L’hémisphère Nord étouffé par l’air vicié

jeudi 7 janvier 2016.
 

De l’Italie à la Chine, les alertes s’enchaînent depuis plusieurs semaines du fait de la conjoncture météo et des modes de développement.

Pour les fêtes, certains étouffent sous la farce aux marrons, d’autres sous la purée de pois. Les alarmes à la pollution de l’air ne cessent de se déclencher à travers l’hémisphère Nord, depuis l’Europe de l’Ouest jusqu’à l’est de l’Asie. Après l’Italie, où les grandes villes enchaînent les mesures de restriction de la circulation, c’est au tour des Balkans d’être en état d’alerte. En Bosnie, les écoles ont dû fermer jeudi en raison d’une importante pollution de l’air. En Macédoine, c’est la population qui a pris les devants  : lundi, près d’un millier de personnes manifestaient à Skopje, la capitale, pour exiger de leurs gouvernants qu’ils prennent des mesures. Le pays étouffe sous un brouillard de particules de moins de 2,5 microns de diamètre (PM2,5) – les plus fines, celles qui pénètrent le plus profondément les poumons. Le seuil d’alerte fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 50 microgrammes par m3. Dans plusieurs villes macédoniennes, il s’affiche jusqu’à cinq fois supérieur (plus de 254 µg/m3 à Tetovo, au nord-ouest).

La situation fait écho à celle qui sévit depuis des semaines en Asie. À Téhéran, mégalopole de plus de 12 millions d’habitants, deux matchs de première division du championnat de football ont dû être annulés, dimanche. Dans la capitale, le taux de PM2,5 dans l’air atteignait alors 132 µg/m3. Scénarios similaires en Chine, où Pékin en est à sa deuxième alerte rouge en moins d’un mois. Enfin il y a l’Inde, laquelle explose tous les records. À New Delhi, le taux de PM2,5, atteint, depuis plusieurs jours, un niveau dix fois supérieur aux recommandations de l’OMS. De partout, les mêmes images poisseuses nous arrivent, celles de villes plongées dans des brouillards oscillant du jaune hématome au vieux rose, et de populations larmoyantes, obligées de sortir masquées.

La mauvaise qualité de l’air est la première cause de mortalité en Inde

«  Plusieurs facteurs expliquent cette multiplication d’alertes  », explique Paolo Laj, chercheur au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement du CNRS de l’université Grenoble-Alpes, lequel a longtemps étudié les brown clouds (nuages bruns) asiatiques. D’abord, elles s’entendent mieux. «  Globalement, nous sommes beaucoup plus sensibilisés au problème et nous y prêtons plus d’attention  », explique-t-il. L’effet COP21 aura joué en ce sens, pointant les projecteurs sur la qualité de l’air dans toutes ses dimensions. La conjoncture météorologique est elle aussi en cause. Dans toutes les villes touchées, on constate des températures anormalement chaudes en journée pour la saison, cumulées à l’absence de vent, conditions favorables à la stagnation des particules dans l’air. El Niño, particulièrement puissant cet hiver (lire l’Humanité de lundi) compte au rang des coupables présumés. De même qu’un changement climatique plus profond et durable. Où se rejoignent les responsabilités de fond. «  En Chine comme en Europe, la pollution de l’air provient essentiellement du charbon, du trafic routier ou de l’industrie, reprend Paolo Laj. En Inde, c’est la combustion de la biomasse qui est le plus en cause.  » Celle du bois de chauffe et de cuisine, entre autres. Alors que l’électricité reste une ressource rare, celui-ci est également responsable d’une pollution intérieure mortifère. L’un dans l’autre, la mauvaise qualité de l’air est la première cause de mortalité dans le pays.

Marie-Noëlle Bertrand, L’Humanité


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