Dans les premiers temps de l’humanité, les hommes et les femmes étaient égaux (les inégalités sont une invention tardive)

samedi 10 octobre 2015.
 

Une étude montre que les tribus de chasseurs-cueilleurs modernes fonctionnent sur des bases égalitaires, indiquant que l’inégalité est une aberration qui vit le jour avec l’avènement de l’agriculture.

Nos ancêtres préhistoriques sont souvent présentés comme des sauvages armés de lances, mais les premières sociétés humaines ont probablement été fondées sur des principes égalitaires éclairés, selon des chercheurs.

Une étude montre que chez les tribus de chasseurs-cueilleurs contemporains, femmes et hommes ont tendance à avoir une influence égale sur l’endroit où vit leur groupe, et avec qui ils vivent. Ces découvertes remettent en question l’idée selon laquelle l’égalité sexuelle est une invention récente, et suggèrent qu’il s’agissait de la norme pour les humains pendant la majeure partie de notre histoire évolutionnaire.

Mark Dyble, un anthropologue ayant dirigé l’étude, à l’University College London, explique :

« Il y a toujours cette perception largement répandue selon laquelle les chasseurs-cueilleurs étaient machos, ou dominés par le masculin. Nous soutenons que ce n’est qu’avec l’émergence de l’agriculture, lorsque les gens ont pu commencer à accumuler des ressources, que les inégalités ont émergé ».

Dyble explique que les dernières découvertes laissent à penser que l’égalité des sexes aurait peut-être été un avantage de survie, et qu’elle aurait joué un rôle important dans la conception des sociétés humaines, et dans l’évolution. « L’égalité sexuelle est l’un des changements importants de l’organisation sociale, comprenant des choses comme la formation de couples, la taille importante de nos cerveaux sociaux, et le langage, qui distingue les humains » explique-t-il. « C’est un changement important qui n’a pas vraiment été souligné auparavant ».

L’étude, publiée dans le journal Science, cherchait à enquêter sur le paradoxe apparent que tandis que les gens dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs démontraient d’importantes préférences pour la vie avec des membres de la famille, en pratique les groupes avec qui ils vivaient, avaient tendance à comprendre peu d’individus étroitement liés les uns aux autres.

Les scientifiques ont collecté, au travers de centaines d’interviews, des données généalogiques relatives à deux populations de chasseurs-cueilleurs, une au Congo et une aux Philippines, et comprenant les relations de parenté, les mouvements entre camps et les modes de résidence.

Dans les deux cas, les gens avaient tendance à vivre en groupes d’environ 20 personnes, se déplaçant environ tous les 10 jours, et subsistant grâce à la chasse de gibier, de poissons, à la cueillette de fruits, de légumes et de miel.

Les scientifiques ont construit un modèle informatique pour simuler le processus d’assortiment des camps, en se basant sur l’hypothèse que les gens choisiraient de peupler un camp vide avec leurs proches parents : frères et sœurs, parents et enfants.

Lorsqu’un seul sexe avait de l’influence sur le processus, comme c’est généralement le cas dans les sociétés pastorales ou horticultrices dominées par le masculin, des pôles restreints d’individus apparentés ont émergé. Cependant, le nombre moyen d’individus apparentés s’avère bien plus bas lorsque les hommes et les femmes ont une influence égale – ce qui correspond fortement à ce que l’on a observé chez les populations étudiées.

« Lorsque seuls les hommes ont de l’influence sur les personnes avec qui ils vivent, le cœur de toute communauté est un dense réseau d’hommes fortement apparentés et délaissant les épouses en périphérie », explique Dyble. « Si les hommes et les femmes décident, vous n’obtenez pas de groupes de quatre ou cinq frères vivant ensemble ».

Les auteurs soutiennent que l’égalité sexuelle a pu être un avantage évolutionnaire pour les premières sociétés humaines, en donnant naissance à des réseaux sociaux plus étendus et à une coopération plus étroite entre des individus non-apparentés. « Cela vous donne un réseau social bien plus étendu avec un choix de partenaires bien plus large, ce qui réduit le problème de la consanguinité », explique Dyble. « Et vous entrez en contact avec plus de gens, et vous pouvez partager les innovations, ce qui est quelque chose que les humains font par excellence ».

Le Dr. Tamas David-Barrett, scientifique spécialiste du comportement à l’université d’Oxford, en convient : « c’est un résultat très net », dit-il. « Si vous êtes en mesure de retrouver la trace de membres éloignés de votre famille, vous obtenez alors un réseau bien plus important. Tout ce qu’il vous restera à faire sera de vous réunir de temps à autre pour festoyer ».

L’étude suggère que ce n’est qu’avec l’avènement de l’agriculture, lorsque les gens ont été en mesure d’accumuler des ressources pour la première fois, qu’un déséquilibre a émergé. « Les hommes peuvent commencer à avoir plusieurs épouses et ils peuvent avoir plus d’enfants que de femmes », explique Dyble. « L’accumulation de ressources a davantage bénéficié aux hommes, et il devient favorable pour eux de former des alliances avec des proches mâles ».

Dyble explique que l’égalitarisme a même pu être l’un des facteurs importants qui a permis la distinction entre nos ancêtres et nos cousins primates. « Les chimpanzés vivent dans des sociétés assez agressives, dominées par les mâles, avec des hiérarchies manifestes », explique-t-il. « Par conséquent, ils ne voient simplement pas assez d’adultes durant leur vie pour que les technologies soient entretenues ».

Les découvertes semblent s’appuyer sur les observations qualitatives des groupes de chasseurs-cueilleurs de l’étude. Dans la population des Philippines, les femmes sont impliquées dans la chasse et la collecte de miel et bien qu’il y ait quand même une division du travail, au total hommes et femmes contribuent à un apport de calories similaires pour le camp. Dans les deux groupes, la monogamie est la norme et les hommes s’occupent activement des enfants.

Andrea Migliano, de l’University College London et auteur principal de la publication, explique : « l’égalité des sexes suggère un scénario où les traits humains uniques, tels que la coopération avec des individus non-apparentés, ont pu émerger dans notre passé évolutionnaire ».

Traduction : Nicolas CASAUX


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