l’autre.

Il est temps de définir et de mettre en œuvre une grande politique de confiance sociale, capable d’assurer la cohésion nécessaire au progrès, à la sécurité et au bien-être commun.

Œuvrer au rétablissement de la confiance entre les Français, c’est d’abord dire à ceux dont les familles sont installées depuis peu en France, qui se sentent mal à leur aise dans une société qu’ils ne sentent pas vraiment leur, qu’ils doivent avoir confiance en eux, être fiers de ce qu’ils sont, qu’ils sont les égaux de tous les autres citoyens, et qu’ils peuvent avoir toutes les ambitions.

C’est leur dire que l’école, dès la maternelle, c’est la leur ; que l’Université, c’est pour eux. C’est leur dire que les services publics sont la chose de tout le monde et donc la leur : les bus, les métros et les cabines téléphoniques ; que les quartiers et les cités où ils vivent sont les leurs et qu’ils doivent les préserver comme on préserve ses propres biens ; que le besoin de sécurité, c’est d’abord celui de leurs familles, et qu’ils doivent contribuer à leur protection ; que la loi commune est la leur et qu’ils doivent la respecter, dès lors qu’ils se respectent.

A ceux qui, enracinés de plus longue date sur le sol français, et qui, étonnés ou préoccupés par les transformations de notre société, demeurent parfois perplexes ou méfiants en face d’allures ou de parlers inattendus, lorsqu’il s’agit d’embaucher, ou d’accepter un locataire, il faut demander de faire confiance à celui qui veut travailler, à celui qui a besoin de se loger, comme c’est le désir ou le besoin de tout individu.

Le discours public, celui des responsables politiques, celui de la presse et des media, est d’une grande importance pour la création, ou le rétablissement, du climat de confiance dont la France a besoin. La transformation des comportements sociaux est largement tributaire d’une pédagogie de la confiance sociale dans laquelle de très nombreux acteurs doivent s’engager résolument.

Le discours, pourtant, ne suffit pas. Certains ont perçu, jadis, les risques de la fracture sociale, au point d’en faire un thème de campagne présidentielle...avant d’en oublier jusqu’à la signification. Au-delà du discours, il faut donc définir les voies et les moyens d’une politique de confiance sociale.

La politique de confiance sociale doit avoir un responsable, pour en assurer la traduction effective dans tous les domaines de l’action publique. Le prochain gouvernement français devra comporter un ministre chargé de veiller au respect de l’égalité des droits, de prévenir tous les comportements discriminatoires, de compenser les handicaps et favoriser les rattrapages sociaux.

Un vaste programme de cohésion sociale devra être défini, intéressant de nombreux domaines de la vie sociale et publique.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message