Daech, FN : Faire face aux néofascismes

dimanche 20 décembre 2015.
 

par Michèle Riot-Sarcey Historienne

Malgré la vanité de ce type de tribune sans effet sur le devenir de la démocratie et qui ne peut en aucun cas remplacer un débat général, ce peut-être, malgré tout, une occasion d’inciter à une réflexion collective publique en pratiquant une rupture avec toute forme de substitution de la parole citoyenne. Car, aujourd’hui, rien ne fonctionne normalement, c’est-à-dire démocratiquement  : les États, l’État français en particulier, gouvernent à coups de force et d’interdits, au jour le jour, sans vue stratégique à long terme et en l’absence de toute consultation d’une population avide de comprendre et d’échanger afin de pouvoir, sinon imaginer demain, du moins tenter d’organiser une résistance aux dérives actuelles. Faire taire la rue, empêcher tout manifestation est précisément l’inverse de ce qu’il faudrait faire aujourd’hui. Plus que jamais, me semble-t-il, la responsabilité active de tous est nécessaire et doit être requise.

Mais comment changer une manière d’être soumise au diktat des lois de la mondialisation libérale, de gré ou contraint, en subissant la force des choses tout en assistant à l’enfouissement du principe espérance  ? Comment éviter les récriminations, les désertions, les rancœurs, le repli sur soi, le vote en faveur de l’extrême droite, quand la seule expression démocratique à travers un suffrage ponctuel a été réduite à une délégation permanente de pouvoir aux professionnels, qui se contentent de gérer un système politique dont le pouvoir réel, aux mains de réseaux financiers tentaculaires, leur échappe. Comment ne pas voir l’impuissance actuelle de tous et de chacun  ? Quand le droit ne s’est jamais concrétisé en véritable exercice d’un pouvoir réellement souverain. La liberté a perdu son sens d’origine, lequel fut acquis au cours des expériences démocratiques qui ont émergé dans le passé, malgré les obstacles. La démocratie est précisément l’expression de ce pouvoir qui n’a cessé d’être mis en cause en étant écarté ou étouffé. Aujourd’hui, la tradition de ces expériences a été ensevelie sous une pratique dogmatique qui s’est substituée, tout au long du XXe siècle, aux différents mouvements d’émancipation. Rien de visible ou d’accessible, plus aucune trace de ces expériences aujourd’hui ensevelies sous la faillite de ces pratiques. Comment réveiller cette liberté d’action  ? Comment provoquer un sursaut et une mobilisation rapides afin de faire face aux catastrophes présentes  ?

Pourtant, faire face aux dérives de tous ceux qui ont choisi la destruction des traces de vie et de civilisations passées en affrontant les peurs aux visages multiples des laissés-pour-compte de la loi du profit immédiat est l’actualité du moment. Faire face aux conséquences des migrations massives en organisant l’accueil des réfugiés digne d’une humanité en perte de repères, tout en répondant aux demandes de soutien de pays comme la Grèce, victime d’une absence de solidarité massive, suppose d’opposer une véritable alternative à l’enfermement de l’extrême droite, tout en luttant contre le nouveau totalitarisme éradicateur.

Comment répondre à ces catastrophes  ? Si ce n’est par la mobilisation de toutes et de tous et par la prise de conscience de la gravité de la situation non seulement écologique, mais aussi politique et sociale. Rendre à chacun le pouvoir de penser ensemble et de débattre en commun est l’urgence du moment. La délégation de pouvoir aux professionnels du politique a vu ses limites dans la désertion des organisations traditionnelles. Aussi, pour être en mesure d’imaginer et de construire une riposte collective, rien ne peut remplacer la tenue d’un vaste débat qui ne serait que l’avant-courrière de la fondation d’une démocratie réelle. Quels que soient les obstacles ou les difficultés que représente une perspective aussi «  utopique  », il nous est impossible de les contourner. Alors pourquoi ne pas commencer par rassembler les plus déterminés, tous ceux qui aujourd’hui discutent dans des cercles restreints  ? L’Humanité, associée à d’autres journaux, pourrait par exemple en prendre l’initiative, car les échanges, par réseaux sociaux interposés, ne peuvent suffire et ne remplacent en rien la confrontation collective et publique.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message