Portugal : tempête imprévue pour l’Union européenne

samedi 7 novembre 2015.
 

Les grands médias rendaient ainsi compte au lendemain des législatives portugaises de cet automne 2015 "La coalition de droite sortante a remporté les élections législatives portugaises dimanche 4 octobre, avec 38,6 % des voix contre 32,4 % pour l’opposition socialiste..." Cette affirmation du Monde était juste si la vie politique dépendait uniquement des grands partis liés au grand capital international et à la troïka qui le sert.

En réalité, le Portugal a connu une cure d’austérité selon les mêmes remèdes que ceux appliqués en Grèce. Le salaire minimum a progressé de 485 euros à 505 euros en 2014 après quatre ans de gel mais il est encore inférieur à son niveau de 1974 au moment de la Révolution des oeillets. Or, 25% des salariés portugais ne touchent que ce salaire minimum. Les contrats précaires se sont généralisés, les privatisations se sont multipliées, les inégalités ont explosé.

Portugal : Adoption du budget le plus austère depuis la dictature, le combat continue dans la rue !

Au Portugal, un système de santé anesthésié par l’austérité

Portugal : l’austérité jusqu’au fond du gouffre !

Nous avons rendu compte sur ce site de la combativité du peuple portugais ces dernières années face à ce recul de civilisation :

12 mars 2011 Les oeillets refleurissent au Portugal

Portugal grève générale massive ce 24 novembre 2011 contre l’austérité

Portugal : Ce 15 septembre, 1 million de manifestants contre l’austérité, manifestations les plus nombreuses depuis 1974

22 mars 2012 Grève générale contre l’austérité au Portugal

500000 manifestants à Lisbonne à l’appel du mouvement « Que la Troïka aille se faire voir » (mars 2013)

Le développement des luttes a contribué à nourrir une gauche anticapitaliste en progression dans son implantation sociale et électorale.

Fernando Rosas : « La gauche radicale portugaise est l’une des plus fortes en Europe »

Dans ces conditions, il était important de noter que seules les deux grandes forces anticapitalistes avaient progressé lors des élections législatives du 4 octobre 2015, même si les médias aux ordres préféraient porter leur regard ailleurs.

Elections législatives au Portugal : la droite perd la majorité, le Bloc de gauche progresse

Le recul de la droite et du PS n’étaient pas suffisamment forts pour affoler l’Europe des profiteurs. Le président était prêt à faire confiance à un gouvernement de droite minoritaire ; plusieurs dirigeants du Parti Socialiste paraissaient garantir leur soutien à ce gouvernement pour l’essentiel...

Pourtant, la machine paraît s’enrayer.

Le Parti Socialiste a constaté qu’une partie significative de sa base électorale avait glissé vers le Bloc de Gauche et le PCP et que leur unité était mathématiquement majoritaire. Le principal dirigeant socialiste actuel, Antonio Costa, a décidé de changer d’orientation et d’engager des discussions avec les forces de la gauche anti-austérité pour dégager un programme de gouvernement.

Après les dernières législatives, un tournant s’opère  : PS, Bloc de gauche et PCP, majoritaires, concluent un accord de gouvernement

Les deux forces politiques anti-capitalistes portugaises ont accepté ces rencontres :

Portugal. Résolution du Bureau national du Bloco de Esquerda

La planète troïka s’est alors affolée ! Quoi ! Après avoir mis six mois à mater les Grecs de Syrisa, voilà que les Portugais veulent remettre le couvert... au risque de redonner des marges de manoeuvre à Tsipras... et d’encourager le vote pour la gauche radicale en fin d’année en Espagne et en France !

Ainsi, les mêmes dirigeants européens qui ont réalisé un coup d’état financier en Grèce au printemps été 2015, ont interdit le chemin du gouvernement à la gauche portugaise majoritaire à l’automne 2015.

Portugal : la gauche majoritaire... interdite de pouvoir par l’Eurozone

Le président portugais a ainsi confié la formation du gouvernement au Premier ministre sortant de droite, largement minoritaire mais coopté par Bruxelles, Pedro Passos Coelho.

Portugal : une droite enlisée, une gauche enhardie, un Président désespéré

La prochaine étape de ce feuilleton se jouera le 10 novembre 2015 lorsque le gouvernement de droite va essayer d’obtenir un mandat majoritaire à l’Assemblée. Si ce gouvernement est minoritaire, une partie des députés PS se laisseront-ils tenter par des strapontins ministériels dans le cadre d’une "coalition prétendue d’union nationale" ?

Il suffit de lire quelques extraits de l’article du Point de cette semaine pour imaginer l’anxiété qui gagne les sphères "libérales" de l’UE. Le titre et les deux premières phrases vont nous servir de conclusion... temporaire.

Portugal : avis de tempête

Un gouvernement mort-né, une opposition de gauche trop hétérogène pour constituer une alternative crédible... Lisbonne inquiète ses partenaires européens.

Le Portugal vient d’entrer dans une zone de turbulences dont nul, à ce stade, ne peut prédire l’issue.

Jacques Serieys


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