L’imposture sociale du Front national

dimanche 3 janvier 2016.
 

Mais de quel côté de la barrière sociale se situe donc le Front national  ? Pas du côté des petits, des sans-grade, du peuple. Aucun doute, ses dirigeants entendent défendre les intérêts sonnants et trébuchants des planqués du dividende, des bouffe-tout du résultat net, les intérêts du milliardaire du parc de Montretout, à Saint-Cloud, et de ses héritiers du clan Le Pen.

Prié sur BFMTV de donner son avis sur le dialogue social en France, Florian Philippot reconnaît qu’«  il n’existe quasiment pas  ». Va-t-il mettre en cause les forcenés du Medef  ? Pas du tout. «  Il n’existe quasiment pas, précise-t-il, non pas en raison du blocage du patronat mais par la faute des syndicats.  » D’ailleurs, quand il y a lutte sociale, action des travailleurs pour défendre leurs droits, le FN n’a aucune hésitation. Interrogé sur le sort à réserver aux salariés d’Air France poursuivis par la justice, le même Philippot joue lui aussi les procureurs  : «  Ces personnes-là doivent être jugées parce que ce qu’elles ont fait n’est absolument pas convenable, et même condamnable  », déclare-t-il.

Au moins le FN s’affirme-t-il pour une augmentation de 200 euros des salaires inférieurs à 1,4 Smic. C’est une promesse d’arracheur de dents. Ce «  coup de pouce  » serait financé non pas par le patronat, mais par une taxe sur les importations égale à 3 % du montant des biens importés. Le tour de force est remarquable  : cela reviendrait à faire payer aux travailleurs et leur famille leur propre augmentation de salaire car les importateurs se dépêcheraient de répercuter cette taxe sur les consommateurs. Le FN est encore plus austéritaire que la droite allemande  !

Le FN hurle avec les loups. Le 31 octobre 2011, invitée sur BFMTV, Marine Le Pen reprend le refrain du Medef et de l’UMP de Sarkozy contre les 35 heures  : «  Les 35 heures ont été une erreur majeure  », dit-elle. Elle propose l’organisation de négociations de branche et d’entreprise pour revenir progressivement à 39 heures, en précisant que si «  ce sont 39 heures payées 39, beaucoup d’entreprises ne pourront pas payer cette charge supplémentaire  ». Le FN est toujours du côté du CAC 40.

Louis Aliot, chef de file FN en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, promet d’agir pour le «  maintien des services publics  » dans la région. Mais à mille kilomètres de là, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, sa compagne, Marine Le Pen, invitée le 24 septembre sur BFMTV et RMC, déclare «  qu’il y a trop de fonctionnaires territoriaux dans notre pays  ». Si elle l’emporte dans la région, elle promet de «  rationaliser (leur nombre) par l’intermédiaire des départs à la retraite  ». Pour le FN, le principal défaut de la politique de réduction de l’emploi public conduite par Sarkozy et Hollande (la RGPP) est d’être «  dogmatique et mal conduite  ». En matière de santé, le FN se prononce pour «  la fermeture des petites unités  » hospitalières et se garde bien de mettre en cause la fraude patronale à la Sécurité sociale.

Social, le FN  ? Qu’on en juge sur la question du logement. Il propose «  d’aménager  » la loi qui fait obligation aux communes d’une certaine importance de disposer de 25 % de logements sociaux. Le programme du FN ajoute  : «  L’objectif n’est pas de construire le plus possible de logement social, mais d’attribuer les logements existants de la manière la plus juste.  » Les Bettencourt à Neuilly et à Paris 16e ont failli avoir peur.

Mais le FN n’est-il pas contre les politiques d’austérité  ? Dans son programme, il se fait encore plus père Fouettard qu’Angela Merkel, qui a fait inclure dans la loi fondamentale allemande l’interdiction, à partir de 2016, d’un déficit structurel du budget fédéral supérieur à 0,35 % du PIB. Il se prononce lui pour un déficit structurel de 0 %. Le FN est encore plus austéritaire que la droite allemande  !

Le FN se prononce pour un «  État fort  » qui, en réalité, rendrait les citoyens faibles. Nulle part, dans son programme, l’on ne trouve de propositions permettant de donner du pouvoir aux simples gens. Il n’est pas question pour nos trublions d’extrême droite de s’attaquer aux privilèges de la grande bourgeoisie sur la gestion des entreprises, des institutions, sur celle de l’argent. Pas touche  !

Le FN est le défenseur forcené de l’ordre établi, notamment en matière économique. Certes, il affiche une formidable ambition. Il ne promet rien de moins qu’un «  État fort, qui met au pas la finance et la spéculation  ». En l’occurrence, dans ce programme, «  l’État fort  » ne s’avère capable que de séparer les banques de dépôt des banques d’affaires, de nationaliser mais «  de manière partielle et temporaire  » les banques de dépôt en difficulté, et cela seulement «  en cas d’extrême nécessité  », de militer au niveau international pour l’interdiction des produits dérivés et une taxe sur les transactions financières. Que de précautions, que de timidité quand il s’agit de s’en prendre au capital  !

Pierre Ivorra, L’Humanité


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