Battre la droite pour mieux refonder la gauche, par Marc Dolez (député socialiste du Nord)

vendredi 23 mars 2007.
 

Avec environ 35% des intentions de vote au premier tour, son plus bas niveau depuis 1969, la gauche est en passe, une fois encore, de perdre l’élection présidentielle.

Et pourtant elle devrait s’imposer sans coup férir, au regard du rejet massif de la politique de la droite, à plusieurs reprises depuis 2002, tant dans les urnes que dans la rue.

Et pourtant, face au danger Sarkozy, elle devrait rassembler tous les républicains attachés au modèle social français issu de la Résistance, inquiets de l’ultralibéralisme, du communautarisme et de l’atlantisme du ministre de l’intérieur.

Pourquoi alors un tel décalage avec la volonté du peuple et un tel décrochage avec le mouvement social ?

A l’évidence, le débat avec la droite n’est pas suffisamment frontal et la ligne de démarcation trop souvent franchie avec l’emprunt d’idées au camp adverse, d’où une grande confusion politique qui fait actuellement le lit de l’illusion centriste.

Il y en a principalement trois, sachant que l’appel à battre Sarkozy pour indispensable qu’il soit n’est guère suffisant, comme le démontrent les enquêtes d’opinion.

Renouer avec le combat frontal contre la droite, projet contre projet.

Pour la gauche, la présidentielle est avant tout un débat de fond sur le choix de société et non « un lien direct entre le peuple et une personnalité », comme l’a malencontreusement affirmé la candidate. L’oublier est une faute majeure.

Ecarter irrémédiablement toute hypothèse de gouvernement ou d’alliance avec l’UDF. Cette clarification est d’autant plus urgente que certaines voix parmi les plus autorisées l’évoquent sans détour.

Un tel scénario signifierait la remise en cause de la stratégie d’union de la gauche et l’implosion du Parti d’Epinay.

Placer la question sociale au cœur de la campagne, en s’adressant aux salariés et à la jeunesse, à tous ceux qui, plongés dans la pauvreté, la précarité et la peur du lendemain, souffrent durement de l’implacable et cynique logique financière du capitalisme. L’urgence sociale exige des mesures concrètes et d’application immédiate pour revaloriser le pouvoir d’achat, assurer à chacun le droit à l’emploi, au logement, à l’éducation, à la santé. Mettons les en débat sans plus tarder.

Engageons nous, sans faux-fuyants, sur la généralisation des 35 heures et la garantie de la retraite à 60 ans.

Expliquons précisément comment nous nous opposerons aux licenciements boursiers et lutterons contre les délocalisations.

Renforçons le rôle irremplaçable et les prérogatives de l’Etat, seul garant de l’égalité républicaine.

Plutôt que d’appeler au vote utile, qui ne favorise pas la diversité indispensable au rassemblement, mieux vaut expliquer ce qui changerait vraiment avec une présidence socialiste.

Dans cet esprit et au-delà du désaccord avec le « pacte présidentiel », trois engagements de la candidate seraient particulièrement révélateurs du sens que la gauche, revenue aux responsabilités, donnerait à son action :

Abrogation de toutes les lois antisociales et liberticides de la droite, à commencer par la loi Fillon sur les retraites, et ainsi clairement afficher l’impossibilité de facilement s’en accommoder, comme cela a été le cas dans le passé. Refus absolu du diktat européen sur la libéralisation de l’électricité et la libéralisation de l’ensemble du secteur postal, et ainsi affirmer la volonté de la gauche de mener sa politique, y compris contre Bruxelles.

Renforcement réel des pouvoirs d’une Assemblée Nationale à élire à la proportionnelle, le plus vite possible sans attendre 2012, et ainsi rendre le pouvoir aux représentants du peuple.

Dans ces conditions, la victoire à la présidentielle deviendrait possible.

Sur ces bases, la refondation de la gauche s’engagerait favorablement.

Retrouver l’authenticité socialiste

Souhaiter ardemment la victoire de son camp n’interdit pas la lucidité : la gauche est à refonder.

« L’ordre juste » n’a évidemment rien à voir avec la lutte des classes ou un socialisme réformiste, pas plus que la démocratie d’opinion avec la démocratie militante ou le « New Labour » de Tony Blair avec le Parti de Jaurès et de Mitterrand.

Une page se tourne. L’avenir du Socialisme est en jeu en France comme en Europe où, après plusieurs électrochocs au cours du XXe siècle, la social-démocratie a perdu ses principaux repères, ses « défenses immunitaires » pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu.

Cette fragilité résulte de sa conversion au libéralisme économique et de son incapacité, après la chute du mur de Berlin, à définir un projet alternatif de transformation sociale.

En France, depuis le tournant libéral de 1983, la question est posée au Parti Socialiste : inscrit-il toujours son action dans le but de la transformation vers un autre mode d’organisation sociale ou considère t’il le capitalisme comme « l’horizon indépassable » ?

Ou, autrement dit, qu’est-ce qu’être Socialiste aujourd’hui ?

« Celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi,...avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut pas être adhérent du Parti Socialiste ».

La réponse de François Mitterrand, au congrès d’Epinay en 1971, fait écho à celle de Jaurès, dans son célèbre discours sur « les deux méthodes » en 1900 : « Le Parti Socialiste est un parti d’opposition continue, profonde, à tout le système capitaliste, c’est-à-dire que tous nos actes...doivent être dirigés vers la suppression la plus rapide possible de l’iniquité capitaliste ».

Le monde a beaucoup changé, mais pas l’exploitation de l’homme qui s’est même enrichie de moyens modernes massivement plus efficaces. En ce début de siècle, le Socialisme reste cette idée neuve pour la justice sociale, l’égalité entre les hommes et la libération des peuples. C’est la conviction de nombreux militants, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parti Socialiste, qui ne se résignent pas à la faiblesse et à l’impuissance actuelles de la gauche.

Au renoncement et à la soumission, ils entendent toujours opposer le volontarisme politique, la transformation sociale et un véritable internationalisme ; à l’obscurantisme et aux intégrismes de tous poils, le progrès et la laïcité.

Face au libéralisme sous toutes ses formes, ils veulent porter un projet de société, fidèle aux idéaux de la gauche et aux valeurs de la République, adapté aux évolutions sociales, économiques et environnementales de notre temps.

C’est le sens de la refondation socialiste à engager, qu’elle que soit l’issue de la présidentielle, pour redonner toutes ses couleurs à la gauche.

La perspective est enthousiasmante.

Elle suppose cependant que tous ceux qui la partagent puissent enfin et rapidement se retrouver

Marc DOLEZ, député PS du Nord, animateur de Forces Militantes.


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