Ukraine : le Parti Communiste est interdit

jeudi 14 janvier 2016.
 

La justice ukrainienne a sonné le glas du Parti communiste d’Ukraine (KPU) en confirmant son interdiction en vertu d’une loi entrée en vigueur en mai 2015 portant sur la pénalisation de l’utilisation de symboles communistes ou nazis.

Cette loi proscrit notamment l’usage du terme «  communiste  ». Ce texte vise à rompre avec le passé soviétique de l’Ukraine au moment où les autorités de Kiev combattent les rebelles prorusses dans l’est du pays. Des peines allant jusqu’à dix ans de prison peuvent être prononcées.

Le 16 décembre, la cour d’appel administrative du district de Kiev a donné raison à une demande en ce sens du ministère de la Justice déposée juste après l’arrivée au pouvoir des pro-occidentaux du président Petro Porochenko lors des élections législatives du 26 octobre 2014. La justice a rejeté l’appel du KPU sur le jugement négatif en première instance de la cour administrative du district de Kiev. Le groupe des députés communistes de la Rada avait déjà été dissous en juillet 2014 en raison de leur soutien aux séparatistes des provinces de l’Est. Cet été, le ministre de la Justice, Pavel Petrenko, avait empêché le KPU de participer aux élections locales du 25 octobre. Les communistes ukrainiens avaient dû se résoudre à se ranger sous la bannière d’un mouvement baptisé l’Opposition de gauche. Avec comme résultat un score catastrophique  : 1 % des voix.

La décision de la justice ukrainienne n’étant pas suspensive, le KPU ne peut plus utiliser son nom, son logo et sa charte. Son secrétaire général, Petro Simonenko, ne compte pas se laisser faire. «  C’est illégal. Nous allons lutter. Nous allons faire appel et nous nous préparons à présenter les documents à la Cour européenne des droits de l’homme  », a-t-il réagi auprès de l’AFP. Il a reçu le soutien de l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International. «  L’interdiction du Parti communiste en Ukraine est une violation flagrante du droit à la liberté d’expression et d’association et doit être annulée sans délai  », écrit Amnesty International dans un communiqué. «  Cela crée un dangereux précédent. Avec ce geste, l’Ukraine va en arrière et non en avant sur la voie des réformes et d’un plus grand respect des droits de l’homme  », a réagi John Dalhuisen, responsable d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale. « Une hystérie anticommuniste »

Cette mesure «  peut être considérée par ses défenseurs comme une façon de gérer les vestiges néfastes du passé soviétique. Mais cela fait exactement le contraire en recourant au même style de mesures draconiennes visant à étouffer toute dissidence  », a-t-il ajouté. De son côté, le Parti communiste français (PCF) a exprimé hier sa solidarité avec son homologue ukrainien en condamnant fermement une «  décision inique  ».

Ce jugement de la cour d’appel administrative du district de Kiev sonne comme un coup de grâce pour un parti, première force politique en 1994 et 1998, miné par des dissensions et des exclusions après son revers électoral lors du scrutin législatif de 2014 (3,87 % des voix et aucun député, contre 13,18 % et 32 sièges en 2012). Selon le quotidien britannique de centre gauche The Guardian, qui constate «  une hystérie anticommuniste  » en Ukraine, le KPU ne fait désormais plus qu’office de «  bouc émissaire  »  : «  Pour détourner l’attention de la population de la hausse des prix, les autorités ukrainiennes ont besoin de continuer leur lutte idéologique.  »

Damien Roustel, L’Humanité


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